Mode

Créateurs d'accessoires, le profil de la relève

Les noms de jeunes designers romands font de plus en plus écho sur la scène internationale. Zoom sur quelques pépites et leurs secrets pour se faire une place dans le milieu prisé des accessoires de mode.

Le basket bag de Joana Bender, fabriqué à la main
Le basket bag de Joana Bender, fabriqué à la main - Copyright (c) DR
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Ayant réussi l’exploit d’habiller des stars telles que Lady Gaga, Beyoncé ou encore Rihanna, le styliste valaisan Kevin Germanier est devenu l’un des designers les plus en vogue des défilés haute couture avec sa marque éponyme axée sur l’écoresponsabilité dont ses sacs en perles recyclées. Dans son sillage, la Fribourgeoise Gabrielle Huguenot, installée à Zurich depuis quelques années, commence elle aussi à faire parler d’elle. Elle a, en effet, remporté le prix d’Hyères en automne dernier, avec des créations autour du fétichisme qui semblent déjà avoir trouvé leur public. Mais la liste des designers d’accessoires qui montent est encore longue... Alors comment expliquer le succès de ces jeunes artistes et quel est leur secret pour perdurer ? Car s’il est possible aujourd’hui de faire le buzz en un clic, il faut encore s’inscrire dans la durée. À l’image de Candice Delaune, une Genevoise qui s’est installée dans les rangs de la maroquinerie « sur-mesure » en 2017 en lançant sa marque éponyme dont les couleurs contemporaines contrebalancent avec des matériaux nobles et épurés.

DES ARTISTES MULTIFACETTES...

La marque de maroquinerie "sur-mesure" de Candice Delaunediaporama
La marque de maroquinerie "sur-mesure" de Candice Delaune

D’après Sara Sandmeier, designer chez Baume&Mercier pendant seize ans et aujourd’hui styliste indépendante/enseignante à l’IPAC Design School Genève, tout est plus complexe pour les jeunes qui se lancent de nos jours. « Certes, pour imaginer un sac ou un bijou il y a plus d’outils à disposition mais on exige à présent de ces artistes qui ont la vingtaine de savoir gérer les outils informatiques de dessin (2D et 3D) et traitement d’images, les réseaux sociaux, la suite Adobe, de parler plusieurs langues, de savoir dessiner, de réaliser du design motion etc. En bref, d’être polyvalent et de se vendre avec toute la palette de compétences que cela implique », décrit l’experte. Une maîtrise que Joana Bender a acquise pour sa part sur le tas. Fondatrice de la « Fripe à Jo », cette Genevoise de 24 ans que rien ne prédestinait au monde de la mode a tiré son épingle du jeu en 2020. « De base, j’étudiais dans le domaine du social et j’organisais des vide-dressings de vêtements seconde-main comme passe- temps. Finalement, le concept a pris. Puis le covid est passé par là, j’ai donc dû proposer autre chose », raconte la jeune femme. L’inspiration lui vient alors tout droit des USA : créer des basket bags. Une série de sacs façonnés à la main à l’aide de ballons et balles de sport en tout genre qu’elle revisite à sa manière. Grâce à ça, en l’espace de trois ans, elle crée ainsi son site de vente en ligne, sa page Instagram, fournit les rayons de Manor et participe à la Fashion Week de Paris, la consécration. « J’ai dû développer de nombreuses compétences en peu de temps. Par exemple, sur les réseaux sociaux je suis à la fois une marque mais aussi une influenceuse et j’ai également dû apprendre à penser des looks qui puissent aller avec mes sacs qui sont quand même originaux », témoigne-t-elle. C’est d’ailleurs avec une robe moulante fabriquée à base de shorts de sports superposés et son fameux basket bag que Joana Bender a fait sensation à la Fashion Week de Paris l’an dernier.

...MAIS TOTALEMENT UNIQUES

La marque de sacs en céramique Jeanne Broquet sera exposée à Paris fin juindiaporama
La marque de sacs en céramique Jeanne Broquet sera exposée à Paris fin juin

La nouveauté, créer la surprise, serait-ce donc ça la recette miracle de ces créateurs en herbe ? « Oui mais c’est surtout l’identité qui fera la différence, notamment à long terme», assure la professeure Sara Sandmeier. Elle s’explique : « Il est vrai que dehors, c’est la jungle, alors pour être reconnaissable parmi tant d’autres, il faut animer son projet / sa marque, insuffler sa sensibilité unique. Rendre compréhensible son art, chercher en soi ce que l’on veut exprimer pour pouvoir concrétiser ses idées, concevoir un storytelling autour et ne pas hésiter à montrer comment on fabrique les choses. L’expérience client doit être inclusive. » Pour preuve, la spécialiste cite le cas de la marque de sacs en bâches de camion Freitag et sa réussite qui tient davantage de l’identité forte des modèles, de l’histoire et de l’aura des deux frères Daniel et Markus Freitag que de l’aspect recyclage en lui-même.

Une âme d’artiste à part que Jeanne Broquet, céramiste vaudoise de la vingtaine, a choisi de cultiver tout au long de son parcours. De son voyage linguistique en Angleterre, à sa formation de quatre ans en céramique, en passant par ses nombreux métiers « d’à côté » (maraîchère, vendeuse de bougies, pizzaïola, serveuse, fabrication de fromage de chèvre à Tenerife...), Jeanne Broquet a su trouver son filon en lien avec la nature: les vases-sacs en céramique. « Je voulais redonner vie à ce matériau incroyable qui est très figé », souligne cette touche-à-tout qui suit actuellement un cursus à la HEAD, à Genève, afin d’étoffer sa gamme de produits déjà disponibles sur son site avec cette fois-ci du métal. « J’apprends à utiliser, sertir et travailler les métaux précieux afin de créer des sacs tels des bijoux », annonce l’artiste qui ne cesse d’enrichir son univers inédit et de mettre en scène ses créations. Déjà présentée lors de quatre défilés (dans une serre abandonnée, au bord du lac de Neuchâtel, au Mapping Festival et à la BIG Biennale), la marque Jeanne Broquet sera également exposée à Paris fin juin.

L’ÉCOLE, UN INDISPENSABLE ?

Mais quand on est si jeune, le passage par une école est-il obligatoire pour réussir ? « Non mais il est préférable pour se faire ses armes. Que l’on soit un créatif qui se cherche ou avec une identité toute trouvée, se tester, se confronter aux autres élèves ou au regard des professeurs, se poser les bonnes questions avant de se lancer est une compétition saine. Cela permet de se heurter et se construire sans grandes conséquences », assure la styliste Sara Sandmeier en guise de conclusion.