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Acquisition d'un logement loué : quid de la résiliation ?

19/11/2018

Je viens d’acheter un appartement pour y vivre mais il est actuellement occupé par des locataires. Le vendeur avait résilié le bail afin de pouvoir vendre son bien libre de tout occupant et une procédure est en cours. Puis-je moi-même résilier le bail et, dans l’affirmative, dans quel délai ? Qu’adviendra-t-il de la procédure en cours ? Maître Sylvie Buscaglia, avocate CGI Conseils, répond à Martial G., Onex.

Juridique_19112018
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La loi prévoit qu’en cas de vente d’un immeuble, le contrat de bail relatif à cet objet passe au nouveau propriétaire avec la propriété de la chose. Tel est également le cas lorsque l’objet est acquis au cours d’une vente aux enchères.

La loi prévoit toutefois que l’acquéreur d’un bien immobilier bénéficie du privilège de pouvoir résilier le contrat de bail de manière anticipée. Celui-ci a en effet la possibilité de résilier le bail pour le plus prochain terme légal (soit à la fin de chaque trimestre de bail, soit à fin mars, fin juin, fin septembre ou fin décembre s’il n’est pas possible de savoir quand le bail a débuté), en respectant le délai de résiliation légal de trois mois pour les logements. Ces délais sont comptés à partir de l’inscription du transfert de propriété au Registre foncier. Le nouveau propriétaire n’est ainsi pas tenu de respecter les délais et termes conventionnels plus longs qui pourraient être prévus dans le contrat de bail convenu entre le locataire et l’ancien propriétaire.

Il convient par conséquent d’être attentif et de résilier le contrat de bail pour la première échéance légale du bail après l’inscription au Registre foncier. En effet, avant l’inscription au Registre foncier, le bailleur n’est pas encore propriétaire et la résiliation notifiée par ce dernier est nulle. Il existe toutefois une exception à ce principe, à savoir que si la chose louée est acquise lors d’une vente aux enchères, c’est dès l’adjudication que les délais commencent à courir, et non dès l’inscription au Registre foncier. Cela étant, le bailleur qui laisse passer la première échéance légale devra respecter le délai et l’échéance prévue par le contrat.

Pour pouvoir bénéficier de ce privilège et avoir le droit de résilier le contrat de bail de manière anticipée, le nouveau propriétaire doit cependant invoquer un besoin urgent pour lui-même ou pour ses proches parents ou alliés. Font notamment parties de ces personnes le conjoint, les enfants et autres descendants, les frères et sœurs, ainsi que leurs conjoints.

Qu'est-ce qu'un besoin urgent ?

On considère que le besoin est urgent lorsque, en fonction de l’ensemble des circonstances, on ne peut pas raisonnablement imposer au propriétaire une longue attente pour récupérer l’usage de son bien. Des motifs économiques constituent en général une justification suffisante. Le besoin du bailleur ou de ses proches doit par ailleurs être sérieux (il ne doit pas s’agir d’un prétexte), concret (il doit être fondé sur des faits réels) et actuel (il ne doit pas s’agir d’un besoin futur ou hypothétique). L’urgence ne réside pas uniquement dans la situation financière du bailleur.

A défaut d’existence d’un tel besoin personnel urgent, l’acquéreur devra respecter le délai et le terme prévus par le contrat de bail.

Le droit de résiliation anticipée de l’acquéreur n’existe toutefois pas lorsque le contrat de bail fait l’objet d’une annotation au Registre foncier. Dans cette hypothèse, le nouveau propriétaire devra respecter le terme et le délai prévus dans le contrat de bail pour le résilier.

Il convient par ailleurs de relever que, bien qu’il s’agisse d’un congé anticipé, le locataire est théoriquement en droit de solliciter une prolongation de son bail. Il s’agit d’une exception au principe que seuls les congés donnés pour l’échéance peuvent faire l’objet d’une prolongation du bail. En pratique, la prolongation, si elle est accordée, ne devrait toutefois être que de courte durée. En effet, dans la mesure où le bailleur est en mesure de se prévaloir d’un besoin urgent pour lui-même ou pour ses proches - puisqu’il a été autorisé à résilier de manière anticipée le contrat -, les intérêts du locataire devraient logiquement céder le pas devant ceux du propriétaire ou de ses proches.

Dans votre cas, et quand bien même le bail a déjà été résilié par le vendeur, vous pouvez user de cette faculté de résilier le bail moyennant un délai de 3 mois pour un trimestre de bail en principe, une fois avoir été inscrit comme nouveau propriétaire au Registre foncier. Dans le cas d’une éventuelle procédure, il vous faudra rendre vraisemblable votre besoin, ainsi que son urgence.

En ce qui concerne la procédure opposant d’ores et déjà le vendeur et les locataires, elle peut continuer. Si le bail avait été résilié au motif (considéré comme valable par les tribunaux) que le bailleur souhaitait vendre l’appartement libre de tout occupant, ce motif restera valable bien que l’appartement ait été vendu dans l’intervalle. En effet, le motif doit exister et être valable au moment où le congé est donné, et non au moment où le juge examinera son bien-fondé. Vous pourrez par ailleurs vous substituer au bailleur dans cette procédure.

Par Me Sylvie Buscaglia, titulaire du brevet d’avocat

Pour tout complément d’information, CGI Conseils est à votre disposition le matin de 8h30 à 11h30 au tél. 022 715 02 10 ou sur rendez-vous.

Article paru dans l’hebdomadaire TOUT L’IMMOBILIER