Suisse

Quelle reprise post-confinement pour l’immobilier genevois?

14/06/2021

A quoi ressemblera le marché de l’immobilier genevois à la sortie de la pandémie? Quel est l’impact de la crise sur notre manière d’habiter et de travailler? Est-ce le bon moment pour vendre ou acheter un bien? Si personne ne peut prédire avec certitude ce qui nous attend, prenons le pouls des principales tendances et perspectives immobilières.

Secteur Immobilier Impact Pandemie
Secteur Immobilier Impact Pandemie
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Une analyse de Moser Vernet & Cie

La crise du coronavirus bouleverse notre quotidien et ébranle tous les secteurs économiques. Lors du premier confinement au printemps 2020, il était difficile d’anticiper les répercussions de la pandémie sur les marchés et les valeurs immobilières. Alors que certains prévoyaient un effondrement, le virus a plutôt fonctionné comme un catalyseur. «Certains aspects temporaires sont directement liés à la Covid-19, comme les arcades et surfaces commerciales qui sont fermées actuellement mais vont reprendre leurs activités tôt ou tard. D’autres tendances sont amenées à se pérenniser, comme le home office qui aura des implications sur la demande de bureaux et l’organisation du logement», souligne Sophie Mydske-Moser, associée chez Moser Vernet & Cie.

Stabilité économique de la Suisse

En Suisse, la performance économique n’a pas chuté aussi radicalement que dans la plupart des autres pays industrialisés. Les experts anticipent un recul de la conjoncture d’environ 3,3% pour l’année 2020. En effet, les mesures d’urgence mises en place par la Confédération ont nettement limité le préjudice économique. Le nombre de faillites d’entreprises et le niveau de chômage ont donc été, dans une certaine mesure, contenus. Les dépôts de bilan devraient toutefois augmenter au premier trimestre 2021, avec l’apparition des nouveaux variants du coronavirus corrélés à des mesures de protection maintenues. C’est dès le second trimestre que l’on peut s’attendre à une embellie économique, notamment grâce aux campagnes de vaccination et au retour d’une plus grande mobilité individuelle. En 2021, l’économie pourrait donc quasiment atteindre le niveau de performance de 2019. Le recul du revenu des ménages sous l’effet de la pandémie devrait être compensé courant 2022.

Le désir d’accéder à la propriété se renforce

Durant ces périodes de semi-confinement, nous avons tous passé plus de temps à la maison, nous incitant à réfléchir à la qualité de notre lieu de vie. Un agréable chez-soi est devenu une priorité, en particulier avec l’intrusion du télétravail dans la sphère privée. Les ménages, confinés à domicile, en ont profité pour revoir leurs projets d’achat immobilier, faire leurs budgets et consulter les annonces, notamment dans Tout l’Immobilier, sur toutimmo.ch et en ligne. La crise du coronavirus a incité les locataires à emménager dans des logements plus grands, voire à devenir propriétaires. Pour un particulier, l’investissement dans la pierre est intéressant en Suisse du fait des taux d’intérêt et des conditions de financement avantageuses proposées par les banques, caisses de pension ou assurances. Être propriétaire demeure financièrement souvent plus attrayant qu’être locataire. Enfin, l’immobilier répond au besoin élémentaire de sécurité; il devrait donc continuer de jouer pleinement son rôle de valeur refuge.

«Au cours de l’année écoulée et dès la sortie du premier confinement, l’achat en Suisse a été en progression par rapport à la location, indique Sophie Mydske-Moser. La demande, pour les appartements en propriété par étages (PPE) et les villas, a même largement excédé l’offre, qui est aujourd’hui insuffisante pour répondre aux besoins de la population. Les nouveaux besoins en matière de logement devraient se traduire par une augmentation du nombre d’acquéreurs potentiels en 2021. Ils se heurteront cependant à une offre limitée».

Situation, recherche et accessibilité

Outre le prix du bien, le critère décisif d’achat (comme pour la location) est l’emplacement. Les zones calmes, en périphérie ou à la campagne, sont davantage recherchées qu’auparavant, d’autant que les prix y sont plus attractifs. Cette tendance répond au besoin accru de quiétude et de verdure, ainsi qu’à une volonté d’échapper aux aspects anxiogènes de la ville dense. De nombreux particuliers ont ainsi élargi le périmètre de leur recherche immobilière à des régions plus rurales ou de montagne, envisageant de poursuivre la pratique du télétravail au moins quelques jours par semaine. Des territoires comme le Chablais, le Bas-Valais, le canton de Fribourg, les Grisons, ainsi que des stations de ski, ont bénéficié de cet engouement. L’achat de résidences secondaires est aussi reparti à la hausse, selon cette même perspective de télétravail accru.

L’accessibilité – en transports publics ou en voiture – et le temps de trajet pour rejoindre les centralités urbaines sont des critères clefs. Les petites villes bien connectées au réseau ferroviaire comme Nyon ou Renens séduisent toujours plus. Enfin, l’immobilier de luxe est prisé, le plus souvent par des personnes expatriées ou étrangères qui cherchent à acquérir un logement prestigieux (maison de maître, chalet haut de gamme, résidence secondaire) sur sol helvétique.

La qualité de l’habitat

Le constat est clair: le semi-confinement a incité les Suisses à privilégier des logements plus spacieux. La part de recherche pour des appartements et villas de quatre à cinq (voire six) pièces tend à augmenter. Quand on travaille à la maison, disposer d’une pièce supplémentaire ou d’un coin bureau n’est plus un luxe! Un espace cloisonné (définitif ou grâce à des parois coulissantes) favorisera la concentration et permettra de se consacrer de manière efficace à ses courriels, téléphones, visioconférences, etc. Par ailleurs, la présence d’un espace extérieur privatif est un autre aspect déterminant. Les villas avec jardin et les appartements dotés de balcons, de terrasses et/ou de rez-de-jardin bien ensoleillés sont donc particulièrement recherchés. Enfin, les acquéreurs immobiliers attachent toujours plus d’importance aux questions de durabilité, avec la mise en place de bornes pour véhicules électriques, de panneaux solaires en toiture, de systèmes de contrôle de la consommation énergétique, etc.

Les prix vont-ils baisser ou augmenter?

Au printemps 2020, les experts étaient nombreux à tabler sur la stabilité des prix des logements en propriété en Suisse. Malgré la récession induite par la Covid-19, le recul attendu de la demande n’a pas eu lieu. Au contraire: dans l’ensemble de la Suisse, les logements en propriété affichent une forte progression de prix. Les prix de transactions pour les appartements en PPE et pour les maisons individuelles ont augmenté respectivement de 1,9% et de 3,3% pour la période du 2e trimestre 2019 au 2e trimestre 2020 (source Wüest Partner). Les trois quarts des communes suisses ont enregistré des hausses de prix, avec des augmentations particulièrement marquées dans et autour des grands centres urbains. En ce qui concerne les loyers, ils n’ont pas échappé à la tendance, puisqu’ils ont augmenté en moyenne de 1,1% sur l’ensemble du territoire. La région lémanique a même vu les loyers grimper de 2,5% dans le courant 2020 (indice Swiss Real Estate Offer).

Cependant, au vu des difficultés touchant l’économie réelle, qui devraient s’accompagner d’une baisse des salaires et d’une hausse du chômage en 2021, il faut s’attendre à ce que les prix des biens en propriété n’augmentent pas dans les mêmes proportions cette année. Quant aux taux d’intérêt en Suisse, les experts tablent sur le maintien de taux faibles; la Banque nationale suisse (BNS) ne devrait pas relever ses taux directeurs avant plusieurs années.

Les professionnels du secteur immobilier misent sur le numérique

Si le confinement a affecté le mode de vie des particuliers, il a également modifié le travail des agences immobilières. Ces derniers recourent notamment aux outils numériques. De nombreuses agences organisent des visites à distance via zoom ou WhatsApp. Les régies immobilières ont également perfectionné l’offre de visites virtuelles à 360°. L’usage de la vidéoconférence, de signatures par correspondance ou électroniques et d’estimations immobilières en ligne s’est en outre généralisé. Cependant, le numérique ne fait pas tout: c’est aussi d’écoute et de conseils personnalisés dont les acheteurs ont besoin. L’accompagnement aux particuliers, tant technique que psychologique, est fondamental. Sans compter que tous les outils numériques mis à disposition des acquéreurs ne remplaceront jamais une visite physique du bien convoité!

Les spécificités genevoises

L’activité de construction repose très largement sur l’évolution et les prévisions démographiques. Le canton de Genève montre une croissance de la population (+1%) légèrement supérieure à celle de la Suisse. Genève figure parmi les cantons à présenter le taux de vacance (estimation du nombre de logements locatifs et de nouveaux biens mis sur le marché) le plus faible du pays, à savoir de 0,49% contre 1,3% de moyenne suisse. La demande de logements en propriété y est très dynamique: les biens proposés trouvent rapidement preneur dans toutes les communes. Une pénurie se fait sentir, aussi bien dans la zone de développement (où les quotas de PPE et les prix immobiliers sont contrôlés par l’Etat) que sur le marché libre, pénurie qui s’ajoute à celle des appartements à louer. Il ne faut pas s’attendre à une progression de l’offre à court terme dans le marché résidentiel de Genève, notamment en raison du rejet par la population de plusieurs projets d’envergure (dans la zone de Meyrin-Cointrin par exemple). A long terme, la réalisation de nouveaux quartiers et secteurs (Praille-Acacias-Vernets, Cherpines, etc.) pourrait tout de même améliorer la situation.

La région lémanique reste la plus chère de Suisse pour l’achat d’une maison individuelle, où elle coûte en moyenne 1,54 million de francs, soit 40% de plus qu’en région bernoise (source: portail immobilier Homegate.ch). Parmi les cinq communes affichant les prix moyens les plus élevés, trois se situent dans le canton de Genève (Cologny, 3,34 millions, Chêne-Bougeries, 3,08 millions et Collonge-Bellerive, 2,94 millions) et le reste dans la région de Zurich.

Fin ou renouveau des bureaux?

L’offre de surfaces de bureaux a globalement progressé en 2020, alors que la demande s’est faite plus rare. De manière générale, une baisse des loyers a été constatée fin 2020. «L’écart entre les localisations centrales appréciées et les sites périphériques moins prisés continuera de se creuser dans le futur. Le parc existant, souvent vétuste, devra également rivaliser avec les bâtiments, plus modernes et flexibles, mis sur le marché», relève Sophie Mydske-Moser. A l’heure du déconfinement, les entreprises vont-elles réduire leurs surfaces, ce qui se traduirait par une hausse des taux de vacance? Pour y répondre, plusieurs facteurs sont à considérer. Notons tout d’abord que la pression sur les coûts a fortement augmenté, notamment à cause des pertes de chiffres d’affaires liées à la pandémie.

Vient s’ajouter la tendance au télétravail, une pratique sur laquelle les avis divergent. Pour certains, le home office va progressivement devenir la norme. Ce nouveau mode de travail contribuerait au bien-être des employés, tout en améliorant leur productivité. La réduction des temps de trajet s’inscrit également dans une prise de conscience écologique. A l’inverse, d’autres d’entreprises soulignent l’importance des échanges sociaux, la culture partagée et la création de valeur ajoutée qui ne peuvent émerger que sur un lieu de travail commun. Face à la double incertitude – l’avenir économique, donc le nombre d’employés, et la part de télétravail sur le long terme – de nombreux locataires de bureaux ont ajourné leurs décisions en matière de planification des surfaces. En attendant, ils optent pour davantage de flexibilité, avec notamment la possibilité de sous-louer une partie des surfaces inoccupées. Quoiqu’il en soit, en raison des baux en cours (durée minimale de cinq ans), la réduction de la demande ne se traduira par des taux de vacance plus élevés que de manière progressive.

Une fois encore, Genève se démarque

Avec plus de 200 000 m2 de surfaces de bureaux disponibles, Genève est la ville majeure de Suisse qui a le taux de vacance le plus élevé (5-10%, selon les calculs). A Genève, la demande n’est pas assez élevée pour absorber la suroffre encore gonflée par les nombreux projets de développement. Des disparités centre-périphérie se font toutefois sentir. Les grandes surfaces (supérieures à 2000 m2) restent rares au centre-ville et la forte demande entraîne des loyers élevés. A l’inverse, des communes de la première couronne suburbaine (Lancy, Grand-Saconnex par exemple) connaissent une abondance de locaux disponibles; le risque d’une dévalorisation y est donc probable. Les nouvelles centralités créées autour des gares du Léman Express (Chêne-Bourg, Pont-Rouge) ou dans des quartiers en développement, comme celui de Praille-Acacias-Vernets (PAV), sont de plus en plus recherchés.

Arcades et commerces

Le commerce de détail (non alimentaire) est le grand perdant de la crise sanitaire. Ventes en ligne, fermetures à répétition, absence de touristes ont largement affecté les boutiques, magasins, cafés-restaurants. La localisation a un impact encore plus important qu’auparavant: un fort déséquilibre se fait sentir entre les détaillants situés dans des rues passantes du centre-ville et ceux des zones plus périphériques. Face aux difficultés, les commerçants font preuve de créativité; des initiatives comme les multi-shops, pop-up stores, food trucks voient le jour. Quelques rares secteurs, comme la logistique, l’hygiène et la santé, l’électronique ou la pharmaceutique profitent de cette pandémie.

En résumé, malgré la mise à mal de certains segments, le marché de l’immobilier suisse et genevois se montre solide comme un roc. Ce qui laisse présager de beaux jours lorsque le déconfinement général sera décrété!

Véronique Stein

Cet article du site moservernet.ch est reproduit avec l’aimable autorisation de Moser Vernet & Cie SA. ©Moser Vernet.