Conseils - Suisse

Travaux réalisés par des locataires sans accord préalable du propriétaire : qui paie quoi ?

07/12/2018

"Mes locataires ont remplacé le frigidaire, trop ancien et abîmé, selon eux, et veulent déduire le montant de la facture du prochain loyer. Ils ont aussi fait installer une serrure supplémentaire sur la porte d’entrée, sous prétexte que le quartier ne serait pas sûr, et me demandent de prendre en charge leur facture. Ont-ils le droit d’agir de la sorte ?" Maître Anne Hiltpold, avocate CGI Conseils répond à Daniel H., Genève.

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Petites réparations ou travaux plus conséquents ?

De façon générale, la loi prévoit que le locataire doit assumer à ses frais, en cours de bail, les menus travaux, à savoir tout d’abord les travaux de nettoyage qui découlent d’un usage soigneux de la chose louée ainsi que les réparations de peu d’importance qu’il peut, en principe, effectuer lui-même sans compétences techniques ou sans outils spéciaux notamment. Le locataire n’a en revanche pas le droit d’effectuer des travaux ou des rénovations sans l’accord du bailleur pendant toute la durée du bail.

Le plus souvent, les baux ou les conditions générales comprennent une liste des menus travaux à la charge du locataire. Pour les travaux plus importants qui consistent en des travaux d’entretien ou des réparations plus conséquentes, ils sont à la charge du bailleur. Lorsque le locataire effectue des travaux sans autorisation écrite du bailleur ou commande des travaux de réparations sans en avoir informé préalablement son bailleur, il en assumera la charge. Autrement dit, pour autant qu’il s’agisse de travaux qui sont à la charge du bailleur, le locataire n’est en aucun cas en droit de les commander lui-même et s’il le fait, il prend le risque de devoir s’acquitter de la facture. Le locataire doit donc demander à son bailleur d’effectuer les travaux. Ceci permettra au bailleur de les commander auprès de l’entreprise de son choix ainsi que de demander plusieurs devis pour obtenir le prix le plus intéressant, cas échéant.

Toutefois, en cas d’extrême urgence ou dans le cas où le bailleur n’aurait pas supprimé un défaut dans un délai convenable alors que le locataire lui en avait fait part, il pourra alors commander lui-même les travaux et en faire supporter le coût au bailleur.

S’agissant du frigo prétendument défectueux, il ne s’agit pas de menus travaux que vos locataires auraient dû prendre en charge. Cela étant, vos locataires auraient dû vous demander soit de le faire réparer, soit de le faire remplacer, mais en aucun cas ils ne pouvaient commander eux-mêmes un nouveau frigidaire en vous mettant devant le fait accompli, sans vous permettre de vérifier si il était réellement défectueux, si une réparation était possible, en vous laissant demander plusieurs devis et décider du modèle. Ils doivent donc assumer cette facture.

Défaut par l’absence d’une qualité attendue ou promise ?

Pour la nouvelle serrure, la question pourrait se poser de savoir s’il s’agissait d’un défaut, dont la réparation vous incomberait.

La loi prévoit également qu’en cas de défaut, le locataire doit tout d’abord demander au bailleur de prendre des mesures pour remettre en état la chose louée, à moins qu’il s’agisse justement d’une petite réparation ou d’un dégât dont le locataire serait responsable. Il est admis que la chose louée est défectueuse si elle n’a pas les qualités attendues par le locataire ou promises par le bailleur. Pour dire si la chose louée est affectée d’un défaut, il convient de comparer l’état réel des locaux et l’état qui était convenu ou promis, c’est-à-dire que l’on compare l’usage que le locataire peut faire des locaux à l’usage qu’il pouvait en espérer. L’usage convenu s’apprécie de façon objective en fonction de l’ensemble des circonstances particulières. D’autres éléments peuvent également être pris en considération, comme par exemple le montant du loyer, le lieu de situation de l’immeuble, l’âge du bâtiment ou les usages courants.

S’agissant des qualités promises, il convient de voir si le contrat prévoit une clause particulière ou si des engagements ont été pris de vive voix éventuellement par le bailleur au moment de l’état des lieux ou lors de la conclusion du contrat.

Dans votre cas, l’existence d’une deuxième serrure était-elle une qualité attendue ? A priori, tel n’est pas le cas. Une porte palière ne doit pas forcément être munie d’une serrure de sécurité. Son absence ne peut ainsi être considérée comme un défaut. Il convient ensuite de voir si vous leur aviez promis une telle installation ou pas. Mais en tout état, ils auraient dû vous demander votre avis avant de commander et de faire poser cette installation. Ils doivent donc la prendre à leur charge, et vous seriez même en droit de leur demander de l’ôter, au moment de leur départ. Bien sûr, vous pouvez proposer d’en prendre une partie, ou l’entier, à votre charge en leur demandant de la laisser à leur départ.

Enfin, vos locataires ne sont ainsi pas en droit de déduire ce montant du loyer et, s’ils le faisaient, vous pourriez alors les mettre en demeure de vous verser l’entier du loyer dans un délai de 30 jours en les menaçant de résilier leur bail à défaut du paiement intégral du loyer.

Par Me Anne Hiltpold, titulaire du brevet d’avocat

Pour tout complément d’information, CGI Conseils est à votre disposition le matin de 8h30 à 11h30 au tél. 022 715 02 10 ou sur rendez-vous.

Article paru dans l’hebdomadaire TOUT L’IMMOBILIER