Construction

Fribourg leader des bâtiments expérimentaux

Un bâtiment du futur... mais pas futuriste. Tel est l’ADN du Smart Living Lab, en construction à Fribourg sur le site de bluefactory. Le terrassement de ce laboratoire truffé de capteurs est terminé. Courant 2027, 160 chercheurs intégreront les lieux.

Le site de bluefactory au coeur de Fribourg est en permanente évolution
Le site de bluefactory au coeur de Fribourg est en permanente évolution - Copyright (c) Stéphane Schmutz
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Chaque mètre carré des six hectares de l’ancienne brasserie Cardinal a été repensé de bout en bout. Parmi les étapes majeures, l’inauguration du Bâtiment B en octobre 2024. Un an plus tard, cet immeuble de 4 étages en bois brûlé compte déjà 17 entreprises locataires, offrant 340 emplois sur les 700 du quartier. Rien n’a été laissé au hasard, jusqu’à la moquette zéro-carbone en filet de pêche recyclé. Quelque 50 sous-traitants, principalement régionaux, ont collaboré pour bâtir cet édifice Minergie-P ECO-A. Les travaux ont duré 2 ans pour un coût total de 25 millions de francs. «Le taux d’occupation sera de 90% à l’automne 2025, se réjouit Gianfranco Quaranta, chef de projet du Bâtiment B. Ce sont notamment des sociétés bien établies comme Swiss Marketplace Group. Nous n’avons fait que peu de publicité. La situation centrale, proche de la gare et les collaborations possibles entres les acteurs expliquent ce succès.»

Projets de recherche

Modélisation du futur Smart Living Lab qui sera terminé en 2027diaporama
Modélisation du futur Smart Living Lab qui sera terminé en 2027

A quelques mètres, la construction du Smart Living Lab, le centre de recherche pour le futur de l’environnement bâti, a commencé en janvier 2025. La fin des travaux est prévue en mai 2027, avec un emménagement pendant l’été. Il s’agit non seulement d’un lieu de travail, mais aussi d’un laboratoire à l’échelle 1:1 pour étudier l’édifice lui-même et son environnement.

Le défi est majeur. Par exemple, lors du terrassement, 120 détecteurs radon ont été intégrés et 50 capteurs pour l’humidité et la température seront encore posés. Ils assurent ainsi le suivi d’un projet de recherche sur les effets du radon (gaz radioactif naturel) dans le sol et les constructions. «C’est un bâtiment conçu pour répondre aux besoins de différentes recherches et pour héberger 160 scientifiques, tandis que le Bâtiment B est prévu pour de la location aux entreprises», relève Virginie Dulucq, responsable du projet Smart

Living Lab. C’est une dynamique collective démarrée en 2017. La phase de consultation avec les groupes de recherche pour intégrer leurs souhaits a nécessité beaucoup d’adaptation des équipes et se poursuit. Pluridisciplinaire et catalyseur d’innovation, ce laboratoire vivant comprendra notamment cinq niveaux, un sous-sol, deux jardins intérieurs, des salles de conférences et des laboratoires et une toiture photovoltaïque végétalisée. Le financement est assuré par le canton et se monte à 25 millions. BFF en est le maître d’ouvrage.

Le modèle de distribution des eaux et de l’énergie est très innovant.

Économie d’eau et de chaleur

Parmi les particularités du Smart Living Lab, certaines ont déjà été expérimentées dans le Bâtiment B. La gestion des eaux usées, par exemple, suit en droite ligne les objectifs de développement durable 2050 et transforme le quartier en ville-éponge. Les eaux grises, jaunes ou brunes sont séparées et filtrées localement en sous-sol entre les deux bâtiments. Longs vers de terre (vermicomposteur), filtres à charbon ou encore purification par les plantes (phytoépuration) permettent de réutiliser l’eau usée. Elle est soit transformée en engrais liquide, soit en compost, soit réinjectée dans les chasses d’eau. «Ce modèle permet d’économiser 5 millions de litres d’eau potable par an sur le site de bluefactory», expliquet-elle. Des WC spéciaux séparant l’urine du solide sont prévus et ont déjà été testés dans d’autres bâtiments du quartier.

Intéressante également, la création d’un réseau thermique de quartier avec 200 sondes géothermiques projetées. Actuellement, 31 sont déjà installées sous deux édifices. Cette distribution de chaleur est complétée par des systèmes de refroidissement en free-cooling, sans recours à la climatisation. Le Bâtiment B est par ailleurs rafraîchi la nuit grâce à une circulation de l’air au niveau des jardins intérieurs, par exemple. Parallèlement, le système MCR (mesures, commandes et régulation) automatise les ombrages en fermant les stores en fonction de l’ensoleillement et du vent.

Sur les toits et en façades, des panneaux PV produisent de l’énergie, soit 786 m2 pour le Smart Living Lab et 1100 m2 pour le Bâtiment B. «Notre budget carbone est de 13 kg de CO2/m2/an, ainsi l’impact CO2 de la construction et de l’exploitation sera deux fois moins important que pour un projet immobilier traditionnel», note Virginie Dulucq. Le quartier d’innovation dans son ensemble vise un objectif net zéro carbone.

Projet expérimental

Les matériaux, eux aussi, sont sélectionnés en fonction notamment de leur cycle de vie et soigneusement référencés. Le bois local a été privilégié. Le Bâtiment B l’utilise jusque dans la structure de la cage d’ascenseur et celle des escaliers. «Pour les façades en bois brûlé, il s’agit d’une méthode japonaise qui augmente la résistance et la durabilité. Elle nécessite très peu d’entretien», souligne Gianfranco Quaranta.

Autre démarche novatrice, la création d’un jumeau numérique grâce aux données du bâtiment. Il améliore le suivi de chantier, optimise la gestion du bâtiment et permet de tester la performance de composants de remplacement. Cet outil numérique est d’autant plus important que le Smart Living Lab est conçu pour être évolutif, avec des parois amovibles et la possibilité de développer de nouveaux projets de recherche. Déployant peu à peu son activité sur ce site, le Centre mondial pour la construction durable organise visites et conférences.

Et la suite?

Le Bâtiment A sera rénové après 2028, ainsi que la Halle bleue qui quadruplera la surface de travail. Dans le périmètre Ouest du site, une partie logement sera réalisée par un investisseur privé dès 2028. Un parking sera également aménagé. La réhabilitation de deux bâtiments protégés - le silo à grains et la Halle grise (ancien site d’embouteillage de Cardinal) - suivra. Cette dernière accueillera la filière d’architecture de la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (HEIA-FR).