Inédit, une banque privée s'installe en zone suburbaine
Près de six mois après l'ouverture d'une agence de la banque Gonet à Cologny, les deux initiateurs, Nicolas Grange et Nicolas Gonet, reviennent sur ce qui a abouti à cette installation.

Véritable contre-pied à la stratégie de digitalisation des banques traditionnelles dont les succursales se ferment les unes après les autres, la banque privée genevoise Gonet a choisi d’ouvrir une agence hors du centre-ville, à Cologny, en fonction depuis le 1er octobre dernier. Une première dans le domaine du private banking qui suscite quelques interrogations. A l’heure du bilan, les deux protagonistes de ce qui est perçu comme une initiative inhabituelle, Nicolas Grange et Nicolas Gonet, tous deux dirigeants respectivement des régie et banque privée genevoises éponymes, témoignent.
Pouvez-vous nous raconter la genèse de cette collaboration entre la régie Grange et la banque Gonet?
Nicolas Grange: Les régies immobilières constituent des observateurs privilégiés de l’activité commerciale, puisque nous sommes informés en amont de cessations d’exploitation de locaux, lors de résiliation de bail ou de souhait de vente. D’observateur à acteur il n’y a qu’un pas que nous aimons faire, celui qui nous amène à proposer des opportunités à notre propre réseau. C’est ce qui s’est passé dans ce cas précis. La régie Grange a toujours géré cet immeuble, et ce, depuis sa construction sur la place du Manoir à Cologny, il y a de cela plus de quarante ans. La banque UBS avait été le premier locataire de cette arcade mais a décidé de résilier son bail et de quitter les lieux fin 2020. En tant que gérant, j’ai d’abord pensé à positionner cet espace sur le créneau du coworking puis j’ai réfléchi à ces salles de coffre rares et à l’abandon. C’est finalement en échangeant avec la commune que je me suis décidé car pour ses représentants il était important de conserver une activité bancaire dans le village, et notamment un service de distributeur de billets. Au lieu de démarcher les autres grandes banques, j’ai voulu essayer quelque chose de novateur.
C’est à ce moment-là que vous avez pensé à votre cousin banquier privé?

Nicolas Grange: Exactement. Nous avons des liens familiaux et je le sais ou- vert à des réflexions «out of the box». Il a pu évaluer le potentiel que peut représenter une agence bancaire sur la rive gauche, à Cologny, intégrant en plus un service de coffres à la lisière du centre- ville, qui est une vraie facilité offerte à la population et la clientèle, complète- ment sécurisée et d’accès pratique. Nous avons effectué tous les travaux nécessaires pour remettre en état l’agence et c’est rapidement que le projet a été lancé.
Si l’idée de s’installer hors du centre-ville semble si judicieuse, pourquoi les autres banques privées n’y ont pas pensé elles aussi?
Nicolas Gonet: Seule agence de banque privée qui est hors-siège à Genève, il est certain que ce que nous avons initié peut paraître insolite. Ce qui peut freiner au premier abord les acteurs potentiels, ce sont les coûts qu’engendrent des locaux d’un certain standing et avant tout fortement sécurisés. Cela nous a semblé pourtant naturel car la banque Gonet est ancrée à Genève depuis toujours, une bonne partie de notre clientèle est domiciliée à Genève, pour beaucoup sur la rive gauche. Toutes les banques privées n’ont pas forcément cet ancrage-là. Cet aspect de proximité fait que l’on peut se le permettre et puis, il faut le préciser et nous l’assumons, nous sommes une banque privée à taille humaine. On fantasme en effet souvent sur les banques privées et les montants très élevés qu’il faudrait pour y accéder. Ce n’est pas toujours le cas et nous en sommes la preuve.
Nicolas Grange: Je rebondis sur cet élément de proximité qui est primordial, à mon avis, pour que ce type de projet soit une réussite. Nous aussi, nous sommes une PME et nous avons fait le choix in- habituel de nous disséminer dans la ville. Nous sommes présents à Carouge, à Grange-Canal et à Nyon afin d’être au plus proche de notre clientèle et offrir un service de meilleure qualité. Gonet et Grange partagent la même philosophie en la matière.
Les banques traditionnelles se délestent de plus en plus de leurs succursales afin de privilégier le e-banking. En tant que régie, avez-vous davantage de ces biens à relouer et pensez-vous reproduire le schéma que vous venez de réaliser avec d’autres banques privées?
Nicolas Grange: En tant que gérant, notre métier c’est de trouver des acheteurs ou des locataires. Aujourd’hui, on sait que le commercial vit des heures difficiles à cause du Covid, donc notre rôle vis-à-vis de notre clientèle c’est de lui donner un avis de la situation et de les conseiller pour louer le mieux possible. Il est vrai qu’il y a certains immeubles où UBS avait des succursales par exemple et où il y a eu des résiliations. En général, nous essayons de rester dans un esprit de succursale bancaire parce qu’elles sont déjà équipées et sécurisées. En l’occurrence, pour l’arcade de Cologny, c’était bien le cas avec une salle munie de mille coffres, que l’on ne pouvait pas transformer, par exemple, en cabinet médical. Ne mesurant que 200 m2, une telle surface n’intéresse plus forcément les grandes banques, et comme l’a expliqué Nicolas Gonet, ce n’est pas encore dans les schémas des banques privées. Nous aviserons pour les prochains biens de ce type en fonction des opportunités.
Vous citez la salle des coffres comme un investissement important. Qu’avez-vous entrepris comme travaux dans cette première succursale de banque privée?

Nicolas Grange: Nous avons presque tout refait, murs, plafonds, sols, ventilation, mobilier et bien sûr la salle des coffres. Cela a été une rénovation assez conséquente, de quelques centaines de milliers de francs, puisqu’il a fallu sécuriser davantage le bâtiment.
Nicolas Gonet: Il est vrai qu’un établissement bancaire n’est pas une mince affaire en termes d’aménagement et de sécurisation, mais l’investissement a du sens. Un millier de coffres, de plusieurs dimensions, des salons de réception, un bancomat de dernière génération, tout cela rend notre agence aussi pratique que rassurante. Pour preuve, certains de nos clients du siège en ville de Genève ont déplacé leurs biens vers cette nouvelle agence.
De votre côté, Nicolas Gonet, vous semblez satisfait du résultat, est-ce que vous envisagez d’ouvrir des succursales suburbaines dans les autres villes ou vous êtes implantés?
Nicolas Gonet: Nous avons en effet ouvert une agence au centre de Lausanne il y a dix ans et à Zurich il y a une année, mais nous n’envisageons pas le même dispositif dans ces régions, pour différentes raisons. Cologny s’y prêtait particulièrement bien pour les raisons déjà évoquées et parce que nous sommes très présents dans cette partie du canton. Nous y sponsorisons par exemple le tournoi de tennis Gonet Geneva Open au Parc des Eaux-Vives, un festival littéraire et un festival de musique à Collonge-Bellerive. Cette agence est donc bien plus qu’un complément à notre présence au centre-ville.