Interview

Jean-Baptiste Ferrari: «La voix de chacun et chacune compte»

En choisissant 18 projets récents de sa fructueuse carrière, l’architecte lausannois publie un livre qui célèbre le travail d’équipe de son bureau d’une septantaine de collaborateurs et collaboratrices.

Pourquoi un livre? Est-ce une façon de marquer sa trace?

Jean-Baptiste Ferrari_Un livre, c’est avant tout un outil de communication. C’est aussi une partie de notre métier: faire savoir ce que l’on fait. Le contenu du livre comprend 18 projets que nous avons soigneusement sélectionnés. Nous avons également tenu à donner la parole à chacun des 18 maîtres d’ouvrage. Ce sont nos interlocuteurs et nos partenaires. Nous sommes à leur service. Par ailleurs, ce livre a aussi pour objectif de mettre en avant tous nos collaborateurs. Sans eux il n’y a pas de projets.

L'architecte lausannois Jean-Baptise Ferrari.diaporama
L'architecte lausannois Jean-Baptise Ferrari.

Et la retraite?

J-B. F._J’ai la chance de travailler dans un métier passionnant, où l’on apprend constamment. En outre, c’est un privilège de travailler avec de jeunes architectes, enthousiastes et motivés. Le bureau est composé de cinq associés et trois directeurs, la charge de travail est donc bien répartie. Nous privilégions une organisation la plus horizontale possible. La voix de chacun et chacune compte.

Vous avez le goût des concours, relate Christophe Passer en préambule.

J-B. F._Oui nous participons à nombreux concours, appels d’offres et mises en concurrence.

Avec quel pourcentage de réussite?

J-B. F._Difficile à estimer, probablement 20%, ce qui signifie forcément 80% d’échecs. Le concours d’architecture est un exercice cruel, chronophage, mais nécessaire pour se confronter.

Combien de bâtiments avez-vous réalisé depuis la fin de vos études?

J-B. F._Je ne sais pas, je ne les compte pas.

De quel concours public êtes-vous le plus fier?

J-B. F._Récemment, le concours public le plus prestigieux que nous avons gagné concerne l’extension du bâtiment de La Vaudoise, situé à l’avenue de Cour à Lausanne. Le défi consistait à trouver un dialogue harmonieux avec le célèbre bâtiment de Jean Tschumi. Dans le cadre d’un concours SIA anonyme, La Vaudoise avait invité une dizaine de bureaux suisses. Le fils du créateur, Bernard Tschumi, faisait partie du jury. Nous nous réjouissons évidemment de le développer, d’un autre côté, les procédures sont un peu longues.

Et les projets les plus importants?

J-B. F._Ce ne sont pas forcément les projets les plus grands qui sont les plus importants. Je mettrais en évidence la Maison de l’Environnement réalisée pour l’Etat de Vaud sur le site du Biopôle. Le bâtiment est construit en bois et en terre crue, sous la forme de briques assemblées sur le chantier de façon traditionnelle. C’est un peu plus cher que le béton. L’idée originelle était d’utiliser la terre de la parcelle extraite de l’excavation. Pour des raisons pratiques, nous avons dû recourir à une terre de la région lausannoise. À la Maison de l’environnement, les briques de terre crue constituent les parois de deux patios intérieurs, qui participent au confort thermique de l’ensemble. Nous allons prochainement construire une école dans le canton de Genève avec cette même technique.

L’architecte est désormais confronté à de nouveaux défis écologiques...

J-B. F._Les nouveaux bâtiments requièrent des épaisseurs d’isolation importantes. Ils ont évidemment recours aux énergies renouvelables: pompes à chaleur, panneaux photovoltaïques, sondes géothermiques ou chauffage à distance. Dans ce contexte, le gaz et le mazout sont évidemment hors-jeu.

Hôpital d’Yverdon-les-Bains.diaporama
Hôpital d’Yverdon-les-Bains.

Géographiquement, Ferrari Architectes est avant tout dans le canton de Vaud…

J-B. F._Dans le domaine hospitalier, nous achevons à Lausanne l’Hôpital des Enfants au CHUV et sommes en train de projeter l’Hôpital d’Yverdon-les-Bains. Notre activité s’étend à toutes sortes de thèmes: logements collectifs, bureaux, infrastructures pour les transports publics, écoles, etc. Certains projets nous amènent également à Genève, Fribourg et Sion où nous réalisons un nouveau bâtiment pour l’Hôpital du Valais.

L’urbanisme a changé avec la densification. La bureaucratie gagne-t-elle du terrain?

J-B. F._La densification est la résultante de l’augmentation de la démographie. Ces nouveaux projets (logements, écoles) s’implantent dans des zones de développement et nécessitent des dialogues parfois délicats avec la population pour permettre leur bonne intégration. Quant aux normes, leur augmentation entraîne obligatoirement des délais supplémentaires pour l’examen des dossiers. Nous devons donc nous adapter… et patienter.

Un livre qui célèbre le travail d’équipe du bureau composé d’une septantaine de collaborateurs et collaboratrices.diaporama
Un livre qui célèbre le travail d’équipe du bureau composé d’une septantaine de collaborateurs et collaboratrices.

Avez-vous un modèle en architecture? Un maître?

J-B. F._Je viens de visiter à Venise une remarquable exposition sur Kengo Kuma, architecte japonais. Parmi d’autres, il représente pour nous une référence et une stimulation.

Et ce qui a changé le plus?

J-B. F._Ces dernières années, on assiste à l’apparition d’un monde professionnel encore plus compétitif. Les mandats directs sont rares. On peut dire que tout projet d’une certaine importance fait l’objet d’une mise en concours. La loi sur les marchés publics a inspiré beaucoup de maîtres d’ouvrage privés ou institutionnels dans ce sens.

Ferrari Architectes, Christophe Passer, aux Editions Favre à Lausanne, 280 pages.