Chronique chez soi - Suisse

L'alarme à l'œil

Vouloir protéger son logement, c’est humain. Mais quand on a fait poser une alarme et qu’elle se déclenche, c’est inhumain. Surtout quand il n’y a même pas de cambrioleurs.

"Je crois que c'est depuis ce moment que j’ai perdu un peu d’audition du côté gauche".
"Je crois que c'est depuis ce moment que j’ai perdu un peu d’audition du côté gauche".
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J’ai toujours pensé que je n’étais pas attachée aux biens matériels et que je ne serais jamais propriétaire, par exemple. Cela ne m’intéressait pas, je n’y voyais que des emmerdements. Et puis, sur un malentendu et sur le tard, pouf, je suis devenue propriétaire d’un appartement. C’est affreux à admettre, mais cela change certaines perspectives. Je me suis d’un coup quasiment retrouvée dans la peau d’une chasseuse d’or au Far West en 1860, qui a construit sa maison et qui s’achète un fusil pour défendre son bout de terrain. Bon, j’ai opté pour une version plus pacifique: l’alarme.

C’est plus compliqué

Statistiquement, les cambriolages sont en baisse en Suisse. Mais statistiquement, je vis dans un des cantons où il y en a le plus (Genève). Et j’ai un logement de plain-pied. Donc, on m’a dit: tu dois mettre une alarme. Ok, mais on fait comment? On fait comme pour beaucoup de choses quand on ne sait pas, on fait venir quelqu’un qui sait. Et hop, un monsieur charmant vient m’installer une alarme. Je pensais que c’était vite fait, on pose la chose, on appuie sur un bouton pour mettre en marche et on réappuie pour éteindre. Alors non, c’est plus compliqué. Il faut installer un boîtier, puis des capteurs, terrasse, chambre, sous-sol, puis connecter tout ce bazar, et ensuite il y a une appli, qu’il faut télécharger, créer son profil, l’activer, et vous voyez madame vous pouvez armer et désarmer à distance. Oui oui oui, je vois et je crois que j’ai compris mais en fait, je me rendrai compte plus tard que non, pas vraiment. On fait un essai. Alors déjà, mon cœur cesse de battre quand l’alarme se déclenche. Je crois aussi que c’est depuis ce moment que j’ai perdu un peu d’audition du côté gauche. La sonnerie, mais au secours! Jamais entendu un truc aussi strident. C’est vite vu, les voisins se sont précipités dans le bunker, pensant que la Troisième Guerre mondiale avait éclaté. Et alors là, au milieu du bruit et de la fureur, il faut se souvenir du code qu’on vient de choisir et qu’il faut taper sur le petit clavier pour arrêter le processus. 070619 ah mais non ce n’est pas ça, mais putain c’est déjà quoi la date quand on s’est rencontrés avec mon amoureux, c’était en 2018 ou en 2019? Et pendant ce temps tout le monde hurle, la sirène, les voisins, les chiens des voisins. Le positif, c’est que la démonstration est concluante: c’est assez dissuasif, les voleurs potentiels seront traumatisés (et sourds) à vie. Le problème, c’est que tout le quartier aussi.

Il faut installer un boîtier, puis des capteurs, puis connecter
tout ce bazar, avec une appli.

Comment l’arrêter?

Autre souci, il y a un moment où le monsieur de la société part. Vous vous retrouvez seule avec votre alarme et votre appli et un jour vous partez en vacances. Vous armez l’alarme, vous avez trente secondes pour sortir, ouf, il n’y a rien qui sonne, à moi la mer Noire sur la côte bulgare. Et voilà que deux jours plus tard, mon téléphone, pourtant sur silence, fait un bruit épouvantable sur la plage de ladite mer. Mince, c’est l’alarme. Côté fenêtre. Comment on arrête ce machin? Je ne sais pas, tout le monde me regarde, j’appuie sur vert, sur rouge, le code, ça finit par cesser. Et deux heures plus tard ça recommence. C’est bon, j’ai compris, il y a des gens qui sont en train de vider tranquillement mon appartement. Les voisins sont devant la porte et m’appellent. A travers mon téléphone à 2200 km de la maison, j’entends la fameuse sonnerie. Je demande s’il y a des voleurs. Non. Personne. Petite précision non inutile, on est dimanche fin de matinée, c’est gênant. Je parviens, en demandant à mon fils, à désarmer l’alarme à distance. Tant pis, ce sera open bar, mais au moins les voisins ne seront plus dérangés.

Mouvement suspect: un arbre

J’ai eu le fin mot de l’histoire, car j’ai fait revenir le charmant monsieur fissa. En fait, un petit arbre devant la fenêtre bougeait avec le vent et le capteur le détectait comme mouvement suspect. On a dégagé l’arbre, et réglé le capteur pour qu’il soit moins sensible. Mais je n’ose plus l’utiliser tellement je crains que cela recommence. Et on arrive en novembre, qui est la période durant laquelle il y a le plus de vols par effraction. La police recommande de mettre une minuterie qui allume les lampes de façon aléatoire pour faire croire qu’il y a du monde. Mais ça ne va pas jouer avec les économies d’électricité ça! Bon, je vais rester à la maison, télétravailler à la bougie comme au temps de Balzac, avec le rouleau à pâtisserie en marbre à côté de moi si jamais il y a des cambrioleurs (ne rigolez pas, on peut tuer quelqu’un avec ça sans problème).

De toute façon, imaginez une vraie coupure d’électricité due à la situation géo-politico-mondiale, le bordel que ce serait. Plus d’alarme nulle part. Plus grand chose d’ailleurs. Alors avis aux amateurs si jamais, j’ai mis tout mon argent dans les murs de ce logement hein, il n’y a donc absolument rien d’intéressant dedans. A part un rouleau à pâtisserie en marbre.