Énergie

L'ambition inarrêtable du solaire

Fin mars, lors de la 22e édition du Congrès suisse de la branche, les 10% de besoins annuels en électricité du pays assurés par le photovoltaïque ont été salués. Mais jusqu'où ira cette croissance exponentielle?

Le potentiel solaire alpin est évalué pour l'heure à 16 TWh
Le potentiel solaire alpin est évalué pour l'heure à 16 TWh - Copyright (c) DHP Technology
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Affluence record sur le campus de l’EPFL où plus de mille acteurs intéressés de près ou de loin par le solaire se sont réunis pour assister à la 22e édition du Congrès photovoltaïque suisse qui se tenait fin mars. Une succession de conférences faisant état d’un marché qui affole lui aussi tous les compteurs. Il faut dire que le photovoltaïque a connu une évolution comme aucune autre activité énergétique ne l’a fait auparavant, couvrant désormais 10% des besoins annuels du pays en électricité.

De pics en sommets vertigineux

Des progrès accomplis aujourd’hui qui nous semblaient du domaine de l’impossible il y a de cela encore une décennie, en témoigne la conseillère nationale Jacqueline de Quattro: «En 2009, l’énergie solaire démarrait gentiment, nous avons subventionné les installations, ce qui a donné un petit coup de pouce au marché. Puis est arrivée la catastrophe de Fukushima et tout le monde s’est rendu compte du risque tangible que représetait le nucléaire. Le solaire a alors observé un nouveau pic d’attractivité avant de s’essouffler par manque de fonds. Mais c’est dans l’acceptation de la stratégie 2050, lors de la votation de 2017, que le photovoltaïque a pu trouver un véritable tremplin, s’appuyant également sur la guerre en Ukraine et les questions de sécurité d’approvisionnement qui en ont découlé.»

Preuve en est qu’il faut parfois prendre plusieurs élans pour passer l’obstacle. Au- jourd’hui deuxième pilier énergétique du pays (derrière l’hydraulique), l’ascension du solaire semble donc interminable. Albert Rösti, présent à l’événement, l’a reconnu lui-même: «J’avoue que la vitesse à laquelle s’est développée cette énergie, je n’y croyais pas. Mais je suis ravi de consta- ter que la construction de nouvelles installations photovoltaïques va de record en record. Parmi les énergies renouvelables, c’est le photovoltaïque sur les bâtiments qui présente le plus grand potentiel, qui croît le plus rapidement et qui est le moins cher.»

Mais il reste encore du chemin

En 2023, le marché de l'électricité solaire a augmenté de 40% par rapport à 2022diaporama
En 2023, le marché de l'électricité solaire a augmenté de 40% par rapport à 2022

«Ce qui est réjouissant, c’est que cette situation n’est pas due au hasard. Le solaire s’est imposé comme un réel producteur d’énergie, et ce, malgré la pénurie de main d’œuvre et de matériel. Il a su s’adapter aux changements techniques et contextuels», confirme Matthias Egli, directeur de la faîtière Swissolar. Si bien que les objectifs sont eux aussi de plus en plus ambitieux. Le but visé étant d’atteindre une production d’électricité solaire cinq fois plus élevée au cours des dix prochaines années. Cela donne le vertige... et le plus dur reste à faire.

Selon Matthias Egli, installer des panneaux sur des toits ne suffira plus à terme. Il faudra se montrer innovant, par exemple en intégrant le photovoltaïque dans les champs, les autoroutes, les Alpes, les pistes d’aéroports, voire sur des pistes cyclables. Pour cela, la technologie ne sera pas un problème assure Christophe Ballif, directeur de l’EPFL PV-lab. «Les produits s’améliorent d’année en année, les innovations s’industrialisent et les cleantech rendent le photovoltaïque de plus en plus esthétique aux yeux du public. C’est finalement là que le bât blesse, le solaire doit devenir une évidence pour tout le monde, partout, sinon nous n’arriverons pas à nos objectifs», a pointé le chercheur.

Le défi de l’adhésion populaire

Puisqu’en effet, le futur du solaire se voudra décentralisé, transformant nos foyers en minicentrales électriques et impliquant tout un chacun dans la manœuvre. Or, pour le moment, le solaire ne fait pas l’unanimité. Isabelle Stadelmann-Steffen, professeure à l’Université de Berne a justement mené une étude sur le taux d’acceptation populaire de cette source d’énergie. «Nous avons observé une différence entre les petites et grandes installations solaires car en sondant les Suisses, celles sur bâtiments se placent comme favorites tandis que les grandes centrales au sol ou les champs solaires arrivent bien plus loin dans les préférences des citoyens, au niveau du nucléaire», commente-t-elle.

Toutefois, comme l’a souligné l’experte, il arrivera un moment où les opportunités «faciles» d’installations photovoltaïques (sur le bâti) seront épuisées et il faudra alors l’adhésion des citoyens pour poser des panneaux sur de nouvelles surfaces. C’est d’ailleurs en ce sens que la loi fédérale «pour une électricité reposant sur des énergies renouvelables» qui sera votée le 9 juin prochain (combattue par certaines organisations écologistes) donnera déjà une impulsion positive... ou non.

Des réseaux à assurer avant tout

Autre point chaud à prendre en main, et vite, pour assurer un déploiement du solaire et garantir 50% des besoins en électricité de la Suisse d’ici 2035: le réseau. «Quand on parle de solaire, on pense panneaux car c’est l’élément le plus médiatisé de notre métier. En réalité, derrière cela se cachent des milliers de kilomètres de réseaux qui transportent et distribuent l’électricité en tentant de réguler les pics pour maintenir un équilibre et éviter que le système ne s’écroule», décrit Véronique Athané Ryser, directrice gestion des réseaux SIG.

En clair, pour supporter la transition que nous vivons et l’électrification de notre société, un investissement dans les réseaux sera indispensable. «Le réseau a été conçu pour que des grandes centrales électriques pilotent et attribuent le courant auprès des consommateurs. Le problème étant qu’aujourd’hui tout le monde peut être producteur, ce qui déstabilise le réseau et rend la production moins prévisible», poursuit Véronique Athané Ryser. Toujours plus complexifié et étendu, le marché du solaire semble donc désormais face à un dilemme: devoir redoubler d’efforts et d’investissements pour pallier ces deux défis majeurs ou perdre de la vitesse dans sa course à la croissance...