Football obligatoire à l'école

L'enseignement par le foot pour gérer ses émotions

Pour leur rentrée 2022, tous les élèves de 11 et 12 ans de l'Institut international de Lancy auront des cours de foot obligatoires, dispensés par FootLab, dont le fondateur Patrick La Spina explique l'utilité.

Trois modules sont prévus au programme d'enseignement: "Loisir", "Performance" et "Elite"
Trois modules sont prévus au programme d'enseignement: "Loisir", "Performance" et "Elite" - Copyright (c) DR
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Quel est l’intérêt d’intégrer au cursus scolaire un jeu où 22 joueurs courent derrière un ballon? C’est que le sport en question n’est, contrairement aux idées reçues, pas si bête que cela. Hautement stratégique, il fait surtout appel aux capacités de réflexion, d’orientation et de collaboration, souligne Patrick La Spina. Ce Valaisan est un ex-footballeur qui, après huit ans d’entraînement intense, a tourné le dos, à 21 ans, à une prometteuse carrière. Pas assez de bienveillance ni d’humanité dans ce milieu, avait-il jugé à l’époque. D’ailleurs, il avait pris la décision de quitter le FC Sion, son club, et avait réussi à l’annoncer à Christian Constantin sans se faire étriper. Il y a eu ensuite dix ans de travail dans la finance et les assurances. Puis, en 2010, le retour au foot. Mais à ses propres conditions et avec sa vision, qui prendront corps à travers sa société FootLab, inspirée de la méthode Coerver dont l’homme se réservera l’exclusivité en Suisse. Cette dernière est un enseignement concentré sur les mouvements des joueurs, lui-même ancré dans une approche globale de la gestion des incertitudes. Mise en pratique auprès de divers clubs en Suisse et à l’étranger, l’activité de ce natif de Crans-Montana finit par arriver aux oreilles de Zizou. La star française du ballon rond, qui vient de lancer son académie «Zidane Five Club» destinée aux 5 à 18 ans, noue alors une collaboration avec le Suisse. Ainsi, depuis 2021, Patrick La Spina forme à sa méthode les entraîneurs de cet organisme, qui compte aujourd’hui 27 centres en France et en Italie. Le Valaisan a accepté de répondre à quelques questions lors de la matinée d’annonce de son nouveau défi dans les murs de l’Institut international de Lancy (IIL).

Êtes-vous certain que ces cours de foot obligatoires vont ravir les jeunes filles?

Patrick La Spina, fondateur de FootLabdiaporama
Patrick La Spina, fondateur de FootLab

Il est manifeste que depuis les années 1980, l’intérêt de la gent féminine n’a pas cessé de croître envers ce sport réputé masculin. Une attention qui, de nos jours, se transforme en engouement grâce aux clubs de foot féminins, d’ailleurs très populaires auprès des jeunes filles. Quant aux élèves de l’IIL, elles ont déjà joué et remporté des matches lors des compétitions.

Combien d’heures par semaine seront dédiées à votre enseignement?

Trois modules sont prévus au programme. Le premier, intitulé «Loisir» comptera deux séances maximum par élève et par semaine, durant lesquelles l’entraînement se fera sous forme de club durant la pause déjeuner. Le deuxième, «Performance», englobera trois séances par semaine avec des cours théoriques, et finalement, le troisième, «Elite» est prévu pour la rentrée scolaire 2023-2024 pour des élèves, sportifs de haut niveau, de 15 à 18 ans.

Susciter des vocations de footballeur et de footballeuse, est-ce votre objectif?

Non, mon but est d’apprendre avant tout aux enfants à gérer leurs émotions, leur rapport au corps et à l’esprit, ainsi qu’à l’imprévu, qui peut être une source importante de stress. De par sa nature, le football est un sport idéal pour mettre en pratique ces techniques, car il consiste dans la maîtrise de l’espace et du temps. Si au tennis les joueurs sont séparés par un filet et dans le tir à l’arc la cible à atteindre est immobile, ici, tout bouge et tout le temps. D’où la nécessité continuelle de s’adapter à une situation en évolution constante.

Apprendre aux enfants à ne pas se faire happer par leurs sentiments de peur ou de colère leur sera profitable toute leur vie

Mais est-ce une tâche à la portée des enfants de tous âges?

Techniquement, cela dépend beaucoup de leur vision périphérique qui évolue avec le temps. Par exemple, les petits jouent en grappe, c’est-à-dire qu’ils sont tous les uns sur les autres, car, leur champ de vision étant encore très restreint, ils sont hyper focalisés sur le ballon. Avec l’évolution, vers 11-12 ans, de leur vue, ils commencent à percevoir leurs copains et vers 15 ans leur regard arrive à englober tout le champ à 180 degrés.

Concernant les émotions, votre enseignement pourrait-il jouer un rôle préventif dans le harcèlement scolaire?

C’est également la visée de nos cours. Les provocations durant les matchs de foot ne sont pas rares. Leur objectif est d’énerver l’adversaire de sorte à le dé- concentrer. Ainsi, il évaluera moins bien la situation et commettra des erreurs qui seront exploitées par la partie adverse. Dans la vie de tous les jours, c’est pareil. Lorsque nous sommes envahis par nos émotions, cela impacte la qualité de notre raisonnement. A travers le foot, apprendre aux enfants à ne pas se faire happer par leurs sentiments de peur ou de colère leur sera profitable durant toute leur vie. Concrètement, dans le stade, ils apprendront comment se concentrer sur leur tâche durant le jeu, et non pas sur l’enjeu, qui est de gagner le match.

«Une méthode pédagogique en accord avec nos valeurs»

La directrice de l’Institut international de Lancy (IIL), Monique Roiné, explique pourquoi son établissement se lance dans cette expérience. «La plupart de nos élèves font beaucoup de sport, souvent dans des clubs différents. Et ces déplacements sont généralement chronophages et compliqués à organiser dans l’agenda des parents. D’où leur demande d’intégrer plus de cours de sport à notre programme scolaire. Dans ce contexte, la rencontre avec Patrick La Spina est arrivée à point nommé. Sa méthode pédagogique étant en accord avec les valeurs de notre établissement privé, nous avons décidé de tenter l’expérience. D’autant plus que le football est déjà très apprécié de la plupart de nos jeunes filles. Quant au choix de débuter cet enseignement avec les élèves de 11 et 12 ans, il est avant tout d’ordre pratique: leurs après-midi sont libres d’engagement dans des clubs de sport.»