La mobilité et son impact sur l’immobilier s’invitent au MIPIM
Le plus grand salon mondial de l’immobilier, du 15 au 18 mars à Cannes, a été l’occasion d’aborder un sujet brûlant pour les acteurs romands du secteur, celui de l’influence des transports sur l’évolution du bâti.

Au milieu des 17’000 visiteurs venus des quatre coins de la planète pour assister au MIPIM, à Cannes, plus grand salon international et rendez-vous incontournable des acteurs de l’immobilier, la région lémanique s’est offert une place de choix. Et ce, via le stand de l’association Horizon Léman (dont immobilier.ch était partenaire) qui a réuni du 15 au 18 mars pas moins de 230 pontes romands du domaine (dirigeants, promoteurs, urbanistes, avocats). Pour l’occasion, lors de conférences organisées par l’association, l’impact de la mobilité sur le marché immobilier a fait l’objet de nombreuses discussions.
Réorganiser le territoire autour des gares
Avec l’objectif 2050 de neutralité carbone, l’enjeu de la mobilité est devenu une priorité pour tous
L’objectif 2050 de neutralité carbone au niveau fédéral ayant marqué un tournant majeur pour les professions du secteur, l’enjeu de la mobilité est devenu une priorité pour tous. Humbert David, fondateur et directeur de Passagers des Villes, a d’ailleurs tenu à présenter une étude réalisée pour le canton de Genève et terminée il y a tout juste quelques semaines: «Le but était de comprendre comment organiser le territoire du Grand Genève autour des gares afin de réduire les émissions de carbone et atteindre l’objectif cantonal de -60% d’ici à 2030.» Avec actuellement 10 tonnes de CO2 par habitant et une volonté d’abaisser ce niveau à une tonne par habitant (ce qui équivaut aux émissions de 1910), l’expert s’est montré inquiet face aux résultats de l’analyse. Sachant qu’entre 2030 et 2040, les prévisions de croissance démographique envisagent environ 150’000 nouveaux habitants sur le Grand Genève, dont la moitié pourraient s’installer dans un rayon d’un kilomètre aux abords des gares, plusieurs scénarios ont été testés par Humbert David et son équipe. «Afin de répondre à cette demande, il faudrait notamment construire 6 millions de m2 de logements, 3,8 millions de m2 de bureaux, 1,5 million de m2 de commerces et 1,5 million de m2 d’équipements de services publics. Un volume théorique de mètres carré gigantesque à construire autour des gares entre 2030 et 2040, c’est pour le moins ambitieux», décrit-il. De là, un travail de classification des gares de l’agglomération du Grand Genève a été réalisé afin d’essayer de trouver un point d’équilibre. Des incohérences telles que pour la gare de Coppet, une des stations les mieux desservies de la zone alors qu’il y a très peu d’urbanisation aux alentours ou encore celle de Valleiry, en France voisine, où les pavillons sortent de terre à foison mais où seuls deux trains circulent par jour, ont été pointées du doigt. «Le concept de métropole ferroviaire auquel on aspire tous est très intéressant mais cela ne peut pas marcher dans la situation actuelle avec une telle différence d’offre ferroviaire. Surtout qu’il reste encore l’autre moitié des 150’000 futurs habitants à placer», note Humbert David.
La solution miracle encore introuvable

Même désarroi du côté du directeur de Citec Ingénieurs Conseils, Franco Tufo, qui s’est exprimé sur l’écran de fumée que le télétravail génère. «Nous voyons émerger le mythe du télétravail et la désertion des bureaux comme permettant de réduire le nombre de kilomètres et donc d’émissions carbone mais il n’en est rien. Prenez le cas de l’employé qui habite à Hermance et effectue 100 kilomètres par semaine pour aller à son travail. A partir du moment où il n’a plus qu’à venir trois fois par semaine au bureau, il ira télétravailler dans son chalet à Verbier et ce n’est plus 100 mais 200 kilomètres hebdomadaires qu’il effectuera. L’équation est loin d’être évidente», a-t-il rappelé.
Un autre remède à la pollution provoquée par la mobilité a été cité à de multiples reprises: celui d’aménager des villes du quart d’heure. Sylvain Ferretti, directeur de l’Office de l’urbanisme genevois a tenu à clarifier ce en quoi elles consistent. «Il y a souvent la confusion, mais je pense qu’il ne faut pas la voir comme une simple durée mais plutôt comme une succession de modes de transports et leur complémentarité. Le but n’étant pas de construire un centre-ville avec tout, des périphéries avec rien et qu’il y ait juste quinze minutes de trajet entre les deux. Il faut une ville avec des lieux d’intensité et que chacun d’eux soient facilement accessibles, si possible en un quart d’heure en fonction des moyens de transport utilisés», a-t-il souligné. Une chose est sûre, les trois jours n’ont pas suffi à clore le débat qui risque encore de s’étirer dans la durée, bien que 2030 approche à grands pas.
«Un étalement urbain contraire aux objectifs»

Le message de Yves de Coulon, avocat spécialiste de l’immobilier et président de l’association Horizon Léman: «Lors de la préparation du MIPIM 2020 (annulé tout comme l’édition 2021 pour cause de pandémie), le sujet de la mobilité et son impact sur l’immobilier s’était imposé au comité d’Horizon Léman comme thème à traiter lors de nos table ronde et Forum Suisse. Le développement de nouveaux quartiers tels que Lancy Pont-Rouge, l’Etang ou le PAV, à Genève, qui disposent d’une offre très riche en termes de mobilité et ayant un impact indiscutable sur le marché et les attentes des utilisateurs, en étaient l’exemple. Entre temps, la crise du Covid a accéléré la prise en compte de l’urgence climatique et l’adoption des plans climats genevois et vaudois se sont faits l’an dernier. L’explosion soudaine du télétravail a ajouté de nouveaux enjeux: des déplacements moins fréquents qui incitent à s’installer plus loin de son lieu de travail, à la campagne où la qualité de vie paraît meilleure, ce qui pourrait contribuer à un étalement urbain contraire aux objectifs de l’aménagement du territoire définis par la LAT [Loi sur l’aménagement du territoire]. Reprendre la thématique pour cette édition du MIPIM 2022 s’est donc imposée d’elle-même et est plus que jamais adaptée au contexte actuel.»