Jardins partagés

La permaculture urbaine porte ses fruits

La sensibilisation à l’écologie s’accompagne de la volonté d’optimiser l’utilisation des sols. Repenser la fonction des pelouses et autres parterres s’avère payant.

Le bureau sédunois Cominex a signé le volet bâti.
Le bureau sédunois Cominex a signé le volet bâti. - Copyright (c) Vitor Tomaz.
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À l’entrée du village de Bramois, à quatre kilomètres à l’est de Sion, une grande scierie avait brûlé en 2010. Suite à sa relocalisation, le site a été dédié au résidentiel. Un complexe de bâtiments y a été érigé entre 2020 et 2022, l’ensemble représentant 110 appartements en PPE pour un budget annoncé qui avoisine les 30 millions de francs. Il s’agit désormais d’un quartier à part entière qui a été baptisé «Rives de Bramois». Steiner Construction a été le maître d’œuvre de ce projet dont l’architecte a été Éric Comina (Cominex) de Sion. Ici, l’originalité tient à la volonté de tirer au maximum profit du terrain acquis. Seuls 20% de ces 18’000 m² sont dévolus au bâti, le reste étant consacré à des espaces verts, de même qu’à de la mobilité douce. Outre l’installation de panneaux solaires, l’architecte a porté une attention particulière à l’enveloppe des bâtiments qui est plaquée en bois et qui répond au label Minergie en intégrant une isolation en laine de roche de 20 centimètres. Ce qui frappe sur ce périmètre, c’est la quasi-absence de véhicules à moteur en surface (exception faite de ceux des visiteurs). Pour en découvrir la trace, il faut se rendre au sous-sol où l’on trouve 6’000m2 offrant près de 130 places de parking. Des locaux à vélos fermés ont été aménagés en complément. Les arrêts de bus se situent, quant à eux, juste devant les immeubles.

Quatre personnes ont suffi pour planter les deux hectares que couvrent les jardins.diaporama
Quatre personnes ont suffi pour planter les deux hectares que couvrent les jardins.

Diversifier au maximum

L’identité de cet écoquartier a reposé sur la transformation des aires extérieures en jardins partagés. Pour ce faire, Steiner Construction a fait appel à un designer spécialisé en biodiversité, Hubert de Kalbermatten, fondateur de la société Les jardins permanents. Contrairement à ce que ces plantations de permaculture pourraient laisser penser, ces surfaces sont organisées de manière méticuleuse. Des haies alternent par exemple avec des arbustes à fruits rouges ou des vergers. Des ruches ont également été installées. L’ajout d’un poulailler est de plus à l’étude. L’objectif consiste à atteindre un degré maximum d’autosuffisance.

La stratégie afin d’y parvenir est d’éviter autant que faire se peut le recours à des produits toxiques et aux machines, la force de travail étant en priorité humaine. Quatre personnes ont suffi pour planter les deux hectares que couvrent les jardins. 200 tonnes de pierres ont par ailleurs été amenées sur place pour édifier les zones cultivables. Pour autant, il ne s’agissait en aucun cas de forcer la cadence, sous peine d’épuiser les énergies des uns et des autres.

Les vertus du partage

Car ce sont les habitants qui mettent la main à la pâte sur la base du pur volontariat. Bonne surprise, les locataires jouent aussi le jeu. Ces aides-jardiniers amateurs, indifféremment de leur degré d’investissement personnel, ont le droit de se servir à discrétion en fruits et légumes. L’une des pistes qui pourraient être explorées consisterait à revendre les futurs surplus des récoltes. Les bénéfices obtenus par ce biais contribueraient à couvrir les frais de gestion du lotissement. «Après avoir songé à divers modèles, nous allons créer une association début 2024. Celle-ci regroupera le noyau dur d’une quinzaine de bénévoles, dont plusieurs retraités qui sont déjà très actifs au niveau de l’entretien et de l’arrosage de ces jardins. Une quinzaine d’autres personnes devraient continuer à s’impliquer dans une moindre mesure. Je me rends pour ma part une fois par semaine sur place pour encadrer leurs activités», commente Hubert de Kalbermatten qui exploite un jardin-forêt non loin de là, sur la commune de Saint-Léonard.

Hubert de Kalbermatten a visé un degré de biodiversité maximal.diaporama
Hubert de Kalbermatten a visé un degré de biodiversité maximal.

Un brin de scepticisme

Le designer en biodiversité valaisan a été le premier surpris lorsque Steiner l’a contacté. Cette initiative était due à l’un de leurs anciens collaborateurs, Alexandre Roudaut. Sur sa recommandation, le géant de la construction a accepté de mandater Hubert de Kalbermatten pour qu’il pense les extérieurs à un horizon de cinq ans. Celui-ci a d’abord élaboré un plan à l’aide d’un drone. Ce document a convaincu les décideurs du groupe. Carte blanche lui a été dès lors laissée pour réaliser ces travaux. La société valaisanne Végétech, qui entretient en particulier les haies et les pelouses, a adhéré à ce modèle de permaculture urbaine qui ne suit pourtant pas la même logique que la sienne. Tout n’a cependant pas été simple. Sans entrer dans trop de détails, quelques doutes ont tout de même été émis quant à l’apparence et aux coûts de ces aménagements, de même que par rapport à une éventuelle augmentation des charges liées à ce volet.

Une bonne affaire

«Je leur ai expliqué qu’il était absurde de ne pas tirer profit de cette surface qui avait été acquise au prix d’un terrain à bâtir. Pour environ 30 francs par mois, les propriétaires bénéficient des fruits et des légumes qui sont produits au pied de leur immeuble. Une somme qui est rapidement amortie», indique Hubert de Kalbermatten. Ces inquiétudes une fois levées, sa préoccupation principale a été d’entretenir la motivation qui doit durer quand l’élan d’enthousiasme initial sera passé. Il rappelle que ce jardin a fondamentalement été pensé pour rassembler les résidentes et résidents et non l’inverse.

Le succès de ce concept d’habitation a été fulgurant. Les logements ont trouvé preneurs à une vitesse insoupçonnée. Les profils des habitantes et habitants sont hétérogènes. Ils vont de jeunes retraités à des familles sédunoises en passant par des arrivants issus d’autres cantons. Le prix de 5’500 francs le mètre carré qui a été appliqué avait, il est vrai, de quoi séduire un large panel d’acquéreurs potentiels.