Mémoire bâtie

La plus vieille maison d'Oron

03.06.2025 à 08:38/ immobilier.ch Le Magazine

Perché sur un rocher dominant la vallée de la Broye, le château d’Oron n’a rien perdu de sa superbe. À la fois forteresse médiévale, demeure seigneuriale et bibliothèque renommée, il est aujourd’hui maintenu par une équipe de bénévoles passionnés.

Le château d’Oron adopte sa silhouette actuelle au XVe siècle.
Le château d’Oron adopte sa silhouette actuelle au XVe siècle. - Copyright (c) André Locher
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Le château d’Oron a été bâti à la fin du XIIe siècle, sur un éperon rocheux facilement défendable. «Il se situe sur une ancienne voie romaine, utilisée pour relier l’Italie à l’Allemagne via le col du Grand-Saint-Bernard et sur laquelle se trouvent d’autres forteresses, précise André Locher, président de l’Association pour la conservation du château d’Oron (ACCO), propriétaire des lieux. Un document daté de 1221 et portant le sceau de la famille d’Oron figure parmi les plus anciennes traces du site.»

L’édifice passe par succession aux mains des comtes de Gruyère en 1388, qui lancent alors de grands travaux. C’est à cette époque qu’il prend la forme extérieure qu’on lui connaît aujourd’hui. En 1555, les Bernois l’achètent et l’utilisent comme siège d’un bailliage vaudois. Les appartements seigneuriaux bénéficient notamment d’une rénovation conséquente vers 1750. Après la révolution vaudoise en 1798, le bâtiment devient un bien national, avant d’être utilisé comme prison. Il est vendu au tournant du XIXe siècle à une famille de bourgeois de Moudon, qui l’entretient sommairement. En 1870, il est racheté par la famille d’Adolphe Gaiffe, entrepreneur, diplomate et scientifique surdoué.

Un tiers des 18'000 livres conservés sont des romans français du XVIIIe siècle, rares voire uniques.diaporama
Un tiers des 18'000 livres conservés sont des romans français du XVIIIe siècle, rares voire uniques.

Dans les années 1930, leur dernier descendant, sans fortune ni enfants, ne peut plus entretenir le site. Mais le canton n’est pas intéressé par son acquisition. «En 1934, quelques personnes de la région créent l’Association pour la conservation du château d’Oron. Elles parviennent à réunir 140'000 francs - un montant équivalent à 5 à 6 millions de francs de nos jours - et achètent la bâtisse en 1936.» Fait notable: l’achat inclut le mobilier et les collections. «Le château d’Oron est ainsi resté pratiquement dans son jus du XVIIIe siècle, à la différence par exemple de ceux d’Yverdon ou Rolle, qui ont été aménagés en écoles ou en locaux pour l’administration», souligne André Locher.

Livres uniques au monde

Autre particularité des lieux: une bibliothèque unique en son genre, constituée par Adolphe Gaiffe. «Il réunit cette collection dans les années 1880, en achetant entre autres une partie des livres d’une princesse polonaise passionnée de littérature française.» Aujourd’hui, la bibliothèque compte plus de 18'000 ouvrages, dont un tiers sont des romans français du XVIIIe siècle, souvent introuvables ailleurs. «C’est l’une des collections les plus complètes au monde pour la période 1775-1825. Elle est connue des spécialistes, et régulièrement consultée par des chercheurs, y compris depuis les États-Unis ou le Canada.» À côté des romans, on trouve des livres d’histoire, de sciences ainsi que des dictionnaires et encyclopédies, dont une édition originale de L’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

La charpente du donjon impressionne par sa structure conique de plus de dix mètres.diaporama
La charpente du donjon impressionne par sa structure conique de plus de dix mètres.

En 1938, l’association propose de faire don du château au canton, mais celui-ci refuse. Elle se retrouve alors seule avec la responsabilité du lieu, sans revenu. À partir des années 1950, pour financer les indispensables rénovations, la structure commence à louer une partie des lieux au public. «Aujourd’hui encore, nous accueillons régulièrement des banquets, des séminaires, des mariages civils.»

L’ACCO compte actuellement près de 800 membres. La gestion du monument repose entièrement sur leur bénévolat. Grâce à cet engagement, il peut être visité par le public d’avril à septembre, les week-ends.

On peut ainsi parcourir l’ensemble des appartements seigneuriaux avec ses salons, chambres et cuisine, ainsi que l’étage supérieur avec le chemin de ronde et le donjon. «La poutraison du donjon est particulièrement remarquable, dotée d’un cône de plus de dix mètres, précise André Locher. Du haut de la tour, on bénéficie d’une vue spectaculaire sur les montagnes environnantes.» Des événements ponctuels, dont un marché de Noël, sont aussi régulièrement organisés.

Visites: d’avril à septembre, samedi de 14h à 17h, dimanche de 14h à 18h,
www.chateaudoron.ch