Un haut lieu du pouvoir

La plus vieille maison de Lausanne

La Maison Charbon est la plus ancienne maison privée identifiée à Lausanne. Ses vestiges, datant du XIIe siècle, font aujourd’hui partie intégrante du décor du parlement vaudois.

Baie ouest de la façade sud de la Maison Charbon.
Baie ouest de la façade sud de la Maison Charbon. - Copyright (c) Rémy Gindroz
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Les visiteurs remarquent généralement la façade romane exceptionnellement conservée dans le bâti à l’entrée du Grand Conseil. Elle fait partie des restes de la Maison Charbon, une habitation construite au Moyen Âge sur la colline de la Cité, siège millénaire du pouvoir politique et religieux de Lausanne.

«L’édifice est nommé d’après la famille Charbon, première propriétaire identifiée et qui en est peut-être la commanditaire, explique l’archéologue Valentine Chaudet qui a documenté le site pour le compte de l’État de Vaud dans le cadre de la reconstruction du parlement vaudois entre 2014 et 2016, suite à l’incendie du bâtiment survenu en 2002. «Il s’agit d’une famille importante, évoluant dans l’entourage de l’évêque, d’après les sources documentaires qui nous sont parvenues. Au XIIe siècle, elle compte parmi ses membres un chevalier prénommé Guillaume.» Le frère de celui-ci, Girold, occupe pour sa part plusieurs postes ecclésiastiques de premier plan: d’abord doyen de Lausanne à partir de 1126, il devient chantre en 1140 avant d’être nommé chancelier de l’évêque.

L’entrée du parlement vaudois. A droite, la façade de la Maison Charbon.diaporama
L’entrée du parlement vaudois. A droite, la façade de la Maison Charbon.

La Maison Charbon, dont la construction se situe entre 1140 et 1175, occupe alors une surface d’environ 12 mètres sur 9. Elle est dotée d’un étage sur un rez-de-chaussée non excavé, et rehaussée d’une tour. Une cour la sépare de la rue. «Ses dimensions et la qualité de sa maçonnerie et de ses décors témoignent qu’il s’agit à l’époque d’une construction prestigieuse. Sa fonction première est l’habitation, même si elle a pu remplir un rôle défensif», précise Valentine Chaudet. Au cours du Moyen Âge, l’ensemble de la zone connaît de fortes transformations. La maison se voit adjointe d’un nouveau bâtiment au sud, avant d’être agrandie et partagée en deux propriétés. L’édifice se retrouve ensuite «englouti» dans des immeubles érigés à la rue Cité-Devant. C’est à proximité que l’architecte Alexandre Perregaux construit en 1803 le bâtiment qui accueillera le pouvoir législatif vaudois.

Reconstitution en 3D de la Maison Charbon.diaporama
Reconstitution en 3D de la Maison Charbon.

Incendie en 2002

En 1919, on découvre une baie romane richement décorée dans un mur mitoyen de la rangée occidentale de la rue Cité-Devant. «On décide alors de laisser la fenêtre visible, protégée par une vitre, ce qui constitue la première mise en valeur des vestiges médiévaux du site.» De nouvelles transformations, menées en 1967 et 1968, permettent de dégager d’autres portions de maçonneries anciennes.

L’incendie, qui provoque la destruction du bâtiment Perregaux dans la nuit du 13 au 14 mai 2002, offre une nouvelle occasion de mettre en valeur ces murs chargés d’histoire. Le projet des bureaux d’architectes Atelier Cube et Bonell & Gil crée un accès au parlement par la rue Cité-Devant. C’est dans cette entrée monumentale qu’on retrouve aujourd’hui la façade de la Maison Charbon à nouveau dégagée. «Intégrer et mettre en valeur des éléments anciens, dont la conservation est inégale, constitue souvent une gageure pour les architectes, mais le résultat est tout à fait convaincant, dit Valentine Chaudet. Le grand escalier offre un contraste intéressant avec ces précieux vestiges, et permet en outre de s’approcher au plus près de la maçonnerie médiévale.»