Des murs qui ont vu naître la ville

La plus vieille maison de Morges

Situé au bord du lac Léman, le château de Morges a successivement accueilli les représentants du pouvoir savoyard, bernois puis vaudois. Les musées qu’il abrite aujourd’hui racontent l’histoire militaire cantonale et suisse.

Le château de Morges a été construit vers la fin du XIIIe siècle, au bord du lac Léman.
Le château de Morges a été construit vers la fin du XIIIe siècle, au bord du lac Léman. - Copyright (c) Morges Région Tourisme
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La construction du château de Morges vers 1286 marque la fondation de la ville par Louis de Savoie. Après Yverdon ou Chillon, les Savoyards veulent alors continuer à étendre leur influence sur la rive nord du lac Léman, au grand dam de l’évêché de Lausanne.

L’établissement d’un château en plaine, sur un sol sablonneux, demande cependant des efforts importants. Il s’agit notamment de tapisser le sol de pieux pour garantir la stabilité de l’ouvrage. Celui-ci est typique du modèle architectural dit du «carré savoyard», soit un bâtiment principal protégé par une enceinte carrée, dotée de quatre tours d’angle. Une modeste garnison y est affectée. L’édifice sert aussi régulièrement de résidence à la Maison de Savoie, qui y accueille l’Empereur du Saint-Empire romain germanique Sigismond en 1416.

Une princesse y voit le jour

En 1420, on y célèbre même une naissance princière. «Craignant une épidémie de peste qui touchait alors ses terres, la duchesse Marie de Bourgogne se réfugie à Morges et y donne naissance à sa fille Marguerite», explique Adélaïde Zeyer, directrice du château de Morges et ses musées. La fin du Moyen Âge voit le Pays de Vaud conquis par les Bernois, qui prennent possession de la ville en 1536. Les nouveaux occupants entreprennent différentes adaptations afin de moderniser l’armement du château: des percées sont réalisées au sommet des tours pour permettre l’utilisation de pièces d’artillerie. En 1543, une résidence est aménagée pour accueillir le bailli, le représentant du pouvoir bernois. Lequel développe aussi l’activité économique de Morges, avec la création d’un nouveau port vers 1662.

Une importante explosion accidentelle endommage une partie de la toiture du château en 1871.diaporama
Une importante explosion accidentelle endommage une partie de la toiture du château en 1871.

Tribunal, prison et arsenal

Lorsque Vaud gagne son indépendance au début du XIXe siècle, les autorités s’emparent des anciens sièges des baillis, qui deviennent des institutions cantonales. Le château de Morges sert dès lors tant de tribunal et de prison que de dépôt d’armes. Un arsenal annexe est construit à l’ouest de l’ouvrage vers 1830. Ce dernier est le théâtre d’un grave accident le 2 mars 1871. Morges accueille alors près de 800 soldats français, réfugiés en Suisse après la défaite face à la Prusse. On a confié à ces militaires des tâches de manutention et de désamorçage au sein du château. L’explosion d’une cartouche suivie d’une réaction en chaîne provoque une gigantesque explosion, entraînant la mort de 26 personnes. La forteresse encaisse le choc de la détonation et protège Morges, mais l’accident fait s’effondrer une partie de la toiture du château, souffle presque toutes les vitres des maisons de la ville et l’on entend la détonation jusqu’à Thonon, de l’autre côté du lac. «En se rendant sur le chemin de ronde, qui offre une magnifique vue panoramique sur la ville et le lac, on peut ainsi observer des différences dans la charpente et des marques provoquées par l’explosion», précise Adélaïde Zeyer.

Collections militaires

Au tournant du XXe siècle, l’idée émerge que le château doit servir de lieu culturel et patrimonial. Le Conseil d’État vaudois décide alors de dédier l’édifice à une activité muséale. «C’est une période de construction de l’esprit national et d’appréhension de la guerre, il paraît dès lors logique d’y établir un musée consacré à l’histoire militaire du Canton de Vaud, qui est inauguré en 1932.»

Le château accueille une collection de 40’000 figurines historiques.diaporama
Le château accueille une collection de 40’000 figurines historiques.

Pour cela, de nombreuses associations, communes et familles vaudoises contribuent à l’établissement de la collection. Aujourd’hui, elle compte plus de 100’000 objets témoignant de l’activité militaire (armes, uniformes, drapeaux, gravures, etc.) dont près de 40’000 figurines historiques. Celles-ci sont mises en scène à l’aide de dioramas (décors miniatures) pour recréer diverses batailles célèbres. Outre les collections permanentes, le Château de Morges accueille en ce moment et jusqu’à la fin de cette année, l’exposition «Y a le feu au lac!». Elle retrace les crises auxquelles la Suisse a été confrontée au fil des siècles: famines, épidémies, guerres ou catastrophes naturelles. «Notre pays possède une image tranquille, mais il a de tout temps été exposé à un certain nombre de crises en raison de sa situation géographique et géopolitique, souligne la directrice Adélaïde Zeyer. L’exposition montre l’impact de ces situations extraordinaires et surtout les réponses qui y sont apportées, qu’il s’agisse de solidarité au sein de la population ou d’adaptations institutionnelles.»