Architecture romane

La plus vieille maison de Payerne

Monastère, entrepôt, prison: le site de l’Abbatiale de Payerne a connu diverses affectations au fil du temps. C’est aujourd’hui un musée qui vient d’être primé au niveau européen.

La ville de Payerne avec, au centre, le site de l’Abbatiale.
La ville de Payerne avec, au centre, le site de l’Abbatiale. - Copyright (c) Abbatiale de Payerne / Rémy Gindroz
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Vers la fin du IIe siècle de notre ère, un vaste domaine rural est érigé sur l’emplacement actuel du site de l’Abbatiale de Payerne. C’est une famille originaire d’Avenches qui fonde cette villa présentant un plan en U. «L’endroit a probablement été choisi pour des raisons stratégiques, puisqu’il s’agit d’une colline qui offre une vue dégagée des alentours, protégée des crues tout en bénéficiant d’une source d’eau avec la rivière de la Broye à proximité, explique Anne-Gaëlle Villet, directrice et conservatrice du site de l’Abbatiale de Payerne. On suppose par ailleurs que les pierres de la villa romaine ont servi à construire l’église actuelle.»

Les voûtes de l'Abbatiale sont typiques de l'architecture romane.diaporama
Les voûtes de l'Abbatiale sont typiques de l'architecture romane.

Tombeau d'une reine

Vers la fin du VIIIe siècle, un premier bâtiment religieux est ainsi érigé sur les fondations de la villa romaine. Le site gagne en importance au cours des siècles suivants, sous l’influence de la famille royale de Bourgogne transjurane. Une de ses représentantes, la reine Berthe de Souabe, est d’ailleurs inhumée à Payerne, probablement sous le centre de l’Abbatiale actuelle, manière de montrer l’étendue du pouvoir de cette famille noble. «Il est intéressant de noter que cette figure, dont on sait finalement peu de choses, sera utilisée au moment où le canton de Vaud gagne son indépendance, au début du XIXe siècle. On lui assigne alors diverses vertus pour la dépeindre comme un idéal de la parfaite citoyenne vaudoise.» C’est sa fille, Adélaïde de Bourgogne, reine d’Italie et impératrice du Saint-Empire, qui participe probablement à la fondation du monastère à Payerne autour de l’an 1000, avant de le remettre au puissant ordre monastique de Cluny. «Le complexe regroupe alors différents espaces, tels qu’une salle capitulaire où se réunissent les moines, et des ailes au sud et à l’ouest, disparues depuis.» Une seconde église est construite en plusieurs étapes sur le site, entre le XIe et le XIIe siècle, englobant le premier édifice. C’est le bâtiment qui subsiste aujourd’hui. «Celui-ci présente un fort intérêt, car il offre une unité architecturale de style roman qui se caractérise par des formes simples, épurées.»

L’exposition en cours présente une vingtaine de nouvelles acquisitions du musée, dont plusieurs œuvres de la peintre vaudoise Aimée Rapin.diaporama
L’exposition en cours présente une vingtaine de nouvelles acquisitions du musée, dont plusieurs œuvres de la peintre vaudoise Aimée Rapin.

Salle de gymnastique, prison, musée

La réforme protestante en 1536 entraîne le départ des religieux. Le bâtiment connaît alors une nouvelle vie. «Il est notamment utilisé par les Bernois comme entrepôt, avec l’ajout de planchers intermédiaires. À l’indépendance vaudoise, il passe en mains cantonales, avant d’être racheté par la ville de Payerne, qui l’utilise ensuite comme salle de gymnastique ou caserne.» Dans les années 1830, l’architecte cantonal vaudois Henri Perregaux procède à différents aménagements pour que l’édifice puisse servir de prison. À la fin du XIXe siècle, un regain d’intérêt pour les bâtiments anciens entraîne le classement de l’Abbatiale comme monument historique. Des travaux de fouilles et de restauration sont effectués à partir des années 1920, sous l’impulsion de l’archéologue et architecte Louis Bosset, par ailleurs syndic de Payerne, puis dans les années 1950.

En raison de problèmes de statique, une nouvelle restauration du site est menée entre 2010 et 2020, date à laquelle celui-ci rouvre ses portes en tant que musée. Son parcours découverte offre aux visiteurs une immersion dans l’histoire et l’art qui ont façonné le lieu. Une proposition qui a d’ailleurs reçu une mention spéciale du jury lors du Prix du musée européen de l’année 2023. «C’est une belle reconnaissance de nos efforts pour proposer une visite qui soit à la fois moderne, didactique et interactive», se réjouit Anne-Gaëlle Villet. Le site accueille aussi régulièrement des événements cultuels et culturels. Sa nouvelle exposition temporaire Coup d’œil sur les collections: acquisitions inédites, visible jusqu’au 23 juin prochain, permet de découvrir les pièces les plus récentes acquises par le musée, dont diverses œuvres de l’artiste payernoise Aimée Rapin.

Plus d’informations: www.abbatiale-payerne.ch