Môtiers

Lancement de la fondation de la haute chocolaterie

Le savoir-faire des maîtres horlogers a visiblement inspiré Daniel Knoepfel. Le CEO des chocolatiers Jacot et Du Rhône est à l’origine du futur Musée de la haute chocolaterie à Môtiers. Rencontre.

Daniel Knoepfel, CEO des chocolatiers Jacot et Du Rhône.
Daniel Knoepfel, CEO des chocolatiers Jacot et Du Rhône.
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Il fallait oser : Daniel Knoepfel s’est lancé après avoir réuni autour de son projet des spécialistes talentueux tels Edouard Morand, maître chocolatier (qui a officié comme chef chocolatier chez Alain Ducasse à Monaco), David Pasquiet (lauréat du Swiss Chocolate Master en 2013 et à la tête de David Chocolatier, trois enseignes en Valais et une à Vevey) et enfin Justine Chesnoy (après une carrière d’acheteuse de cacao sur le terrain, elle a cofondé sa société, Cacao Latitudes). Daniel Knoepfel est ce qu’on appelle un serial entrepreneur passionné qui aime entreprendre. Ce Bâlois d’origine, 53 ans, a commencé sa carrière à la SSR, avant de devenir le premier directeur d’AutoScout 24, puis de racheter Facchinetti Automobiles début 2006. Il développe ce concessionnaire avec la marque BMW, rachète diverses concessions en Suisse romande, puis revendra le tout (plus de 200 employés alors) en décembre 2020 au groupe savoyard Rossi Squadra. Entre-temps, en juin 2018, il sauve de la faillite avec deux co-investisseurs Jacot Chocolatier.

La haute chocolaterie utilise un minimum de sucre et n’utilise que le beurre de cacao, aucune autre matière grasse et agents conservateurs.diaporama
La haute chocolaterie utilise un minimum de sucre et n’utilise que le beurre de cacao, aucune autre matière grasse et agents conservateurs.

POURQUOI HAUTE CHOCOLATERIE ?

« Haute, mais pas hautaine. Ce terme se veut rassembleur de valeurs. C’est un terme approprié pour qualifier une envie de découvrir un autre chocolat », relève Daniel Knoepfel. Et sur les raisons qui l’ont poussé à créer cette fondation : « Généralement, on ne connaît pas l’origine du cacao utilisé. Selon l’Organisation internationale du cacao (ICCO), 88% des fèves de cacao sont "ordinaires" et seules 12% sont des fèves de cacao d’exception. Cette industrie fonctionne au volume, utilise souvent beaucoup de matières grasses et des agents conservateurs. A l’inverse, la haute chocolaterie utilise un minimum de sucre et n’utilise que le beurre de cacao, aucune autre matière grasse et agents conservateurs. »

Ajoutez à cela le fait que la législation est lacunaire. L’origine du cacao est rarement déclarée. Par ailleurs, la fermentation et la torréfaction du cacao ont aussi une incidence sur la qualité du chocolat. « Très peu d’artisans chocolatiers utilisent des fèves d’exception. Et ceux qui le font n’ont généralement pas la force de frappe pour se faire connaître. La fondation entend encourager la traçabilité des ingrédients et éveiller les consciences des consommateurs. Notre but est de promouvoir l’excellence et le savoir-faire, ainsi que soutenir les producteurs. »

CONSTRUCTION D’UN MUSÉE

La Fondation de la haute chocolaterie aura trois types d’activités : son futur musée (dont l’ouverture est prévue pour fin 2024), la formation (avec l’aide active d’Edouard Morand), et la mise sur pied d’événements. La future muséographie a été confiée à l’entreprise Steiner Sarnen, qui a montré son savoir-faire en s’occupant du Musée Omega, du Zoo de Zurich, de l’expérience totale à la Jungfraujoch ou encore du Musée Cailler (2010) à Broc. Ce musée sera sur deux étages, l’un pour éveiller les consciences, l’autre pour éveiller les cinq sens, avec au rez-de-chaussée une boutique Jacot Haute Chocolaterie. Il s’agit d’une ancienne grange du XVIIIe siècle qui appartenait à la Fondation des Six-Communes. Le projet est devisé à deux millions de francs.

Afin de parvenir à provoquer une émotion chez les futurs visiteurs, un groupe de travail a été mis sur pied avec la journaliste et anthropologue Tiphaine Bühler, la décoratrice Marie Gisep et la chercheuse en alimentation Karin Chatelain. Cette dernière est connue pour avoir identifié les composés chimiques du cacao qui donnent le goût du chocolat, puis avoir développé un kit d’arômes pour aider les professionnels à entraîner leurs compétences sensorielles. Rares sont les chocolatiers à se rendre sur place comme David Pasquiet qui, au Pérou, découvre les plantations et soutient financièrement des projets de planteurs. Les initiateurs travaillent également à la création d’un guide de la haute chocolaterie.

Créer un chocolat de couverture à partir des meilleures fèves.diaporama
Créer un chocolat de couverture à partir des meilleures fèves.

ACCUEILLIR DES MEMBRES

«En tant que propriétaire majoritaire de deux chocolatiers, je vois clairement la force dans l’alliance», observe Daniel Knoepfel. Avec Edouard Morand et David Pasquiet, ils estiment à une petite vingtaine au maximum le nombre d’artisans chocolatiers répondant aux critères de la fondation en Suisse. Les membres fondateurs se réfèrent essentiellement à ceux qui travaillent avec la société Max Felchlin à Schwytz qui vend en gros les ingrédients permettant de créer un chocolat de couverture à partir des meilleures fèves, tels le Maracaibo, la Porcelana de Piura et le Criolait. « Notre objectif est d’accueillir dans la fondation des membres défendant ces mêmes valeurs. Le chocolat doit être un plaisir, mais ce produit doit aussi être sain, sans trop de sucre pour cacher l’amertume des mauvaises fèves et sans graisse de type huile de palme, par exemple. Justine Chesnoy remarque qu’en matière d’éducation du public sur la provenance de la matière première de base, le café possède 10 ans d’avance sur le chocolat. Les fondateurs du musée misent sur environ 12’000 visiteurs par année, soit le même nombre que la Maison de l’absinthe, sise à Môtiers également, et inaugurée en juillet 2014 avec le Conseil fédéral.