Trévelin

Le château du gotha

Le gotha de la diplomatie européenne a fréquenté ce château situé au-dessus d’Aubonne. Le domaine de Trévelin, avec ses 21 pièces et ses 10 chambres est, depuis peu, proposé à la vente via Forbes Global Properties.

L'imposante façade sud du château
L'imposante façade sud du château - Copyright (c) DR
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Sur l’emplacement du château se trouvait, à l’époque romaine, une villa ou un temple, dont les pierres ont par la suite été réutilisées pour édifier entre le Xe et le XIIe siècle le donjon du château d’Aubonne. Les spécialistes en veulent pour preuve le relief de gladiateurs emmurés à l’envers. Mais l’élément existant le plus ancien est le monolithe du jardin qui servait de pierre de sacrifice aux druides installés à cet endroit dans l’Antiquité, avant que les Gallo-Romains n’occupent le site.

Quant au château lui-même, sa partie la plus ancienne est celle où se trouve l’escalier qui dessert les étages et qui remonte à 1620. Comme le prouve la date gravée dans la pierre au-dessus de la porte d’accès au premier. Les principaux travaux de réaménagement intérieur, soit la création du grand salon dans l’ancien pressoir et le réaménagement complet de la maison, remontent à la période 1958-1960, lorsque la grand-mère des propriétaires actuels a rénové entièrement le château. Marguerite Soldati, Daisy pour ses proches, était fille du député français André Thome, héros de la Grande Guerre, et veuve du comte André de Contades, père de ses deux filles. Elle souhaitait une maison adaptée aux réceptions. En effet, son second mari Agostino Soldati fut ambassadeur de Suisse à Paris. Voilà pourquoi elle avait fait rabaisser le sol au niveau de l’entrée afin de créer une entrée principale de réception. Mme Soldati avait également refait le jardin et la cour.

Précisons que cette propriété bénéficie d’un environnement préservé et d’un calme absolu, sans aucun voisin visible. En plus de la maison principale et de ses 1200 m2 de surfaces habitables (répartis sur quatre niveaux, sans compter la chambre dans la tour), elle comprend une grange et une dépendance où réside le gardien. La propriété est dotée d’un parc de près de deux hectares en terrasse sur le vignoble, d’une piscine et d’un pool house.

DES MAINS BERNOISES...

La propriété est dotée d’un parc de près de deux hectares en terrasse sur le vignoble, d’une piscine et d’un pool housediaporama
La propriété est dotée d’un parc de près de deux hectares en terrasse sur le vignoble, d’une piscine et d’un pool house

Ce sont les nobles Riez de Montricher qui vont construire dès 1536 le château de Trévelin, doté d’une cour de justice. C’est à partir de 1577 que commence la construction du château actuel avec les matériaux de l’ancienne église de Trévelin, démolie car elle menaçait de s’écrouler. Comme quoi, le recyclage des matériaux n’a pas attendu le XXIe siècle. Dès 1627, il change de mains pour appartenir à Simon Wurstemberger, conseiller et bailli d’Avenches. A peine un siècle plus tard, la famille vend ce bien à François de Watteville, marié à une Wurstemberger. En 1714, le fils de ce dernier se dessaisit de la propriété au profit de Gabriel Gross, futur bailli de Lausanne de 1725 à 1731. Ses armoiries ornent toujours la façade sud du bâti- ment. Son fils Charles Gross, bailli de Romainmôtier, en hérita en 1763. Le dernier propriétaire avant la Révolution fut Jean Crinzoz, seigneur de Givrins, qui acheta le château en 1777. Trévelin va rester dans les mains de la famille Crinsoz jusqu’en 1898.

Le château échappa de peu à la destruction dans la nuit du 9 au 10 mai 1802. Des paysans rebelles du mouvement dit des Bourla-Papey (du patois vaudois pour « Brûle-Papiers ») avaient mis la main sur le château afin de brûler les archives familiales et de se libérer ainsi de leurs dettes envers leurs seigneurs. Les meneurs de ces révoltes seront condamnés à mort par contumace, avant de bénéficier d’un armistice. Fin septembre 1802, les élus vaudois suppriment les droits féodaux.

À CELLE D’UN BANQUIER GENEVOIS

La cour du château qui remonte au XVIe sièclediaporama
La cour du château qui remonte au XVIe siècle

En 1898, un Genevois, Julien Perrier, se porte acquéreur du château de Trévelin. Ses deux enfants, Emma et Julien, vont en hériter jusqu’à ce qu’Emma, épouse du banquier Edouard Bordier, en devienne la seule propriétaire. À la suite de son décès, Edouard Bordier et ses enfants en héritent avant de le revendre en 1958 à la grand-mère des deux propriétaires actuels.

Marguerite Soldati avait épousé le diplomate suisse Agostino Soldati en 1958, année où elle a aussi décidé d’acquérir le château de Trévelin afin que son époux puisse y recevoir dignement. Agostino Soldati était alors un des plus influents diplomates suisses. Il sera en poste à Berlin, Rome et Lisbonne entre 1940 et 1944. En 1956, il fut nommé ministre plénipotentiaire de la Suisse auprès de l’ONU. De juillet 1961 à son décès en décembre 1966, il fut ambassadeur de Suisse à Paris.

REGRETTÉ PAR CHARLES DE GAULLE

La salle à manger, avec son vieux parquet ne manque pas de charmediaporama
La salle à manger, avec son vieux parquet ne manque pas de charme

Daisy Soldati est à l’origine de nombreux travaux. Elle fit installer le chauffage central et fit supprimer huit cloisons pour créer de plus vastes pièces au rez-de-chaussée. L’ancien pressoir, au sol parqueté de chêne, devint le grand salon. Des hommes politiques français, comme Alain Poher et René Pléven, furent les hôtes de Trévelin; de même que le professeur Henri Rieben, fondateur du Centre de recherches européennes. Au décès d’Agostino Soldati, le général de Gaulle écrivit ceci à sa veuve: «Je n’oublierai jamais, soyez-en certaine, le grand ambassadeur et ami de la France que fut M. Soldati, à qui ses qualités intellectuelles et morales ont assuré, au poste qu’il occupait depuis plus de cinq ans, un incontestable succès.»

La fille aînée de Daisy Soldati, Gilda, héritera du château au décès de sa mère. Elle avait entre-temps épousé Gabriel Pierre Chamorel, dont elle est veuve, fils de Gabriel Chamorel, pasteur de la cathédrale de Lausanne et recteur de son université. La famille Chamorel, issue de la bourgeoisie d’Ollon (VD), a également produit nombre d’officiers supérieurs, dont un colonel et conseiller national.