Le futur se dessine au Green Village
Réemploi des matériaux, labélisations, PPE de bureaux ou encore prise en compte des aspects de biodiversité... ce nouveau quartier du Grand-Saconnex se veut précurseur sur de nombreux points. Zoom sur cet ensemble de sept bâtiments livrés au compte-goutte qui prévoit d’accueillir 400 résidents et 2500 employés par jour à l’horizon 2030.

Pas de surprise lorsque l’on pénètre au Grand-Saconnex (GE). Tout est indiqué dans le nom: ce quartier durable regroupe sept immeubles interconnectés, où habitants et travailleurs cohabitent dans un esprit de village. C’est du moins ce que le Conseil œcuménique des Églises (350 Églises membres), qui est propriétaire du site, et Implenia, qui développe le projet, ont comme objectif commun. Un nouveau pôle à vocation internationale, déjà occupé par 48 logements et une tour de bureaux, qui vient d’obtenir le permis de construire de son troisième bâtiment, le «Stockholm». Le point sur ces avancées avec son chef de projet chez Implenia, Florian Rastello.
Quelle est la genèse du Green Village?
C’est une initiative du Conseil œcuménique des Églises (COE) qui détenait cette parcelle et qui, en 2011, a décidé de lancer un appel d’offre pour ériger dessus tout un quartier. Implenia a été lauréat du développement et de la réalisation de ce projet. Un programme voulu en plusieurs étapes afin de construire petit à petit cette communauté autour d’une vision résolument durable. En 2015, le concours d’architectes nomme le bureau LRS Architectes en charge de la conception du plan localisé de quartier (PLQ), qui est entré en force en 2017. Nous avons donc pu livrer en 2022 le bâtiment «Montréal» dédié aux logements et l’immeuble de bureaux «Kyoto» (vendu à un fonds de Swiss Life) en juin 2023.
Qu’est-ce que cet ensemble a de plus durable que les autres nouvelles constructions?
Il faut se remettre dans le contexte de 2012, où les questions environnementales n’étaient pas aussi médiatisées qu’aujourd’hui. Le COE, qui est basé à côté des Nations Unies, avait alors participé à la première Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP) et s’était alors mis en tête de créer un «village vert» à Genève. D’où les noms des bâtiments qui reprennent les lieux où se sont déroulées des conférences importantes sur le climat et l’environnement: Rio, Kyoto, Montréal, Durban... Implenia, la commune du Grand-Saconnex et l’Association suisse des quartiers durables rejoignant eux aussi cette volonté de quartiers durables, se sont joints au mouvement afin de signer à quatre une convention d’objectifs avec un plan d’actions durabilité.
Qu'est-ce que cela impliquait concrètement?
Il s’agissait d’un plan de plus de 300 actions à appliquer en phases de développement, de réalisation mais aussi d’exploitation basées sur les dix grands principes de durabilité des labels One Planet Living (OPL) et SEED. Abordant ainsi les questions de biodiversité, de gestion des eaux, de matériaux de construction durable, du zéro carbone etc.
Pourquoi avoir choisi ce label SEED et pas un autre comme celui de Minergie (aujourd’hui SNBS Quartier)?

Lors de l’établissement du PLQ, le label SEED/OPL était l’unique label de quartier disponible. Ce qui était intéressant avec ce dernier, c’est que l’on prend en compte également la phase d’exploitation. En l’occurrence, les exploitants du quartier sont sélectionnés en fonction de leur éthique, de leur conviction et de leur activité. Une banque qui fait du trading de pétrole ne pourra donc pas s’installer à Green Village. De même, l’utilisation de pesticides pour désherber est par exemple proscrite et les futurs propriétaires ont signé dans leur acte de vente ce plan d’actions qui les incite à mieux et moins consommer l’énergie. Le label SEED permet ainsi de couvrir l’ensemble du cycle de vie d’un projet et d’intégrer notamment la biodiversité, ce qui était novateur. À l’échelle des bâtiments eux-mêmes, nous visons les labels de performance les plus exigeants: THPE (Très haute performance énergétique) et SNBS Gold.
Quelques exemples d’actions entreprises?
Green Village dispose d’un grand parc, d’importantes surfaces en pleine terre(sans parking en sous-sol), de cinq milieux différents de biodiversité (boisé, prairie, humide...), de bassins de rétention d’eau à ciel ouvert où 90% des eaux de pluie sont gérées. Par rapport au zéro carbone, nous nous alimentons sur une source d’énergie locale (la nappe phréatique sous le site) pour le chauffage et le refroidissement des bâtiments et nous nous appuyons sur 3000 m2 de panneaux solaires interconnectés en toiture. Enfin, ce que nous avons mis en place pour le prochain immeuble, «Stockholm», et les suivants, c’est une attention particulière sur le carbone en réalisation, notamment émis par les matériaux de construction. Nous allons entre autres utiliser du ciment bas carbone, de béton recyclé issu de nos propres gravats de déconstruction, de l’aluminium recyclé pour nos façades et réutiliser des escaliers existants et des dalles en béton pour du pavement extérieur. Un inventaire des matériaux à conserver ou à réemployer a été dressé pour notre propre usage mais aussi pour mettre à disposition les éléments restants, sur notre plateforme en ligne et ainsi développer la filière de réemploi.
Revenons au niveau architectural, pourquoi avoir fait appel à trois cabinets différents?

En effet, lors du concours d’architectes effectué en 2015, il avait été convenu que le lauréat aurait la charge de la conception globale du quartier mais que les trois bureaux finalistes pourraient disposer de droits à bâtir sur certains bâtiments. De ce fait, group8 s’est occupé de «Montréal», LRS Architectes de «Kyoto» et Inès Lamunière (DLA designlab) de «Stockholm», en parallèle de la rénovation du Centre œcuménique. Bien que ce soit trois coups de crayons différents, l’esprit d’unité et de village est garanti par une charte qui définit les grandes lignes de l’architecture souhaitée sur le site (couleurs béton et bronze, formes plutôt carrées...), et ce, sans pour autant qu’on ait des édifices 100% identiques. La créativité de ces trois bureaux se répond donc de manière harmonieuse.
Quelle sera la particularité du bâtiment «Stockholm»?
Chaque édifice est unique et celui-ci, dédié à des bureaux, promet de grands espaces de travail flexibles misant sur le confort des utilisateurs. En effet, «Stockholm» aura la spécificité rare de proposer de la PPE de bureaux, ce qui permettra aux entreprises de devenir propriétaires de leurs murs. C’est pourquoi, nous avons voulu que chaque espace ait sa propre loggia et des fenêtres ouvrantes pour se sentir «chez soi». L’organisation internationale de recherche et de développement à but non lucratif DNDi (Drugs for Neglected Diseases initiative) vient déjà de réserver 1700 m2 mais ce lieu est destiné à tous types de services, des cabinets d’avocats ou d’architectes par exemple. Il y aura aussi deux étages de rez-de-chaussée qui seront à la vente pour des activités commerciales. À l’image de l’agence bancaire, du fitness et de la crèche qui se sont installés dans les deux premiers bâtiments.
Pourquoi proposer encore des bureaux plutôt que du logement?
Situé dans la Genève internationale, au sein du jardin des Nations, ce périmètre doit conserver son caractère d’accueil pour la majorité des organisations et activités internationales du canton. Nous avons tout de même souhaité créer une certaine mixité d’affectations avec un immeuble dédié aux logements, une crèche, des commerces dans les rez-de-chaussée et un hôtel à venir. Le reste est effectivement consacré à des bureaux et un centre de conférence notamment avec le COE et ses organisations sœurs restant sur site, c’est aussi pour cette raison que nous avons découpé le projet en étapes, pour ne pas mettre autant d’offre sur le marché en même temps.
Quelle est la suite du programme?
Nous prévoyons la finalisation du quartier d’ici à 2030. Le chantier de «Stockholm» va débuter l’an prochain pour une livraison estimée à fin 2027. La construction du bâtiment Lima devrait suivre, ainsi que la rénovation du Centre œcuménique. L’hôtel nommé «Rio» verra le jour au cours de l’année 2028, tandis que le dernier bâtiment, «Durban» sera livré par la suite. À terme, Green Village comptera ainsi près de 200 résidents permanents (48 logements PPE), environ 200 chambres d’hôtel et 2500 places de travail, le tout réparti sur plus de 60'000 m2. Un projet de taille!
Le quartier en chiffres
7 bâtiments
61’700 m2 de surface
2500 travailleurs sur site
200 résidents permanents (48 logements PPE)
211 chambres hôtelières
2012 début du projet
2030 finalisation du projet
300 actions durables appliquées
50 acteurs impliqués (mandataires, partenaires, clients, etc.)
