Transition

Le gaz survivra-t-il en 2050?

Entre le monde politique qui veut une fin rapide des énergies fossiles et les praticiens confrontés à la réalité quotidienne, le fossé est difficile à combler. Pourtant des pistes existent.

Long de 290 km, le gazoduc Transitgas, qui connecte les marchés allemand, suisse et italien (10% du gaz reste en Suisse), possède une capacité de transport équivalente à la production de 20 centrales nucléaires
Long de 290 km, le gazoduc Transitgas, qui connecte les marchés allemand, suisse et italien (10% du gaz reste en Suisse), possède une capacité de transport équivalente à la production de 20 centrales nucléaires - Transitgas

Du soleil transformé en gaz naturel décarboné et facile à stocker? Une utopie? Un rêve éveillé pour militant? C’est pourtant le défi que tentent les ingénieurs de l’Innovation Lab à Aigle (VD). Ce nouveau laboratoire développe au stade semi-industriel une innovation étudiée en laboratoire à l’EPFL. A partir de panneaux solaires sur le toit des bâtiments de Gaznat, l’électricité produite est convertie en hydrogène grâce à l’électrolyse. Puis cet hydrogène est injecté avec du dioxyde de carbone dans un réacteur qui produit du méthane de synthèse, neutre en C02.

L’astuce consiste en un filtre qui capture le CO2 à travers une membrane en graphène ultra-fine. Le CO2 est stocké pour être réutilisé. Le Power-to-Gas permet de produire du gaz de synthèse qui a les mêmes caractéristiques que le gaz naturel tout en étant neutre en CO2. Il peut être injecté sans problème dans le réseau: «Avec les excédents d’énergie électrique que les étés chauds produiront de plus en plus, on pourra mieux stocker du gaz pour une utilisation hivernale», commente René Bautz, CEO de Gaznat à Vevey.

«Il est clair que l’on ne va pas arrêter du jour au lendemain les énergies fossiles comme le pétrole ou le gaz partout dans le monde, reconnaît René Bautz. Il y a beaucoup de pays en développement qui recourent au charbon, c’est une question de prix. Il est important que notre objectif à tous soit de réduire les émissions de CO2. Il faudrait pouvoir continuer à utiliser les énergies fossiles un certain temps, mais en diminuant les émissions». Cela permettrait de passer du charbon au gaz naturel pour la production électrique, ce qui permettrait déjà de réduire de 50% les émissions de CO2. D’autre part, il faudra développer les technologies de capture du CO2, de façon de produire du gaz de synthèse comme à Aigle.

Biogaz et hydrogène

Le gazoduc Transitgas
Le gazoduc Transitgas

Avec 80% d’énergies fossiles utilisées dans le monde actuellement, il ne sera pas facile d’arriver partout à l’objectif zéro émission en 2050: «Mais la Suisse avec son pouvoir d’achat plus élevé a les moyens de payer un peu plus cher son énergie pour recourir aux renouvelables: «La Suisse a un rôle à jouer dans l’innovation et dans les nouvelles technologies», estime le CEO de Gaznat

Parmi les gaz renouvelables qui devraient avoir l’aval écolo, il y a aussi le biogaz qui provient des déchets, du lisier animal ou de la biomasse produite par les forêts abondantes en Suisse. Sans parler de l’hydrogène, mais ce n’est qu’une énergie intermédiaire qu’il faut produire avec des pertes. Il est volatil et il faut le comprimer à haute pression avant son utilisation comme gaz.

Les Alpes suisses jouent aussi un rôle central par son réseau de gazoducs, notamment le Transitgas qui transporte d’énormes quantités de gaz entre l’Allemagne, l’Italie et la France. Et qu’adviendrait-il du gazoduc dans le Léman? «Il faudra utiliser au mieux les infrastructures existantes du réseau électrique et des gazoducs. L’infrastructure gazière a l’avantage d’être peu visible et de véhiculer une haute densité énergétique, sans parler de l’atout du stockage». Ainsi quatre grosses cavernes sont projetées à Oberwald dans le Haut-Valais. Hautes de 100 m et 50 m de diamètre, elles auront une capacité énergétique équivalente à la Grande-Dixence. Opérationnelles au mieux à partir de 2030.

En 2050, on utilisera toujours du gaz naturel sous une forme sans doute plus décarbonée, estiment les gaziers. Il faudra convaincre le monde politique que l’infrastructure gazière est importante pour le futur. Quant au pétrole, il sera encore très utile dans les plastiques et la chimie. Mais l’objectif est vraiment de réduire au maximum les émissions de CO2 pour contrer l’effet climatique.