Exomusée

Le Locle, capitale de l'art urbain

Petite ville frontière d’une dizaine de milliers d’habitants, Le Locle a parfois mal à son image : loin de tout, trafic frontalier étouffant… Ville inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO pour son urbanisme horloger, Le Locle ne manque pourtant pas d’attrait. La ville se forge par exemple une réputation méritée de capitale de l’art urbain en Suisse.

Bustard, Suisse installé à Amsterdam, s’occupe d’un mur loclois.
Bustard, Suisse installé à Amsterdam, s’occupe d’un mur loclois.
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Franchement, cela vaut le détour. Depuis la gare haut perchée, vous plongez dans la ville. Un petit détour par l’Hôtel de Ville s’impose. Son architecte veveysan, Charles Gunthert, est mort de la grippe espagnole en 1918, année où ce bâtiment remarquable fut remis aux autorités locloises. Joliment trapu, construit en pierre calcaire entre 1913 et 1917, reposant sur 1244 pilotis (Le Locle « flotte » sur un marais invisible), il donne à voir, sur sa façade est, une fresque réalisée en 1922 par Ernest Biéler sur la symbolique du Temps. C’est une bonne entrée en matière, un petit revers historique avant de pénétrer dans le monde contemporain de l’art urbain, dont Le Locle est en passe de devenir la capitale helvétique, et vous trouverez à l’intérieur les informations pour vous lancer à la découverte des œuvres dispersées dans la ville.

Origin, oeuvre du Suisse Onur.diaporama
Origin, oeuvre du Suisse Onur.

Cible à 50

Tout a commencé sur l’initiative de l’association Luxor Factory qui s’est branchée en 2018 sur l’art urbain. Deux curateurs sont à la barre, François Balmer, graphiste, concepteur-rédacteur et artiste, ainsi que son épouse, la journaliste Sylvie Balmer. L’association a convaincu de la force de son concept et trouvé les appuis nécessaires, à commencer par la ville. Aux 26 œuvres actuellement visibles dans les rues du Locle, s’en ajouteront bientôt une vingtaine pour atteindre le nombre cible de 50 d’ici à 2024.

Les curateurs de l’exomusée mobilisent des artistes cotés pour orner les façades locloises et constituer au fil des années un véritable musée à ciel ouvert. Plusieurs figures de la scène street art internationale ont pris possession des surfaces verticales mises à leur disposition. Ils viennent de France, de Pologne, de Grande-Bretagne, de Croatie, de Suisse aussi : « Leur présence ici tient à la qualité de notre concept, estime François Balmer. Pour les street artistes, Le Locle est devenu une bonne adresse qui se passe de bouche à oreille. »

Radium, oeuvre du Britannique SHOK-1, pionnier de l’art des rayons X en aérosol.diaporama
Radium, oeuvre du Britannique SHOK-1, pionnier de l’art des rayons X en aérosol.

Balises thématiques

Le concept, justement, parlons-en. Les artistes n’ont pas carte blanche, ils sont tenus de respecter quelques balises thématiques, « ce qu’ils apprécient », assure le curateur. Liées au tissu régional, mais aussi universelles, ces thématiques sont l’horlogerie, qui ouvre sur la vaste notion du temps ; les « radiumineuses », ces petites mains oubliées et radioactives de l’horlogerie suisse, entre 1918 et 1963, ont par exemple inspiré un bel hommage mural au Britannique SHOK-1 ; l’histoire économique, qui permet entre autres d’admirer les murs en dentelle (longtemps spécificité de l’artisanat local) de la Polonaise NeSpoon ; faune et flore de la région, thème qui donne à voir, notamment, la formidable corneille du Parisien Ardif ou encore la grande gentiane de la Tessinoise Mona Caron. L’environnement en général, et en particulier les nuisances dues au trafic, dont Le Locle aura encore à souffrir jusqu’à la réalisation du contournement autoroutier en 2029, ont inspiré le Toulousain James Colomina, qui avait créé le buzz à Paris en déposant la sculpture d’un migrant sur la place du Trocadéro et sous l’Arc de Triomphe. Les thèmes « frontière » et « architecture » vont venir enrichir la gamme.

La grande gentiane, peinte au pinceau et au rouleau, de la Tessinoise Mona Caron.diaporama
La grande gentiane, peinte au pinceau et au rouleau, de la Tessinoise Mona Caron.

Propriétaires partenaires

L’association dispose d’un budget annuel de 200'000 francs, de quoi payer les artistes, qui logent dans une résidence, et faire face à de multiples frais tels que les assurances (ces artistes pratiquent un métier dangereux) ou encore la location de matériel comme des nacelles. Jusqu’en 2024, elle peut compter entre autres sur le soutien du canton de Neuchâtel et de la Confédération. La question des murs n’est pas toujours simple. Un tiers des façades livrées aux artistes appartiennent au domaine public, notamment des écoles, et deux tiers à des privés. « Afin de garantir une durabilité maximale des fresques, les façades sont nettoyées avant l’intervention des artistes, et même restaurées au besoin » précise François Balmer. Une dizaine d’artistes sont attendus en 2022, dont les Hollandais Telmo & Miel. Tous viendront enrichir « le concentré de stars du street art que le public peut découvrir dans l’espace urbain loclois. »