Portrait - Puidoux

Le lustrier des plus grands salons

Courtier en assurances devenu fabricant et restaurateur de luminaires, Bertrand Cazenave est un des rares artisans du lustre en Suisse et côtoie une clientèle de prestige depuis plus de dix ans.

L’artisan fait venir d’Italie des pièces rares en verre de Murano grâce à des liens privilégiés qu’il entretient avec des verriers de Venise
L’artisan fait venir d’Italie des pièces rares en verre de Murano grâce à des liens privilégiés qu’il entretient avec des verriers de Venise - Copyright (c) LDD
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Clic, clac! Ce bruit, devenu au fil du temps imperceptible à nos oreilles, nous accompagne du lever au coucher, jour après jour. Ce bruit, celui de l’interrupteur qui permet d’allumer ou d’éteindre la lumière, un geste qui peut paraître répétitif et anodin pour tout un chacun, mais pas pour Bertrand Cazenave. Ce passionné de luminaires, au parcours atypique, a pourtant débuté sa carrière en créant un cabinet de courtage en assurances, avec des études de droit en poche, puis s’est décidé à tout quitter au bout de vingt ans pour finalement restaurer et fabriquer des lustres. «Ma compagne était antiquaire à l’époque donc j’occupais mes soirées non pas devant des matchs de football mais en réparant des lampes anciennes. Crise de la quarantaine oblige, du jour au lendemain j’ai choisi de faire de cette nouvelle passion mon métier, celui de lustrier», témoigne Bertrand Cazenave.

Depuis son atelier de Puidoux, l’artisan qui a tout appris sur le tas fait venir d’Italie des pièces rares en verre de Murano grâce à des liens privilégiés qu’il entretient avec des verriers de Venise. «Les lustres sont des produits de qualité, qu’il faut traiter comme des joyaux, même si les manipuler ne demande pas beaucoup de technique ni de matériel. Il ne faut qu’une pince et deux fils électriques, le tout assorti d’un peu de créativité, de délicatesse et de patience», assure-t- il avec modestie. Dans ce métier où les artisans se font pourtant rares, le lustrier passe surtout des heures devant l’objet à observer, à comprendre son fonctionnement, afin d’optimiser son temps lors de la restauration décrit Bertrand Cazenave.

Le lustrier passe surtout des heures devant l'objet à observer, à comprendre son fonctionnement, afin d'optimiser son temps lors de la restauration.

Déjà une illustre clientèle...

L’artiste vaudois a soigné les immenses lustres du Lido à Paris et les 150 lampes de table du célèbre cabaretdiaporama
L’artiste vaudois a soigné les immenses lustres du Lido à Paris et les 150 lampes de table du célèbre cabaret

Un art qu’il pratique désormais depuis une dizaine d’années sous le nom de «L’artisan du Lustre» et qui a su tout du long attirer une clientèle prestigieuse. Des riches particuliers aux palaces tels que le Beau Rivage, en passant par les marques horlogères et joaillères les plus reconnues. L’artiste vaudois s’est forgé peu à peu une véritable réputation jusqu’à s’occuper récemment du Lido à Paris, soignant les immenses lustres (le plus grand mesurant 4,5 mètres de diamètre) et les 150 lampes de table du célèbre cabaret. Un lieu où la lumière revêt toute son importance, tout comme dans les multiples ambassades qu’il secoure fréquemment. Nombreuses sont celles à faire appel à ses services: France, Philippines ou encore celle d’Allemagne «dont le lustre en bronze du XIXe siècle, une œuvre incroyable, s’était décroché brutalement et avait fini à terre totalement tordu», se remémore le lustrier qui peut aussi se targuer d’avoir fabriqué le plus grand lustre d’Europe, atteignant une hauteur de 22 mètres, pour une clinique privée et d’avoir conçu un lustre sur-mesure pour une grotte préhistorique française.

Tant de clients suisses et internationaux qui ont croisé sa route au fil du temps mais qui malgré tout ne lui permettent pas de vivre de sa passion à 100%. «J’ai dû revenir à la raison et remettre partiellement ma casquette de courtier en assurance, un à-côté nécessaire», indique- t-il. Bien que la demande soit toujours au rendez-vous, Bertrand se dit conscient de la réalité du marché: «Tout le monde n’a pas une hauteur de plafond de 2,5 mètres dans son appartement donc il n’est tout simplement pas donné à tous d’avoir un lustre chez soi et puis soyons honnêtes, nous allons de plus en plus facilement chez les grandes enseignes de décoration pour acheter nos luminaires, puis, lors d’un déménagement, le jour J, on jette tout et on rachète à neuf en faisant un tournus tous les trois ou quatre ans.»

...et une créativité illimitée

Le lustrier trouve du temps pour concevoir et vendre des sculptures lumineuses en matériaux recyclésdiaporama
Le lustrier trouve du temps pour concevoir et vendre des sculptures lumineuses en matériaux recyclés

Malgré tout, Bertrand ne s’inquiète pas pour l’avenir de son atelier. S’il peut compter sur son site en ligne de e-commerce pour ses services de lustrier, il trouve encore du temps pour concevoir et vendre des sculptures lumineuses en matériaux recyclés. A base de déchets de lustres cassés, de bouts de verre brisés et de vitres de voiture récupérées, l’artiste propose des objets uniques et les expose plusieurs fois par an à St-Sulpice ou sur rendez-vous dans son atelier de Puidoux. «Outre le fait que cette activité de création m’amuse beaucoup, elle s’inscrit dans l’ère du temps, celle de l’économie circulaire», précise-t-il. De quoi occuper cet hyperactif qui multiplie les divers projets et qui ne manque surtout pas d’une chose: d’idées lumineuses.