Le préfabriqué donne de l'élan au bois

«En 2018, un promoteur a sollicité Jean-Daniel Masserey, car il souhaitait construire un hôtel en montagne dans le Valais central. Quand il a pris connaissance du budget, l’architecte et ingénieur de Nendaz lui a répondu que ce n’était tout simplement pas réaliste. La transition vers le préfabriqué est partie de là», explique Samuel Udry qui est l’un des cofondateurs de cette alliance d’entreprises (voir encadré ci-dessous). Stéphane Bonvin, le promoteur en question, qui est notamment connu pour être propriétaire de la Régie du Rhône à Genève, a alors conseillé à Jean-Daniel Masserey de se tourner vers des unités en béton préfabriquées produites par une société basée en Espagne.

Les mousquetaires du bois

Au-delà du pur réalisme économique, Jean-Daniel Masserey ne parvient pas à se résoudre à cette option. Il demande à Stéphane Bonvin de lui octroyer quelques semaines de délai afin de mettre sur pied une solution régionale. Jean-Daniel Masserey part ainsi à la chasse aux ressources locales en faisant appel aux patrons de PME avec qui il collabore habituellement.

Parmi ses prospects, Maxime Métrailler, qui est à la tête des Artisans du bois SA à Nendaz, est convaincu de trouver une formule exploitant son matériau de prédilection. L’homme sait de quoi il parle. Titulaire d’une Maîtrise fédérale de charpentier, il est de surcroît président de l’Association valaisanne des entreprises de menuiserie et de charpente. Il perçoit toutefois que, pour parvenir rapidement à un concept doté de toute la technique nécessaire, une collaboration mobilisant d’autres capacités de production est indispensable. Il fait à ce moment-là appel à Gaétan Fournier, copropriétaire avec Alex Pistoletti d’IWC SA à Ardon. Eux-mêmes songent à Samuel Udry, de la société Udry Construction SA à Savièse, qui est active dans le domaine de la construction en bois tout en étant une entreprise générale. L’équipe est désormais constituée.

Les délais de construction se voient fortement réduits grâce à cette technique.

Illusoire zéro risque

Les membres de ce consortium se focalisent, durant cinq mois, sur l’aspect recherche et développement. Ils se réunissent régulièrement pour affiner leur concept. Grâce à leur complémentarité, ils parviennent à réaliser un prototype de chambre en bois d’environ 20 m2 avec salle de bain intégrée, prête à être connectée à l’ensemble des réseaux (eau, électricité, etc.). Fabriquée non sans risque et à leurs propres frais, cette première version est pensée pour un hôtel trois étoiles supérieur. Pour être viable économiquement, l’optimisation doit y être maximale.

Parmi les difficultés techniques à contourner ont figuré l’implantation du chauffage au sol, l’isolation phonique et la protection incendie. Mais l’une des contraintes majeures était que les dimensions des modules ne devaient pas en empêcher le déplacement. «Nous avons voulu vérifier sa transportabilité en chargeant cette première unité sur une remorque surbaissée. La présentation a eu lieu au bord d’un étang, sur les hauts de Savièse. Stéphane Bonvin est venu avec une partie de son staff (hôtellerie et finances). Après avoir visité le prototype et pris connaissance des informations techniques et financières, il nous a avisés que non seulement le défi avait été relevé, mais que le label “Swiss made” prenait ici tout son sens», se souvient Samuel Udry.

Soyons précis

La première commande qui est passée est destinée à l’Eringer Hôtel - 4 Vallées situé dans le Valais central, entre Hérémence et Thyon 2000. Après l’aménagement en dur, le montage des modules s’est fait avec un haut degré de précision: sur les 49 mètres de longueur que représentent les 14 chambres qui composent chaque étage, la tolérance maximale était de deux centimètres.

Les maçons ont relevé avec brio ce défi. Le calendrier a également été respecté. Pour ce faire, les modules ont été fabriqués en même temps que l’élévation des murs. «Nous en avons livré et mis en place 42 en trois jours. Il ne leur restait plus qu’à installer le lit et le téléviseur. La fibre optique était déjà intégrée. Le promoteur a gagné de la sorte entre six et neuf mois sur son planning d’exploitation. Cela a représenté autant de disponibilité de location en plus pour l'hôtel. Dans les derniers étages sous toit, nous avons par ailleurs assuré le montage des chambres, toujours en structure bois, mais d’une façon plus conventionnelle» explique Samuel Udry.

Des ambitions élargies

À l’issue du projet, les partenaires se sont montrés très satisfaits. Cette formule gagnante a été ensuite reprise pour un nouvel hôtel, le Mad Mount Hotel, à Nendaz cette fois. Nous étions peu avant Noël 2022. Là encore, l’efficacité, la rapidité et les coûts réduits de ce modèle de préfabrication ont fait merveille.

En ce début 2023, le consortium est actif dans la réalisation d’appartements protégés à Riddes. Les impressionnantes halles de l’ancienne usine Giovanola de Monthey hébergent l’espace de montage des futures unités résidentielles. Mais Modubois prévoit de rapatrier ses activités à Ardon à côté de la société IWC SA. D’un point de vue pratique, des palans en mesure de soulever des charges élevées y seront installés. Ce qui devrait décupler un potentiel de production déjà conséquent.

• RÉINVENTER LA COLLABORATION
  Quel est le business model exact de Modubois? «Nous sommes une structure constituée de quatre types d’activités complémentaires dans le domaine de la construction. Notre noyau opérationnel et notre pôle recherche et développement se réunissent très souvent pour assurer l’organisation générale et pour plancher sur de nouveaux projets avec en tête une amélioration constante du produit. Mis à part les forces à disposition dans nos sociétés propres, nous faisons appel à de nombreuses autres entreprises valaisannes afin de mener à bien nos réalisations» explique Maxime Métrailler. En 2019, soit seulement une année après son lancement, Modubois SA a symptomatiquement obtenu le prix Créateurs BCVs pour son innovation durable.