Le Rucher d'Evolène prend vie
Outre un hôtel, des chalets et des raccards transformés en maisons d’hôtes et quelques magasins, le projet comprendra notamment un petit théâtre et un atelier d’art. Derrière ce projet, une famille d’origine suisse qui rêve de rendre Évolène aussi célèbre que Zermatt.

Au départ, la famille d’Ernst Zaugg, habituée de ce village depuis plus d’un demi-siècle, avait juste acquis quelques maisons anciennes ayant besoin d’une bonne rénovation dans les règles de l’art. Ce dernier était attristé de voir ce patrimoine architectural et culturel s’étioler petit à petit, faute de moyens. Ayant fait fortune grâce aux huiles moteur Motul, il a décidé d’acheter progressivement des bâtisses. Sa rencontre voici deux ans avec Steven Jacob, un hôtelier belge, a fait évoluer cette passion pour le village bucolique d’Évolène. Rappelons au passage que c’est là que fut tourné en mai 1985 le film «Derborence» réalisé par Francis Reusser d’après le livre de Charles Ramuz, et qui reçut le César du meilleur film francophone en 1986.
L’exemple de la Pension

«Notre but est de faire vivre le village», répète avec le sourire Steven Jacob. Un exemple: le café restaurant La Pension, acquis en 2024. D’une part, la partie restaurant sera agrandie et va accueillir un bistrot tenu par l’équipe du meilleur gastro de la vallée, Les Collines à La Sage. D’autre part, les étages seront transformés pour en faire un espace de co-living destiné en priorité aux employés du Rucher d’Évolène.
«Nous allons reprendre les uniformes d’époque. Rappelons que cette pension existe depuis 1905. Les locaux s’y sont toujours retrouvés. Notre objectif est d’apporter un certain raffinement, tout en restant très local», explique Géraldine Dohogne, une célèbre architecte d’intérieur qui a décroché le prix du Meilleur hôtel français de charme à la montagne en 2018.
L’idée est de refuser toute standardisation. «Nous avons visité l’atelier de tissage de Marie Métrailler (1901-1979) et allons tout faire pour utiliser les mêmes matériaux.
Quant aux objets, nous allons par exemple reprendre le même type de bougeoirs que ceux du musée du village.» Steven Jacob a présenté à la décoratrice l’historien Charles-Albert Beytrison pour s’assurer que les décorations soient adaptées aux us et coutumes du val d’Hérens. Pas étonnant, dès lors, de découvrir dans chaque chalet/raccard le traditionnel chauffage en pierre ollaire (fourneau en pierre), rénové et qui fonctionne désormais avec une source électrique.
L’achat du Central

C’est l’achat du Central en 2023, un bar très populaire dans ce village de 1700 habitants, qui a été l’élément déclencheur pour la famille Zaugg. De là, a découlé l’engagement de Jacob Steven et la nécessité de réfléchir à un vrai concept, celui «du Rucher et de ses maisons des arts et des douceurs». Si le Central est en plein travaux afin d’y créer 7 chambres et suites pour une ouverture au premier trimestre 2026, il y a aussi plusieurs acquisitions «non commerciales». Par exemple, un bâtiment qui sera transformé pour accueillir un carnotzet au rez inférieur et une petite salle de théâtre de 30 places. «Au début, la famille Zaugg pensait le démolir et reconstruire quelque chose, mais l’historien Charles-Albert Beytrison leur a alors dit qu’il pensait que cette demeure devait sans doute être la plus ancienne d’Évolène. Des tests dendrochronologiques ont confirmé ses déclarations puisque cette maison date de 1444.»
Pas étonnant que Steven Jacob se plaise autant dans ses nouvelles fonctions. «Je pense que j’ai le meilleur job au monde. Ici, je veux travailler avec tout le monde. Par exemple, dans le spa que nous sommes en train de créer au rez inférieur du Central, nous n’avons pas l’intention de recruter une thérapeute. Nous souhaitons mettre le lieu à disposition des thérapeutes déjà présentes dans le village. Le but est vraiment de faire du bien à Évolène.»
Avec une herboriste

Parmi les multiples idées de l’équipe du Rucher, citons encore la volonté de développer une ligne de produits cosmétiques avec une herboriste du village. Un travail de sélection de différentes herbes et plantes a débuté. Enfin, relevons le soutien actif à l’Association pour la valorisation de l’héritage alpin, créée par Charles-Albert Beytrison. Actuellement, il est déjà possible de louer trois chalets: Chez Madeleine (datant de 1634); Chez Berthe (1757); et, Chez Catherine et Joseph (1595). «Nous avons baptisé ces chalets du nom des Évolénards qui y ont vécu. Pour ce faire, nous avons mandaté Monsieur Beytrison. C’est ainsi que des lettres d’amour ont été retrouvées sur place entre un instituteur prénommé Joseph et une certaine Catherine», raconte Steven Jacob. «Mon rôle est de donner du sens aux différentes acquisitions. A ce jour, 9 habitations ont d’ores et déjà un concept précis. De toute façon, il nous est impossible de mener l’ensemble des rénovations d’une seule traite, vu que nous travaillons avec des artisans locaux.» Chez Madeleine, il est possible de louer trois magnifiques suites, avec pour chacune d'entre elles le traditionnel bac japonais dans la veine d’essences locales dans la salle de bain. Chez Berthe était le premier chalet de la collection, dont la rénovation fut achevée en 2018. Ces lieux ont tous pour point commun la volonté de rénover ces lieux pluri-centenaires avec le plus d’authenticité possible. Steven Jacob appelle cela la «finition patrimoine». En résumé, on utilise du vieux bois, le style se veut épuré, tout en étant haut de gamme.