Dossier spécial : Bulle

Les grands chantiers qui vont changer Bulle

La prochaine arrivée de Rolex à Bulle est la cerise sur le gâteau. Cette excellente nouvelle va nécessiter de relever d’importants défis: comment pouvoir faire face aux besoins des autres entreprises souhaitant se développer dans la région? Où loger les futurs 2400 salariés de la marque à la couronne? Notre dossier tente d’y apporter quelques réponses.

© Ville de Bulle
© Ville de Bulle
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La nouvelle avait été annoncée au Téléjournal de la RTS le 21 novembre dernier: Rolex a finalement choisi Bulle pour implanter un nouveau site de production. Le législatif communal a voté le 12 décembre à une très large majorité (43 contre 5) la vente pour 31,4 millions de francs de 105’000 m2 dans la zone industrielle la Prila. Autrement dit, dès 2029, Rolex deviendra le plus gros employeur de la région avec environ 2400 collaborateurs prévus, devant le groupe Liebherr (environ 1500). Des études montrent qu’outre le milliard de francs qu’a prévu de dépenser le géant horloger pour son futur site, ce sont quelque 1500 places de travail supplémentaires qui devraient surgir de manière indirecte (consommation sur place, sous-traitants, etc.).

«Rolex a choisi Bulle et nous en sommes très heureux. Mais le plus grand problème, c’est l’aménagement du territoire. C’est long et compliqué et il y a des impasses», témoigne le syndic de Bulle, Jacques Morand. «Nous pouvons accueillir près de 15’000 personnes de plus, mais nous n’avons en revanche plus de terrains pour accueillir des entreprises. La Gruyère est le seul district fribourgeois qui exporte des travailleurs: 4000 vont travailler à l’extérieur, tandis que 7000 viennent travailler chez nous. D’après l’institut BAK, c’est à Bulle que l’on trouve le plus grand potentiel de places de travail par habitant.»

Entreprises à l'étroit

Le syndic est ravi de la création de 2400 places de travail grâce à Rolex, cependant il regrette que des entreprises bulloises quittent la commune faute de terrains disponibles. Morand Constructions Métalliques est parti de La Tour-de- Trême en 2015 pour Enney (FR). Grisoni Zaugg a lâché Bulle pour la commune voisine de Vuadens. Les Ateliers Firmann, à l’étroit au centre-ville, ont rejoint Epagny récemment. Fondée en 1973 à Bulle, Issa (spécialiste en calorifugeage) s’est résignée à s’installer à Vaulruz. Aujourd’hui, c’est la société WIB, spécialisée dans les roulements à billes, qui cherche activement une solution sur place. Ce sont quelque 100 emplois qui pourraient là encore quitter la ville. «J’ai des demandes de sociétés qui veulent venir et je ne sais pas où les mettre», témoigne le syndic.

En résumé, il serait nécessaire que le canton et la Confédération soutiennent la création de nouvelles zones d’activités. «Il existe un décalage entre les besoins d’une entreprise, la croissance de Bulle et les lenteurs de l’administration fédérale. C’est une question de volonté politique. Or, je constate que cela peut parfois aller vite quand nos élus le veulent», relève Nadir Solenghi, le CEO du groupe Sottas. Rappelons que c’est la commune qui dépose les plans d’aménagement de détail (PAD, des plans d’affectation du sol qui précisent les conditions permettant la réalisation de nouvelles constructions). Puis le canton donne un préavis et les autorisations de construire sont ensuite délivrées par la préfecture.

Les principaux chantiers.diaporama
Les principaux chantiers.

Les aménagements à venir

Alors que le réaménagement du quartier de la gare touche à sa fin et que le quartier des Jardins de la Pâla (sur le site de l’ancien arsenal de 65’000 m2) est achevé, quels sont les grands chantiers qui vont contribuer à faire changer Bulle d’échelle? La Pâla II (PAD 43): de quoi parle-t-on? On parle de la continuité des Jardins de la Pâla qui s’étend sur un total de 11,5 hectares sans voiture. Le plan de quartier sera mis à l’enquête début 2024. Il se réalisera par étapes. La construction d’une école primaire de 18 classes et de sa salle de gymnastique, ainsi que d’un grand parc constituera ce nouveau cœur de quartier. Deux tours de qualité et d’une grande hauteur, hébergeant majoritairement des logements, mais aussi des bureaux et du commerce (bar, restaurant, santé) s’implanteront dans le prolongement des Jardins de la Pâla. Un futur hôtel sera bâti et sera exploité par une marque internationale pour compléter l’offre des Jardins de la Pâla. Ce quartier n’aura aucune voiture en surface, du fait qu’il sera doté d’un parking silo dont l’entrée sera située à la sortie du tunnel de la route de contournement. Le programme piloté par Urban Project prévoit environ 125’000 m2 de surfaces de plancher, dont près de 60% seront consacrées au logement (soit environ 700 appartements pouvant accueillir 2000 habitants).

Enfin, il y aura entre 300 et 600 places de travail pour ce projet urbain dessiné par le bureau RDR Architectes, lauréat du MEP. L’entier du site sera en service d’ici à décembre 2027. «Il faut laisser le temps au marché bullois afin qu’il absorbe correctement ces nouvelles surfaces», commente Xavier Jeanneret, directeur général d’Urban Project, à propos de ce chantier qui couvre 8,5 hectares, situé à environ 1 km de la gare de Bulle.

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La Prairie de Jéricho.

La Prairie de Jéricho (PAD 45): Ce projet va voir le jour sur une zone d’environ 9 hectares, située entre le quartier du Ferrage et la commune de Morlon (qui a les pieds dans le lac de la Gruyère), soit dans le «Cologny» bullois. Cela se situe près du Centre sportif de Bouleyres. De plus, on y domine la ville et on y admire le sommet du Moléson. Ici également, on retrouve Urban Project au pilotage. Le projet en lui-même propose 3 secteurs avec différentes typologies d’habitation, dont le point commun est le bois.

Dans le secteur des plots gruériens (137 appartements en location, environ 74 appartements en PPE, un logement atelier et quelques commerces), il devrait s’agir de six immeubles carrés reprenant l’identité des fermes gruériennes avec un noyau en béton et avec de grandes loggias sont entourés des granges à coursive donnant sur la prairie du nouveau quartier. Dans le secteur de Jéricho, on parle de petits immeubles (environ 74 logements en PPE et deux logements-ateliers), le secteur du hameau du Ferrage (environ 115 logements locatifs, environ 74 en PPE et un logement-atelier). Enfin, l’actuelle ferme du Ferrage sera maintenue et devrait accueillir un restaurant et une crèche. La commune étudie la possibilité d’y édifier une petite école également. Dans ce futur quartier très prisé de près de 480 logements (près de 1000 futurs habitants), les voitures ne circuleront pas en surface. Un parking est prévu pour environ 650 places en sous-sol (places habitants et visiteurs confondues).

Terraillet (PAD 36): ce quartier situé au nord-est de Bulle sera mixte, une zone d’activité artisanale sera aménagée le long de la route de Fribourg, dans la continuité de celle de Palud (pouvant accueillir entre 900 et 1200 emplois) et du logement sur le reste de ce périmètre de 14,5 hectares. A terme, elle devrait accueillir entre 2600 et 2900 personnes. Aujourd’hui, les propriétaires se sont mis d’accord et un PAD a été mis à l’enquête. Il y a déjà eu un remaniement parcellaire entre les propriétaires. Chaque lot va effectuer un mandat d’étude parallèle (MEP) qui va permettre de définir chaque immeuble. Des bureaux d’architecture vont pouvoir postuler et un jury devra ensuite choisir parmi eux. La Ville de Bulle est propriétaire d’un terrain sur lequel une école sera construite. Dès que le PAD entrera en force, les différents MEP seront lancés. Un parc public de grande ampleur y sera aussi aménagé.

Une fusion à terme?

Reste la question de la mobilité. «Bulle part d’une situation de rattrapage, comme avec sa gare. Ce que l’on vient d’achever n’est en fait qu’une mise à niveau très attendue», insiste Louis Risse, à la tête du Groupe Grisoni (1300 employés). «Il faut désormais se projeter dans les 20 prochaines années, notamment en matière de mobilité. Il faut de l’ambition. Les communes doivent mettre la pression sur les Transports Publics Fribourgeois (TPF) et les CFF». Et ce dernier de plaider en faveur d’une commune unique pour toute la Gruyère au lieu des 25 actuelles. Le débat se poursuit.

  • BULLE: +67% D’HABITANTS EN VINGT ANS
    En 1983, le cumul des habitants de Bulle et de La Tour-de-Trême (la fusion a été effective dès le 1er janvier 2006) s’élevait à 10’286. En 2003, il était de 15’730 (+53%). Le chiffre se situe aujourd’hui au-delà de 26’247 (données à fin 2022), soit +67% sur les vingt dernières années. Et, aux vues des développements liés aux différents plans d’aménagement de détail (PAD) prévus, ce sont encore 10’000 résidents permanents supplémentaires qui devraient s’y installer d’ici 2038 (+38,5%). De quoi permettre au chef-lieu de la Gruyère de passer devant des agglomérations comme Montreux, Meyrin, voire Yverdon-les-Bains.