Rencontres La Foncière

Les nombreux défis du béton

Le secteur du bâtiment dégage plus d'un tiers des émissions carbone, dont 10% pour la construction. Pour faire face à la transition écologique, ce matériau roi doit modérer son empreinte. Mais on ne peut pas le remplacer aussi aisément.

Il est trop tôt pour imaginer la mort du béton
Il est trop tôt pour imaginer la mort du béton - Copyright (c) Freepik
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Sans le béton et son indispensable composant, le ciment, les Australiens n’auraient pas pu construire l’emblématique opéra de Sydney ou les Suisses et les Français les merveilles architecturales de Le Corbusier. Plus de 80% des constructions dans le monde sont réalisées en béton, a rappelé l’architecte parisienne et enseignante à l’EPFL, à Fribourg et à Paris, Alia Bengana lors d’un colloque organisé à Genève par une filiale du fonds immobilier La Foncière: «Ce matériau roi cumule malheureusement quatre problèmes, a-t-elle regretté: la production du CO2 lors de la fabrication du ciment, l’épuisement des ressources comme le sable, l’obsolescence qui exige un entretien régulier et la production de déchets lors de la démolition».

Les cimenteries chauffent les matières premières à 1450° durant 18 heures et le béton, constitué à 80% de sable, contribue fortement à l’érosion du lit des rivières. Mais ce même béton a connu un usage effréné durant tout le XXe siècle. Son utilisation a été multipliée par 40 depuis la dernière guerre mondiale. En revanche, il n’est pas éternel et nécessite des contrôles réguliers, comme l’a montré la catastrophe du pont Morandi à Gênes. Le cancer du béton est passé par là. «Certes, des entreprises comme le géant Holcim parlent aujourd’hui de béton bas carbone, assure la professeure, mais il ne s’agit que d’une diminution de 10% de CO2. On parle aussi de mieux doser le ciment dans la production du béton, de préfabriquer des planchers en béton évidés, bref de changer la composition du matériau roi. Parallèlement, Alia Bengana avoue un intérêt particulier pour la terre crue, le bois, la paille ou même la pierre. Elle estime que la Suisse devrait investir davantage dans ses forêts et contribuer à soutenir sa filière du bois.

Favoriser le réemploi

Autre participant au débat portant sur le thème un rien provocateur de «la fin du béton?», l’architecte urbaniste Raphaël Bach a créé une association à but non-lucratif, baptisée Matériuum. Il veut développer l’économie circulaire du bâtiment en développant le réemploi dans les mi- lieux de la construction en Suisse romande. Plutôt que de construire des parkings, les plus gros consommateurs de béton, il voudrait favoriser la réutilisation des matériaux jugés inutiles lors des démolitions. A Genève, une forte proportion des déblais finissent dans des carrières en France voisine, alors qu’on pourrait très bien réutiliser poutres, carrelages et fenêtres dans les constructions neuves: «Redonnons un usage à la matière, plaide-t-il face à un parterre de professionnels de l’immobilier plutôt sceptiques au départ. Malheureuse- ment si ce domaine est très développé en Afrique ou en Amérique du sud, la Suisse est le pire pays au monde pour le réemploi. En cause le coût élevé de la main d’œuvre. Le réemploi ne peut pas être plus cher que le neuf, sinon il n’en vaut pas la peine». Pour l’organisateur du débat et directeur d’Investissements Fonciers, le CEO Michael Loose, il est trop tôt pour imaginer la mort du béton, mais il est temps de projeter une utilisation plus intelligente et plus rationnelle de ce matériau sans lequel le milieu immobilier ne pourrait travailler: «Face à l’objectif Zéro carbone en 2050, il convient d’examiner là où l'on pourrait le remplacer facilement dans la mesure où le bâtiment génère un tiers des émissions de CO2. On pourrait recourir davantage au béton recyclé, à l’acier, au bois, au chanvre ou à l’argile. Penser à rénover davantage plutôt qu’à démolir, voire songer à minimiser la surface des fenêtres».