Banque Bonhôte & Cie

"Les plateaux de bureaux de 2000m2 et plus seront sûrement impactés par le Covid"

La banque Bonhôte & Cie annonçait peu avant Noël avoir décroché le label B Corp, une certification très exigeante dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale. A cette occasion, nous avons rencontré Jean-Paul Jeckelmann, directeur développement et immobilier au sein de la banque.

Le projet de Beauregard-Dessus, à Neuchâtel, qui comptera 180 logements, représente un investissement de 75 millions de francs
Le projet de Beauregard-Dessus, à Neuchâtel, qui comptera 180 logements, représente un investissement de 75 millions de francs - Copyright (c) LDD
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Ayant son siège à Neuchâtel depuis 1815 et des succursales à Bienne, Berne, Zurich, Soleure, Lausanne et Genève, la banque Bonhôte & Cie est active principalement dans la gestion de fortune. Forte d’une centaine de collaboratrices et collaborateurs, elle avait lancé en mai 2020 ce processus de certification, mené par une équipe de huit collaboratrices et collaborateurs. L’obtention de cette certification B Corp récompense la performance sociale et environnementale élevée de la banque. Notre interview avec le vice-président de Bonhôte-Immobilier SICAV, Jean-Paul Jeckelmann.

«Nous ne sommes pas des jusqu’au-boutistes du développement durable. Par exemple, lorsqu’un immeuble que notre fonds possède se situe en plein centre- ville, il ne sera pas possible d’utiliser la géothermie ou des pellets de bois pour le chauffer. En revanche, notre parc est désormais assez grand pour effectuer des ballons d’essais. Ainsi, nous venons d’acheter en octobre 2021 un groupe de petits immeubles à Bâle, construits en 2017 et qui avait 40% de vacants. En un mois et demi, nous sommes parvenus à diminuer de moitié ce taux, notamment en changeant de régie», relève le dirigeant.

Notre parc vaut environ 1,150 milliard de francs, avec un degré d'endettement d'environ 25%

Pourquoi avoir transformé votre fonds en SICAV?

Dans un fonds, le porteur de part n’a pas grand-chose à dire. Alors que dans une SICAV, il y a un droit de vote et on peut participer aux assemblées générales. La principale raison était donc liée à la gouvernance.

Vous indiquez dans votre documentation que vous investissez «dans la mesure du possible» dans des immeubles offrant des perspectives de rendement supérieures à la moyenne. Dites- nous en davantage?

Jean-Paul Jeckelmanndiaporama
Jean-Paul Jeckelmann

Notre SICAV investit dans des immeubles devant offrir des perspectives meilleures que la moyenne. Dans le marché immobilier actuel, il existe plusieurs stratégies: il y a celle qu’on appelle cash-flow qui consiste à maximiser les cash-flows au détriment de la pérennité, par exemple en économisant sur les frais d’entretien. En ce qui nous concerne, nous avons une approche que je qualifierai de patrimoniale: nous voulons favoriser une certaine qualité de construction, laquelle permettra de voir s’y succéder plusieurs générations. Nous disons «dans la mesure du possible», car nous ne pouvons pas toujours acquérir des immeubles qui respectent entièrement cette stratégie. Nous souhaitons aussi saisir des opportunités, comme avec les Innoparc. Il s’agit d’un ensemble de biens qui sont exploités en tant qu’hôtel d’entreprises. Nous avons régulièrement des start-up qui sortent du pôle innovation Microcity à Neuchâtel et qui y louent ensuite des surfaces. Pour que cela fonctionne, il faut connaître les besoins, les intervenants. A Neuchâtel, nous entretenons des contacts directs avec les responsables de la promotion économique. Nous avons acquis cette structure parce qu’elle se trouve dans un canton que nous connaissons bien. Nous ne le ferions pas à Genève, Lausanne ou Bâle. De plus, cette opération nous a permis de diversifier notre portefeuille alors que les prix dans l’immobilier résidentiel sont parfois trop élevés à notre avis, suite à la pandémie, dans certaines régions. Alors que nous n’avons pas constaté cette évolution pour les autres types de locaux.

A fin décembre 2021, quel était l’agio de votre SICAV? Sachant que l’agio, qui correspond à la différence entre le cours de Bourse et la valeur nette d’inventaire, reflète le degré de confiance des investisseurs.

Il s’élève à environ 35%. On parle beaucoup de ces agios mais ils ne sont pas forcément toujours comparables. Cela reflète aussi différentes stratégies de valorisation du parc. Nos experts sont plutôt prudents. Vous pouvez le constater par vous-même en observant l’évaluation conservatrice de notre parc.

Nous voulons favoriser une certaine qualité de construction, laquelle permettra de voir s'y succéder plusieurs générations

Votre fonds investit essentiellement dans des immeubles d’habitation répondants aux critères suivants: proche des rives d’un lac et de voies de communication (route, autoroute, train). Pour quelle raison?

La proximité d’un lac est généralement synonyme de qualité de vie. Il existe d’ailleurs une plus forte demande pour ce type de biens. Les objets vacants y sont plus rares. Quant aux voies de communication, cela paraît évident. Même si la gestion des parkings pose parfois quelques problèmes. A Lausanne, nos parkings sont de plus en plus utilisés par des pendulaires. Cela fait du sens dans ces villes où la desserte des transports publics est excellente.

Quelles sont vos ambitions en termes de nouvelles acquisitions? 100 millions de francs par année?

En 2020-2021, c’était un peu plus que d’habitude. Habituellement, nous étions aux alentours de 50 millions de francs d’acquisitions. Vu notre taille actuelle, ce sera plutôt 70 millions de francs. Cela s’explique par notre volonté de maintenir l’âge moyen de notre parc. Comme nous possédons une centaine d’immeubles, si nous n’investissions plus, le parc serait toujours plus vieillissant. Grâce à cette politique d’acquisition, nous avons pu maintenir l’âge moyen de notre parc au même niveau que quand nous avons démarré voici quinze ans.

La dernière augmentation de capital de Bonhôte-Immobilier SICAV réalisée en décembre 2020 vous a permis de lever plus de 78 millions et de boucler l’acquisition du parc Light Industrial d’Innoparc SA pour 54 millions. Quand prévoyez-vous votre prochaine levée de fonds?

Aucune n’est encore prévue. Nous n’en ferons une que si une importante opportunité se présentait. Aujourd’hui, notre parc vaut environ 1,150 milliard de francs, avec un degré d’endettement d’environ 25%. Or, nous pourrions être endettés à raison d’un tiers. Autrement dit, nous pouvons acquérir encore pour environ 100 millions de francs de biens immobiliers sans avoir besoin de capital. En plus, chaque année, nous payons un dividende mais nos actionnaires ont la possibilité de réinvestir leur dividende dans des actions. Cela représente chaque année, une injection de 20 millions de francs.

Dans votre dernier rapport annuel, vous écrivez que les immeubles résidentiels, les surfaces administratives et même commerciales ne seront que peu impactées par la pandémie actuelle. Votre avis n’a pas changé?

Des bâtiments achetés par le fonds Bonhôte-Immobilier SICAV, notamment à Neuchâteldiaporama
Des bâtiments achetés par le fonds Bonhôte-Immobilier SICAV, notamment à Neuchâtel

C’est une constatation. A l’exception de la restauration et de la vente au détail, les entreprises tournent. Nous n’avons pas eu de gros soucis. Mais, je reconnais qu’en ce qui concerne les grands plateaux de bureaux de 2000 m2, ceux- ci seront sûrement impactés car un tiers des collaborateurs favorisent désormais le télétravail. Pour ce qui est de la gestion de la pandémie, notre fonds avait décidé de prendre les devants en écrivant à ses locataires pour leur annoncer la suspension du paiement du loyer, le temps de voir comment la situation allait évoluer. Cela nous a permis d’éviter de devoir répondre plus tard à 300 courriers. A partir de là, nous avons géré en fonction de chaque situation.

Est-ce que votre initiative consistant à offrir un abonnement annuel à «Neuchâtelroule» a rencontré le succès espéré?

Non, et cela nous a surpris. Sur les 480 foyers neuchâtelois pouvant en profiter, seuls un peu moins de 10% ont été intéressés. Mais je rappelle que ce service ne propose pour l’instant que des vélos traditionnels en libre-service, pas des vélos électriques.

Quand peut-on espérer voir s’ouvrir le chantier du quartier d’habitation de Beauregard- Dessus à Neuchâtel, lequel représente globalement un investissement de l’ordre de 75 millions (avec le terrain) pour édifier environ 180 appartements? Et quels types de logements y sont prévus?

Nous attendons les autorisations de construire pour 2022. Le chantier devrait durer vingt-quatre mois. Comme le site est proche d’un home, nous avons prévu un certain nombre de petits appartements protégés. Nous réfléchis- sons aussi à y faire des appartements en colocation avec une grande pièce à vivre. Notre idée serait d’en prévoir deux assez grands. Et nous examinons aussi, avec notre architecte, la possibilité de concevoir des petits appartements qui peuvent s’agrandir. Il s’agit d’un concept d’appartements modulables, selon le moment de la journée, le bloc salon peut s’agrandir ou être diminué. En résumé, nous avons prévu une nomenclature très diversifiée, qui offrira un panel intéressant.

Toujours à Beauregard-Dessus, vous avez fait le choix d’y associer une association de quartier, pourquoi?

C’est exact. Très vite au démarrage du projet, nous avons contacté les voisins et les deux associations de quartier de Serrières pour les associer au processus. Nous avons tenu de nombreuses réunions avec eux et les avons toujours tenues informées des développements. Il faut savoir qu’à Serrières, il existe un projet qui n’avance pas depuis maintenant vingt-cinq ans. Les voisins de Beauregard-Dessus ont surtout été rassurés de savoir que nous avions prévu de créer un parc accessible au public.