Limiter la surélévation des bâtiments?
Lors de la Journée des villes suisses à Lausanne, des élus des communes et des spécialistes ont confronté leurs visions.

La Suisse est en passe d’atteindre le cap des 9 millions d’habitants. Mais où va-t-on loger tous ces nouveaux habitants? Depuis la révision de la LAT en 2014, c’est à l’intérieur des villes que se dirigent les efforts des bâtisseurs et des architectes. Le pouvoir d’attraction des communes urbaines est dû aux multiples possibilités de rencontres, à la diversité des offres commerciales, sociales et culturelles. C’est aussi la conséquence d’une planification urbaine et d’une politique du logement ciblées.
Lors de la Journée des villes suisses qui s’est tenue à Lausanne les 29 et 30 août dans le cadre de l’Assemblée générale de l’Union des villes suisses, le syndic de Lausanne Grégoire Junod a vanté l’écoquartier des Plaines-du-Loup en phase d’achèvement au nord de la ville olympique. Il le définit comme «un grand laboratoire de mutation urbaine», capable d’accueillir 8000 habitants sur 30 hectares, créant du même coup 3000 emplois, avec des parcs et des installations sportives.
L’attrait des gares
Dans d’autres métropoles, les recettes sont différentes. Ainsi à Zurich, on a opté pour la densification autour des gares, mais qui peut avoir des effets pervers: «Elle attire les hauts revenus et les jeunes plutôt que les familles et les classes moyennes», relève David Kaufmann, professeur-assistant en développement spatial et politique urbaine de l’ETH. Une autre solution intéressante est la surélévation des bâtiments. Elle présente l’avantage de ne pas déconstruire la structure, tout en améliorant le bilan énergétique avec une meilleure isolation. Pour Marie Glaser, cheffe de secteur à l’Office fédéral du logement à Berne, la densification ne peut se faire partout de la même manière, elle doit s’adapter aux lieux et obtenir l’aval de la population.
Avec le vieillissement de la population et l’augmentation du nombre de divorces, la demande en petits appartements est en hausse. C’est ainsi qu’à Dübendorf, tout un quartier s’est construit à l’emplacement de l’ancienne usine textile Zwicky sous forme de coopérative et de PPE, incluant des appartements pour personnes handicapées, des crèches, des magasins et un hôtel. A Lancy, sur un terrain appartenant autrefois aux CFF, le nouveau quartier de Pont-Rouge a permis de créer 640 logements pour 1800 habitants sur un terrain 5,5 ha, dont 80% de logements d’utilité publique.
Les revers de la densification
Basé à Zurich, Pensimo Management agit sur mandat de quatre caisses de pension. Avec 580 immeubles, il est l’un des plus gros investisseurs du secteur immobilier et a aussi concentré ses efforts autour des gares, notamment à Regensdorf, où il aura construit près de 700 appartements d’ici à 2030, explique le chef de projet Marc Derron.
Et le professeur de sociologie urbaine à l’EPFL Luca Pattaroni de conclure: «La surélévation présente le défaut d’attirer la spéculation. A Genève, le nombre des investisseurs privés est passé de 23’000 à plus de 33’000 en dix ans et le bilan genevois de la société de gestion d’actifs BlackRock est passé de 100 millions à 2 milliards entre 2010 et 2020.» Et d’ajouter: «Il est temps de réfléchir à des limites de densification.»