Logements: des solutions concrètes en montagne
Que l’on soit autochtone ou saisonnier, le marché résidentiel en stations valaisannes est plus à sec que jamais. Conscientes du problème, des communes ont trouvé quelques leviers d’action pour tenter de l’endiguer.

Besoin élémentaire de tout être humain, le logement vient à manquer en montagnes valaisannes. Une situation préoccupante qui touche majoritairement les communes fortement tournées vers le tourisme. Zermatt se retrouve donc actuellement avec un taux de logements vacants de 0,42% (sachant qu’il y a pénurie lorsque le taux, calculé sur une moyenne de trois ans, est inférieur à 1,5%). Nendaz affiche pour sa part un taux de 0,26%, Anniviers de 1,01% et Crans-Montana de 0,80%. Si à première vue, cette suroccupation semble profitable aux acteurs du tourisme local, ce n'est pas le cas dans les faits. Puisqu’en réalité, les employés saisonniers d’hôtels, de restaurants, de remontées mécaniques, voire de magasins de sport ne trouvent plus à se loger, aggravant au passage l’insuffisance de personnel qualifié. Mais, véritables denrées rares, les logements destinés à la location font surtout défaut aux autochtones de ces stations ou villages qui se voient contraints de descendre en plaine pour trouver un toit et des infrastructures cohérentes avec leurs besoins.
Des mesures à prendre rapidement

Et malgré une offre abondante en postes de travail, une vue spectaculaire et parfois un taux d’imposition modéré, rien n’y fait. L’exode des locaux, surtout des jeunes et des familles, se constate et s’accroît d’année en année en montagnes valaisannes. Souvent démunies face à ces départs hémorragiques, les communes ont pour mission à présent de trouver des solutions. Ceci afin de créer des logements adaptés aux personnes âgées (qui sont pour l’heure bloquées dans leurs maisons devenues trop grandes) afin qu’elles les libèrent pour des familles, mais aussi des habitations pour les jeunes qui quittent leur village ou la vallée pour trouver plus loin des appartements spacieux en location. Le tout à prix abordables... car la population locale n’a souvent plus les moyens de se loger en raison de la surchauffe du marché des résidences secondaires. Alors pour regagner en attractivité, les communes disposent d’un éventail de mesures:
— Le travail d’information et de sensibilisation
— L’aménagement du territoire
— La participation active au développement de projets immobiliers avec des investisseurs privés
— Le soutien auprès des acteurs du marché
— En favorisant les rénovations ou transformations
— En unissant leurs forces entre communes voisines pour mutualiser les efforts et les ressources
Quelques communes en avance

Certaines communes ont d’ailleurs déjà pris le taureau par les cornes. À l’instar d’Obergoms, qui a invité les acteurs concernés par le sujet autour d’une table afin qu’ils discutent dans le cadre d’ateliers. Zermatt, quant à elle, demande désormais aux établissements hôteliers de prouver, lors de la construction ou du remplacement d’un bâtiment, qu’il y a suffisamment de logements prévus pour les employés. Les entreprises touristiques sont d’ailleurs elles-mêmes instigatrices d’initiatives mais attendent le soutien des communes pour se multiplier.
Exemple à Grimentz, où les remontées mécaniques ont repris et rénové plusieurs appartements répartis dans le village pour les louer à leurs employés, ou l’hôtel Landhaus, à Münster, qui a racheté un ancien bâtiment et en a fait des appartements attrayants pour ses collaborateurs, tout en y installant un centre de fitness également à disposition des locaux.
Les jeunes s’en vont ailleurs
Autre cas de figure: celui du village d’Ernen (518 habitants en 2020). Une localité historique et pittoresque, juchée sur un haut plateau de la vallée de Conches et lauréate du Prix Wakker décerné par Patrimoine suisse. Un bijou architectural dont 80% des constructions sont des bâtisses historiques ne répondant plus aux exigences modernes en matière de confort et, notamment, à celles de la jeune génération qui ne souhaite plus rester sur place. Une enquête réalisée en 2010 sur les besoins de cette tranche de la population avait justement montré qu’ils préféraient vivre en appartement plutôt que dans des maisons.
Difficile d’agir pour la commune d’Ernen qui ne pouvait envisager la rénovation au coeur de ce village aux contraintes patrimoniales élevées et où les investisseurs potentiels étaient aux abonnés absents, faute de rendement suffisant. La Commune a néanmoins tenté quelque chose en 2020 en construisant deux bâtiments comprenant au total huit logements de 4,5 pièces, aujourd’hui tous loués. Une idée judicieuse, d’autant qu’avec le développement de la Lonza à Viège (facilement accessible depuis Ernen), le village a gagné en notoriété. Malheureusement, et malgré ses efforts, Ernen se heurte encore et toujours à de multiples freins qui empêchent son développement. Celui des propriétaires qui ne sont pas intéressés à vendre mais aussi le déclassement des hectares qui serait beaucoup trop important...
De l’habitat intergénérationnel

Dernier exemple de commune valaisanne qui a subi l’exode de sa population locale: Saint-Martin (842 habitants en 2020). Il faut dire que son école vétuste comme le manque de logements pour seniors et jeunes couples lui a valu une baisse drastique du nombre de ses résidents autrefois.
Un recul de l’ordre d’environ cinq habitants par an. Le conseil communal a alors eu l’idée de payer les primes d’assurance-maladie des enfants du village, de leur naissance jusqu’à leurs 18 ans. Le nombre d’habitants a commencé à se stabiliser mais l’école primaire ayant un grand besoin de travaux, il a donc été décidé de construire une maison intergénérationnelle qui abriterait, outre des logements pour les deux groupes cibles (seniors et familles), une crèche, l’école primaire et un centre de jour pour les écoliers.
Un lieu situé à une courte distance à pied des infrastructures existantes (le magasin, le salon de thé, etc.). La Commune a financé les coûts d’environ 8,5 millions de francs grâce à ses fonds propres et à des prêts. La Suva a offert les meilleures conditions et le reste est venu de la Banque Raiffeisen ainsi que de la Banque cantonale du Valais. Pour les locaux scolaires, le Canton a participé à hauteur de 632’000 francs et le Parrainage suisse pour communes de montagne a fourni une contribution à fonds perdu de 400’000 francs.
Si bien que, cinq ans après l’inauguration datant de 2017, huit logements du bâtiment Minergie-Plus étaient occupés par de jeunes familles et des personnes âgées, notamment des veuves. Les jeunes sont restés au village au lieu de partir à Sion et depuis la construction de cette maison intergénérationnelle, le nombre d’habitants à Saint-Martin est reparti à la hausse d’une dizaine de personnes par an. Tout est bien qui finit bien.
Les régions de montagne en Suisse
En 2019, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié une nouvelle définition des régions de montagne. Selon cette adaptation, tous les hectares au-dessus de 800 mètres d’altitude sont considérés comme faisant partie des régions de montagne. Un périmètre qui couvre donc une superficie totale de plus de 28’000 km2 (environ deux tiers du territoire national suisse). Plus de deux millions de personnes vivent dans cet espace, ce qui correspond à environ un quart de la population résidente permanente. Près de 22% des personnes actives sont employées dans les régions de montagnes. Enfin, sur les 2145 communes que comptait la Suisse en 2022, 788 se trouvaient en montagne.