Dossier spécial - Energie

Main d'œuvre: le solaire sous haute tension

Mature, le marché du photovoltaïque croule sous la demande. Stockage, matériaux et étendue préoccupent malgré tout la branche, bien que le manque de spécialistes reste le principal frein au développement.

Le CFC d’installateur solaire débutera en août 2024.
Le CFC d’installateur solaire débutera en août 2024. - Copyright (c) Swissolar
diaporama

L’électricité est une ressource que l’on pensait inépuisable… mais le risque de pénurie qui a plané au-dessus de nos têtes l’hiver dernier a su nous ramener les pieds sur terre. Si bien que produire de l’énergie renouvelable et locale est devenu une priorité. Que ce soit sous forme de panneaux, de tuiles ou d’ardoises, le solaire s’est alors imposé comme LA solution miracle qui réunit tout le monde, les politiques de gauche comme de droite. Cette harmonie se ressent d’ailleurs sur le marché, avec une puissance de nouvelles installations ayant gonflé de 58% par rapport à 2021. Une croissance de la demande fulgurante qui va dans le sens des objectifs 2050 (30 TWh de l’électricité issue du photovoltaïque) et de 2035, tout aussi stricts, avec une multiplication par sept de la production attendue au cours des douze prochaines années.

Des obstacles qui se cumulent

Le problème de cette ambition, c’est qu’il faudrait arriver d’ici là à dépasser quelques freins faisant barrage sur la voie de l’expansion solaire. A commencer par le souci du stockage de l’électricité. Ceci afin de compenser l’absence de production nocturne. «Pour le moment, Swissolar ne recommande pas les batteries individuelles qui ne font de sens ni économiquement, ni écologiquement», souligne Yannick Sauter, coordinateur romand de l’Association suisse des professionnels de l’énergie solaire (Swissolar). Même si en 2022, environ une installation photovoltaïque sur trois a été combinée avec une batterie de stockage dans les maisons individuelles, ce déploiement s’avèrerait environnementalement contradictoire selon la faîtière qui place plutôt ses espoirs dans des batteries centralisées de quartier, en cours de développement.

Autres accrocs dans l’essor du solaire: l’approvisionnement en matériaux et le déficit de surfaces. Tandis que le goulot d’étranglement causé par la pandémie semble s’être partiellement résorbé, les surfaces disponibles pour la pose d’installations photovoltaïques sont également sur la bonne voie et se multiplient. En plus des traditionnels bâtiments, des routes, des lacs et des champs agricoles, la toute première piste cyclable solaire de Suisse a été inaugurée en septembre dernier à Satigny (GE).

L'évolution de la puissance photovoltaïque.diaporama
L'évolution de la puissance photovoltaïque.

Quid de la réalité du terrain?

Reste que l’obstacle le plus contraignant n’est autre que le manque de main d’œuvre. En effet, Swissolar estime à 12’000 l’effectif actuel dans le secteur solaire suisse. Pourtant, il s’agirait de former mille professionnels supplémentaires par an pour espérer atteindre les objectifs fixés par la Confédération. Puisque côté formation, l’offre se montrait limitée jusqu’alors. «La plupart des employés du solaire apprennent sur le terrain, en reconversion et via des journées de formations continues. Autrement, il existe un Brevet fédéral de chef de projet solaire, plus poussé mais, au final, il manque plus de bras que de têtes sur les chantiers», commente Yannick Sauter.

C’est pourquoi Swissolar vient tout juste de concevoir le graal: un CFC d’installateur solaire. Inscrit dans la lignée des métiers de l’enveloppe d’un édifice, cet apprentissage sera prodigué notamment à l’institut formateur Polybat, aux Paccots (FR), offrant un tronc commun d’enseignement pour les étancheurs, les couvreurs, les façadiers, les échafaudeurs, les storistes et désormais, les solaristes. Une première année de cours où l’on apprend à travailler en hauteur, la sécurité sur un chantier, la planification de travaux, etc.

La suite permet de se spécialiser. Et ce, en fonction des trois étapes d’une installation solaire, comme le décrit Yannick Sauter: «pour monter un module photovoltaïque, l’amener et le visser sur un toit, il n’y a aucune exigence légale. Tout un chacun peut le faire et deux ans de notre formation (AFP) peuvent valider les acquis. En revanche, la deuxième étape consiste à brancher les câbles et les raccorder à l’onduleur (qui va transformer le courant en électricité).Pour cela, la personne doit détenir l’article 14 de l’OIBT (Ordonnance d’installation à basse tension) qu’elle peut obtenir grâce à notre CFC de trois ans. Enfin, l’ultime phase est effectuée cette fois-ci par un électricien qui se chargera de raccorder l’onduleur au réseau et au compteur électrique.»

Un besoin «vite répondu»

De cette façon, le CFC espère ainsi former 200 apprentis par an dès la rentrée 2024 mais la demande des entreprises se fait d’ores et déjà ressentir. «Nous n’avons pas lancé ce CFC par hasard, la branche a besoin que l’on prépare la relève. On nous pressait pour commencer plus tôt mais nous avons tout de même battu des records en créant une formation pour un nouveau métier en seulement un an et demi», soutient le coordinateur romand de Swissolar. Un lancement dont se réjouit Pascal Affolter, directeur associé de Solstis, pionnier du solaire en Suisse romande: «lorsque nous avons fondé notre entreprise en 1996, installer des panneaux relevait de la science-fiction. Aujourd’hui, Solstis c’est une centaine d’employés répartis sur trois sites (Lausanne, Genève et La Chaux-de-Fonds). La plupart se sont instruits en pratiquant sur le tas mais il est temps d’offrir aux jeunes une formation digne de ce nom pour qu’ils soient les précurseurs de demain.»

Pour ces futurs apprentis, l’intérêt se constatera (ou non) lors des inscriptions. «Une chose est sûre, ils auront l’embarras du choix. C’est un véritable métier d’avenir avec des débouchés et une montée en hiérarchie possible grâce au Brevet fédéral», précise Yannick Sauter. Seuls «prérequis» avant de s’embarquer dans l’aventure: aimer être en extérieur, être pourvu d’un esprit d’équipe et, bien entendu, ne pas avoir le vertige...

DES TECHNOLOGIES EN RENFORT
Face aux défis de la profession, les innovations technologiques seront des alliées de taille à l’avenir. A l’image du chargement bidirectionnel qui devrait régler les questions de stockage. Ce concept de recharge électrique intelligente utilise les batteries de véhicules électriques pour alimenter en énergie les bâtiments. Méconnu car onéreux (13’000 CHF la borne de recharge), ce système est déjà proposé par la société bâloise Sun2wheel qui s’adresse pour l’instant principalement aux entreprises mais pourrait alimenter à terme nos foyers.

Le label des «Pros du solaire».diaporama
Le label des «Pros du solaire».

LE LABEL DES "PROS DU SOLAIRE"
Au vu du boom que la branche du solaire a connu ces dernières années, plusieurs entreprises novices ont flairé le bon filon et se sont engouffrées dans la brèche. Parfois, sans réelles aptitudes dans le domaine. Afin de se prémunir d’une installation de mauvaise qualité, le label «Les Pros du Solaire», donne un premier indicateur et certifie les sociétés sérieuses. A ce jour, 644 entreprises/succursales en Suisse sont labellisées.