Vieille ville de Fribourg

Par amour des beaux livres

L'antiquaire Ben Harteveld tient depuis presque cinquante ans un commerce de livres rares et une enseigne d’ouvrages de seconde main en vieille ville de Fribourg.

Ben Harteveld dans son magasin de la rue des Alpes à Fribourg
Ben Harteveld dans son magasin de la rue des Alpes à Fribourg - Copyright (c) Erik Freudenreich
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Beret vissé sur la tête et longue barbe blanche, Ben Harteveld accueille chaleureusement dans son enseigne dédiée aux ouvrages rares, connue des collectionneurs loin à la ronde. Les livres, voilà une passion qui unit le commerçant à Fribourg depuis longtemps. Ce Néerlandais d’origine a en effet découvert la ville en 1968 à l’occasion d’un stage effectué au sein de l’Office du livre de Fribourg (OLF), un des principaux distributeurs helvétiques.

Stocks des bocanteurs

Le libraire de formation part ensuite pour un voyage au long cours en Asie, avant de travailler à Amsterdam comme représentant pour différents éditeurs. De retour en Suisse en 1975, il trouve alors invraisemblable qu’il n’existe pas de bouquinerie dans une cité universitaire comme Fribourg. «Je me suis lancé en commençant par faire le tour des brocanteurs fribourgeois pour racheter leurs stocks, qu’ils étaient tout heureux de me vendre à bas prix.» Son activité prend forme au sein d’une petite échoppe de la basse-ville, où il se crée une clientèle parmi la jeunesse estudiantine du quartier pendant la semaine, et sur les brocantes les weekends.

Triage au long cours

Les quatre étages de l’étroite bâtisse accueillent d’innombrables rayonnages et vitrines vintagediaporama
Les quatre étages de l’étroite bâtisse accueillent d’innombrables rayonnages et vitrines vintage

Dans les années 1990, il déménage à la rue des Alpes, l’emplacement actuel de Harteveld Rare Books. «Au Moyen- Age, on trouvait ici une passerelle pour passer d’une rue à l’autre. Le lieu a ensuite été couvert au cours du XIXe siècle pour servir d’écuries à l’évêché, situé juste derrière, avant d’être occupé par une quincaillerie pendant plus d’un siècle.» Aujourd’hui, les quatre étages de l’étroite bâtisse accueillent d’innombrables rayonnages et vitrines vintage. L’endroit sert tant à l’administration de l’entreprise qu’à l’accueil des clients, sur rendez-vous. C’est à la même période que Ben Harteveld rachète une ancienne scierie «grande comme un terrain de football» près de Payerne. La bâtisse est ensuite entièrement réaménagée par ses soins, dotée d’installations propices à la conservation des livres de petit ou grand format. C’est là qu’il range et classe un stock composé aujourd’hui de plus de 250’000 livres. «Il me reste 120’000 exemplaires à intégrer à ma base de données numérique.»

Pour ce collectionneur dans l’âme, le triage constitue une part importante de son activité. Pour ce faire, il peut notamment compter sur l’aide de son fils, Killian, l’un de ses quatre enfants, qui a achevé une double formation de naturopathe et de libraire et travaille à 50% pour l’enseigne. «Il a le goût pour la beauté des livres anciens et le flair pour identifier les pièces intéressantes lorsque l’on se rend chez des gens qui souhaitent se séparer d’une bibliothèque.»

Après avoir identifié les pièces rares qui rejoindront ses étalages, Ben Harteveld s’astreint à rédiger une fiche détaillée pour chacune d’entre elles. «C’est un travail immense, pour lequel je peux heureusement me baser sur une vaste bibliographie. Feuilleter les ouvrages pour vérifier qu’il ne manque pas de pages, dénicher les références appropriées avant de rédiger des notices plaisantes à lire reste cependant un de mes plus grands plaisirs. Bien sûr, le revers de la médaille c’est qu’il faut parfois trier plusieurs cartons qui ne valent rien avant de dénicher la perle rare.»

Susciter l’appétit des collectionneurs

Ben Harteveld veut «mettre les livres anciens à la portée de tout le monde»diaporama
Ben Harteveld veut «mettre les livres anciens à la portée de tout le monde»

Son autre péché mignon, c’est la réalisation de catalogues présentant ses dernières trouvailles. Ils sont publiés plusieurs fois par année et répertorient des pièces rares valant plusieurs milliers de francs ou des livres de seconde main. L’antiquaire en est aujourd’hui à sa 271e édition, composée de plus de 160 pages richement illustrées. Voyages en Suisse, alpinisme, horlogerie, design ou affiches anciennes, différents thèmes sont traités à chaque édition. Le jour de notre rencontre, la discussion s’interrompt d’ailleurs le temps d’un appel d’un client pour confirmer son achat d’un «Panorama de la ville de Thoune et ses environs», une illustration grand format, datant des années 1820.

Malgré la concurrence d’Internet, Ben Harteveld peut compter sur une clientèle fidèle, qui apprécie sa capacité à dénicher la pièce rare qui manque à leur collection et pour laquelle ils sont parfois prêts à dépenser sans compter. «Pour composer mes catalogues, je présente toujours une douzaine d’ouvrages de première qualité pour susciter l’appétit, mais le reste de la sélection est composée d’ouvrages plus accessibles, proposés dès 30 francs. Mon idée du métier n’est pas d’être un marchand de produits de luxe, je veux mettre les livres anciens à la portée de tout le monde.»

Des livres à tout petit prix, c’est le concept de l’annexe du magasin, située de l’autre côté de la rue. Dans ce local en sous-sol, ouvert du mercredi au samedi, on trouve des milliers de romans, de bandes-dessinées ou de livres d’art, et parfois même quelques ouvrages rares qui n’ont pas trouvé preneur parmi les collectionneurs.