Paul Muller, l'hôtelier aux multiples casquettes
Directeur général depuis plus de vingt ans du groupe Manotel qui détient six hôtels à Genève, Paul Muller exploite, par ailleurs, l’hôtel Les Armures dans la Vieille-Ville. A 67 ans, celui qui est également président de la Cave de Genève ne compte pas lever le pied.

Paul Muller est l’un de ces personnages publics qui font partie du paysage économique genevois. Ce diplômé de l’Ecole hôtelière de Lausanne dirige le groupe Manotel depuis 2001, détenu par Omar Danial à travers sa société Final Capital. Depuis son arrivée à la tête du groupe, Paul Muller a repositionné les six hôtels en menant des travaux de plus de 100 millions de francs avec à la clé des résultats qui ont triplé. Outre sa fonction d’hôtelier, Paul Muller est également connu pour ses talents de négociateur. Il a ainsi pris des fonctions au sein de Genève Tourisme, de Geneva Palexpo, de la Société des hôteliers de Genève (SHG) ou encore de la Cave de Genève qu’il préside depuis 2019. Fin septembre 2021, Paul Muller quittait la SHG qu’il a présidée de 2005 à 2011. L’actuel président, Gilles Rangon, n’a pas tari d’éloges sur son confrère lors de son dé- part du comité de la SHG en septembre 2021. Il rappelle que Paul Muller a sauvé in extremis Telecom 2009, organisé la gratuité des TPG pour les visiteurs, ainsi que la réforme et la mise en œuvre de Genève Tourisme & Congrès. Il s’est aussi engagé au sein du conseil de Fondation de Palexpo dans lequel il représenta le secteur hôtelier et contribuera à son dynamisme. Gilles Rangon rappelle également son combat politique pour main- tenir les Fêtes de Genève en place.

Père de trois enfants, Paul Muller est également un grand sportif – il pratique l’escrime – tout en restant un épicurien et un grand gastronome. Il a notamment un grand amour de la vigne, ce qui l’a poussé à accepter la présidence de la Cave de Genève qui produit un tiers du vin genevois. Il revient pour «Tout l’immobilier» sur ses quarante ans de carrière dans l’hôtellerie.
Quel est votre souvenir le plus marquant de ces vingt dernières années en tant que directeur du groupe Manotel?
En 2006, nous avons organisé une soirée à la suite d’importants travaux à l’hôtel Royal. Devant 1000 invités, le propriétaire du groupe, Omar Danial, a annoncé qu’il me nommait président de la société de gestion. Je n’étais évidemment pas au courant. J’ai ainsi été directeur et président de 2006 à 2016.
Et le moment le plus difficile de votre carrière?
C’est clairement la pandémie. Le 16 mars 2020, tous les restaurants de Suisse ont dû fermer. Nous avons, dès lors, décidé de fermer pendant plusieurs mois nos six hôtels et avons dû gérer près de 300 employés désœuvrés. Nos deux hôtels Auteuil et Jade sont même restés portes closes jusqu’au mois de septembre 2021. Heureusement, nous avons réussi à ne pas licencier. Nous n’avons simplement pas remplacé un certain nombre de départs. Nous sommes ainsi passés de 300 à 230 employés.
Quel est le bilan de 2021?
Les six premiers mois ont été catastrophiques. L’été et l’automne ont été acceptables. Puis les quarantaines sont revenues, mettant à genoux le secteur. Nos chiffres ne sont pas bons sans compter que nous avons été condamnés à baisser nos prix en raison de la mauvaise conjoncture. Genève n’est malheureusement pas une destination touristique de prédilection. La ville ne possède pas d’icône mis à part le Jet d’eau. L’offre muséale est trop limitée. Le refus d’agrandir le Musée d’art et d’histoire comme celui de la Cité de la Musique sont extrêmement préjudiciables.
Quel est le plus grand écueil pour un hôtelier à Genève?
La sécurité reste problématique. Il y a aussi une culture calviniste qui ne fera jamais de Genève une ville festive comme peut l’être Barcelone. Genève devrait pouvoir capitaliser sur la culture, et donc s’ouvrir à des projets ambitieux.
Racontez-nous comment vous avez repris l’Hôtel et le restaurant Les Armures
Les propriétaires sont des amis de longue date. Ils voulaient remettre l’exploitation du restaurant et de l’hôtel. Il s’agissait d’une opportunité unique à saisir pour mon associé Marc-Antoine Nissile comme pour moi-même à titre personnel.
J'essaie de mettre une âme dans mes hôtels
Qu’est ce qui fait un bon hôtelier?
Il n’y a pas un seul profil et il y a aussi des tendances. Il y a vingt ans, dans l’hôtellerie de luxe, il y avait des personnalités à la tête de palaces qui étaient intouchables. Ils étaient les hôtes de personnalités politiques, économiques et culturelles venant du monde entier. Les groupes privilégient aujourd’hui des managers orientés finance.

Comment faites-vous la différence avec vos hôtels?
J’essaye d’y mettre une âme.
Quelles étaient les belles années de l’hôtellerie à Genève?
Entre 2005 et 2016 environ.
Y a-t-il une clientèle plus sympathique que d’autre dans l’hôtellerie?
Non. Je dirai simplement que 95% de la clientèle est très gentille et reconnaissante. Les clients peu respectueux sont très minoritaires.
Que retenez-vous de votre carrière de quarante ans dans l’hôtellerie?
Il s’agit d’une vie professionnelle comblée par des expériences riches et variées, des rencontres exceptionnelles et des moments inoubliables sans jamais de routine. Je vous donnerai comme exemple le privilège que j’ai eu d’accueillir au Bahamas la réunion de 45 chefs d’Etat du Commonwealth parmi lesquels Margaret Thatcher. Les conditions sécuritaires étaient très importantes avec des attentes extrêmement élevées.
Genève devrait pouvoir capitaliser sur la culture, et donc s'ouvrir à des projets ambitieux
Un regret dans votre carrière?
Je ne l’ai pas encore terminée. Je pourrai donc répondre à cette question dans quelques années.
Le secret d’un bon manager?
Il faut de la passion. C’est ce que j’ai notamment pour mon métier et pour la Cave de Genève que je préside.
Comment voyez-vous l’avenir de l’hôtellerie?
Les attentes ont augmenté. Il faut toujours être dans la tendance en proposant de nombreuses expériences comme nous le faisons avec l’hôtel N’vY par exemple.
Vous aurez 68 ans en août, la retraite, vous n’y pensez toujours pas?
Non, car j’ai toujours de nombreux projets. C’est comme cela que j’ai repris en mai 2019 la présidence de la Cave de Genève.