Pour un extérieur tendance
Dossier réalisé par Julie Müller et Pierre-André Rion.
La pandémie ayant dopé la demande de conception de jardins et de piscines individuels, zoom sur les solutions, matériaux et design qui se démarquent cette année.
Côté jardin
1. Le naturel revient au galop
Durant ces deux ans de Covid, la population aura redécouvert les espaces extérieurs et s’est notamment intéressée à son propre jardin. «Véritable accélérateur de prise de conscience, le besoin de nature s’est fait alors ressentir et la demande s’est dirigée vers des plantes indigènes ou des aménagements qui favorisent davantage le biotope», décrit l’architecte paysagiste vaudois, Stéphane Krebs. Désormais, place aux bâches pour talus biodégradables et autres nouveautés comme l’indique Maxime Damon, expert du marché lémanique depuis seize ans: «Au lieu du traditionnel système de goutte à goutte, les clients s’essayent à l’arrosage par Oyas, des pots en terre cuite que l’on enterre afin d’irriguer avec parcimonie ses plantes.» Indéniablement plus écoresponsables, les propriétaires de jardin tendent aujourd’hui soit vers une gestion de leur aménagement extérieur plus verte, avec par exemple le procédé en vogue de récupération d’eau de toiture pour arroser ses parcelles, soit dans le choix de ses matériaux.
2. Des matériaux dans l’ère du temps
Dans le choix des matériaux, une tendance émerge pour favoriser le local, à l’image de notre alimentation. «Au vu de la demande croissante et des problèmes d’approvisionnement en matières premières, nous avons accentué notre volonté de travailler avec des fournisseurs locaux», en témoigne l’architecte-paysagiste de chez Evertis, Marc Bourguet. Aussi, certains types de matériaux se démarquent plus que d’autres, tels que l’acier Corten, appelé acier patinable, qui possède une apparence d’acier rouillé mais qui résiste à toutes les conditions atmosphériques et donc se veut durable par sa longévité. «Nous l’utilisons de plus en plus car il s’adapte tant à un jardin jouxtant une maison moderne qu’une vieille bâtisse», précise le spécialiste de Damon Paysage. Mais le produit qui a fait une entrée fulgurante sur le marché dernièrement est le terreau biologique pour potager à base de brûlis, développé par Krebs Paysagistes. Inspiré du savoir-faire ancestral des Indiens de la forêt amazonienne, la technique vise à faire brûler le bois mais à arrêter sa calcination avant qu’elle ne soit totale afin que cela rende le sol extrêmement riche naturellement. «J’ai recréé une recette similaire, dans le respect des proportions du nombre d’or, pour obtenir ce substrat aux ingrédients totalement biologiques et aux propriétés de croissance stupéfiantes pour les végétaux. Cela rencontre un grand succès», confirme Stéphane Krebs.
3. Le potager sous toutes ses formes
La période post-pandémie aura également marqué le retour des potagers dans les jardins. Alors qu’avant celui-ci ne représentait qu’une infime partie des demandes, «à présent nous avons une réalisation sur deux avec zone potagère», observe Krebs Paysagistes, actif sur le terrain depuis quatre générations. Néanmoins, il ne s’agit pas là de potagers de grandes surfaces, la demande se tourne plutôt vers des aménagements divers mais simplifiés avec un niveau de terre surélevé, notamment sous la forme de table potagère (80 cm), pour être accessible à tout un chacun.
4. Le carrelage céramique inonde le marché
Jusque-là souvent délaissée, la terrasse est devenue depuis deux ans une pièce à part entière dans un bien immobilier. Si bien, que les propriétaires ont massivement investi pour rendre cet élément extérieur praticable et accueillant. «Détrônant les traditionnelles dalles en béton ou en pierre naturelle, le carrelage céramique est depuis quelque temps très apprécié pour les terrasses. Et ce, principalement pour son large choix de coloris, de nuances et sa facilité d’entretien», souligne le fribourgeois Marc Bourguet de chez Evertis. Ce dernier émet toutefois une réserve concernant ce matériau importé majoritairement d’Italie qu’il voit inonder le marché et qui, à l’avenir, risque de rendre toute extension de terrasse complexe, notamment pour retrouver la référence couleur d’un produit en particulier.
5. Un jardin mais sans entretien
Dernière tendance grandissante qui figure en toile de fond depuis plusieurs années: la facilité d’entretien de son jardin. Tous les paysagistes interrogés sont unanimes sur la demande qui est de plus en plus fréquente pour des aménagements qui ne nécessitent que très peu d’intervention. «Il n’y a qu’à voir le gazon anglais, très soigné, qui ne plaît plus désormais. Il y a un retour en force des fleurs sauvages au milieu du gazon, d’une réduction des produits phytosanitaires etc», confirme Stéphane Krebs. Une mode qui s’inscrit justement dans un comportement plus écoresponsable qui émerge lui aussi.
Côté piscine
1. Une qualité de l’eau écolo
Dans la continuité du mouvement écoresponsable que l’on observe pour les jardins, les piscines aussi virent au vert. Afin de limiter voire cesser l’utilisation de produits chimiques, les entreprises proposent aujourd’hui une désinfection de l’eau sans chlore, par lampe UV, injection d’eau oxygénée ou encore par filtration comme chez Piscines Concept Services, spécialisée dans le haut de gamme depuis quinze ans. «La qualité de l’eau est optimisée sans apport de chimie, c’est écologique, dans l’ère du temps et cela provient d’un fournisseur Suisse allemand, pas de l’étranger», relève son directeur, David Arienti.
2. Des revêtements revenus à la mode
Outre l’évolution plus durable, la tendance vintage touche également les revêtements des bassins. «Ce qui pouvait être kitsch à l’époque, ne l’est plus aujourd’hui comme, par exemple, le PVC armé ou l’inox qui lui était autrefois réservé au domaine médical pour ses aspects hygiéniques, sa solidité ou encore son étanchéité, et qui est très demandé par les privés maintenant», confirme le responsable de Piscines Concept Services. Tout comme la mosaïque, qui a refait surface et est très demandée selon le fondateur de Piscines Bertrand: «Perçue comme démodée pendant longtemps, on en refait beaucoup car nous avons tout un panel de couleurs à présent, comme l’anthracite qui donne un aspect moderne à une piscine.» A son tour, le responsable commercial de PoolArt Dream, Marco Nadalin voit les coques en polyester faire fureur: «Flexible, facile à réaliser et avec une meilleure durée de vie, cette gamme de revêtement séduit car on peut jouer sur les formes, les dimensions et c’est surtout adaptable sur le long terme.» En effet, contrairement aux constructions en béton, intégrer des éléments telles que des buses de massage au fur et à mesure des années y est plus pratique.
3. S’offrir un coin de bien-être
Après une longue période où se rendre à la mer, au lac ou dans des spas a été particulièrement compliqué, beaucoup de propriétaires se sont décidés à créer leur propre espace de bien-être, chez eux. Le fondateur de Piscines Bertrand, spécialiste depuis trente ans des bassins a vu l’explosion de cette tendance: «Dans le temps, tout le monde voulait son échelle pour rentrer dans l’eau, ensuite il y a eu les escaliers et maintenant tout le monde veut sa place assise immergée. Un siège, une banquette ou autre afin de lire un livre, boire un verre etc.» Plus qu’un simple lieu de détente où il fait bon de nager, la piscine se transforme donc peu à peu en lieu de vie, à part de la maison.
4. La technologie s’invite au bassin
Nouvelle contrainte du marché immobilier, le manque de surface a déjà provoqué ses effets sur la demande de piscines. Désormais, les bassins sont plus petits mais mieux équipés en termes de technologies. «Les piscines sont effectivement plus petites mais on y met les moyens, avec des produits nobles et des équipements comme le fond mobile par exemple qui se lève jusqu’à fermeture complète et donne l’illusion d’un sol lisse pour gagner en zone d’exploitation extérieure», illustre David Arienti de Piscines Concept Services. Même écho du côté des couvertures de piscines qui permettent de nos jours (en hors-sol) de garder la chaleur et de profiter de son bassin sur une plus longue période de l’année tout en étant esthétiques. «Toutes les technologies qui arrivent sur le marché et permettent de piloter son éclairage, son enrouleur automatique ou même de réguler le PH et le chlore de son eau depuis son smartphone sont très recherchées. La piscine devient intelligente, connectée et plus efficiente énergétiquement», ajoute Marco Nadalin de chez PoolArt Dream.
5. Sortir du lot avec du sable
Finalement, être tendance c’est aussi se démarquer de ce qui se fait partout ailleurs. Les piscines imitation plage, en bassin à base de sable en sont la preuve. «Peu répandu, ce modèle n’est pas évident à mettre en place, la météo doit être favorable, et puis il nécessite de la surface mais il a à contrario un fort potentiel de croissance», note Bruno Freitas, paysagiste lausannois. Plus rapide à installer qu’une piscine en béton, le bassin à sable est plus osé et est la garantie d’un effet tranché chez tous ses visiteurs.
Côté mobilier
Les senteurs de jardin, c’est aussi la remontée de nos souvenirs d’enfance, la magie des repas au soleil pris dehors, alors que les parents sont détendus et que les enfants peuvent enfin rire et jouer dans l’herbe. Pendant le confinement, nous avons été nombreux à nous ressourcer en redécouvrant les plaisirs des bains de forêt (shinrin-yoku) si chers aux Japonais. Certains ont même osé embrasser des arbres… Nous avons éprouvé le besoin de nous reconnecter à la nature.
Et voici que surgissent soudain des visages sans masques. Avec l’assouplissement des mesures anti-Covid, les gestes (prudents) de retrouvailles remplacent les gestes barrière. « C’est tout un symbole: quand nos tables en céramique Gloster, nos chaises Dedon et le parasol suisse par excellence, le parasol Glatz, suscitent l’engouement de nos clients, tout heureux de nous rencontrer comme auparavant, c’est pour nous un plaisir palpable », se réjouit Christophe Frison-Roche, directeur d’Eugène Baud SA à Thônex.
Et Gilbert Henchoz, directeur du bureau Green Art et ses showrooms à Vésenaz, de renchérir. « Pour la première fois, nos clients voient l’avenir avec optimisme. Cela se traduit par un afflux de visiteurs. Ils sont fascinés, par exemple, par le mobilier de jardin contemporain Paola Lenti, inspiré par l’environnement naturel de la province lombarde de la Brianza, l'un des plus célèbres districts italiens spécialisés dans l'industrie du meuble ». « On dirait que nos clients renaissent : ils redeviennent créatifs. Ils adorent voir leurs projets de jardin prendre forme sous leurs yeux. Et nous avons autant de plaisir qu’eux à les dessiner selon leurs désirs ».