Pourquoi Jérôme Félicité reprend la direction d'Edifea
A la suite de problèmes de gouvernance, Jérôme Félicité a repris la direction ad intérim de l'entreprise générale. L'heure est désormais au changement de discours, de management et, surtout, de méthodes. Notre interview exclusive.

Pourquoi avez-vous repris la direction générale d’Edifea? Que s’est-il passé?
Cela correspond à une volonté des actionnaires de redonner une impulsion nouvelle à Edifea, fondée il y plus de onze ans comme alternative aux grands groupes. Une entreprise générale proche de ses clients, de ses partenaires dans une relation de confiance et de respect. L’ancienne direction s’était, selon nous, trop éloignée de cet ADN et la gouvernance ne correspondait plus à nos attentes. Il nous est alors apparu essentiel de réorienter le cap.
Pour permettre au navire de mieux voguer à nouveau?
Nous l’espérons, d’autant que j’ai la chance de m’appuyer sur un équipage de qualité, habitué à naviguer par tous les temps. Nous avons désormais un conseil de direction qui compte dix personnes et qui représente tous les secteurs de l’entreprise générale: économie de la construction, risk management, ressources humaines, affaires juridiques, marketing et opérationnel. Tout le monde travaille ensemble.
Nous devons choisir des entreprises locales qui remplissent leurs obligations car c'est un gage de qualité
Pourquoi ne pas avoir engagé de nouveau directeur plutôt que de devoir assumer cette fonction?
Les actionnaires ont décidé que j’étais, pour l’heure, l’homme de la situation. De plus, je peux m’appuyer sur des personnes clés. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de reprendre aujourd’hui la direction en plus de la présidence du conseil d’administration. Nous souhaitons renforcer les synergies avec le reste du groupe, en lançant une centrale d’achat qui sera opérationnelle dès le mois de décembre. Nous souhaitons aussi passer une certification ISO et ajouter plusieurs pôles de contrôle. Autant d’éléments qui manquaient à une entreprise de notre taille. Nous ne voulons pas ajouter une couche de management supplémentaire. Les actionnaires doivent conserver une certaine latitude pour pouvoir mettre en œuvre leur vision.
Et quelle est leur vision?
Un repositionnement de l’entreprise sur ses valeurs cardinales qui sont la transparence, l’efficacité, l’agilité et la performance. Avec ce changement de direction et la relation de confiance que nous réinstaurons, nous avons retrouvé des maîtres d’ouvrage et des fournisseurs. Nous sommes aussi adjudicataires de grands chantiers, un pôle qui se porte très bien chez Edifea. Les entreprises que nous avons rencontrées sont ravies du changement. Nous recherchons la qualité, pas le volume, tout en poursuivant la construction de nos grands projets.
Vous voulez réaliser de grands projets, mais vous semblez déjà avoir des difficultés avec les petits. Il y a deux ans, des propriétaires mécontents s’en étaient ouverts dans la presse.
Il est vrai que nous avons connu, il y a deux ans, des difficultés de suivi de certains chantiers qui mettaient dans un état de stress les nouveaux acquéreurs. Ce que je comprends parfaitement. Aujourd’hui, Edifea fait son mea culpa. Nous avons mis en place de nombreux éléments pour améliorer le suivi de chantier et la remise du bien. Les services garantie et après-vente ont aussi été remodelés en renforçant l’équipe dédiée qui fait le lien avec l’opérationnel. Nous devons insister sur la communication avec les clients, car une petite chose peut prendre une grande ampleur. Il suffit parfois d’un rendez-vous et de travaux de retouches pour aplanir des situations épineuses. Et je le redis, je comprends les angoisses de ces propriétaires. Nous devons mieux les encadrer grâce, notamment, aux outils digitaux. Pour garantir cet objectif, nous mettons d’ailleurs en place un nouveau projet.
Il est vrai que nous avons connu, il y a deux ans, des difficultés de suivi de certains chantiers qui mettaient dans un état de stress les nouveaux acquéreurs
De quoi s’agit-il?
Nous profitons de la restructuration pour lancer un nouveau pôle, baptisé Edifea Home, uniquement dédié à la construction de villas et de petits immeubles. Il sera désormais possible de choisir son bien dans un catalogue et l’adapter à ses besoins et ses envies. Cela permet au client de se projeter plus facilement dans son futur chez-soi. Nous allons également lancer un pôle Hospitality avec pour référence l’ensemble hôtelier Six-Senses.
Pour l’avoir vécu, le chantier dure souvent un an ou plus, laps de temps durant lequel les chefs de chantier se succèdent. En tant que client, ce turnover pose problème car un lien s’établit avec la personne en charge.
Exactement, il s’agit d’un des problèmes qui peut se régler en renforçant la gouvernance de l’entreprise et en donnant aux équipes des raisons de rester. Nous devons mieux les impliquer et les imprégner de la philosophie de notre entreprise. Aux yeux des collaborateurs et collaboratrices, toutes les sociétés sont interchangeables et seuls les aspects salariaux comptent. Chez Edifea, et c’est la raison même de son existence, nous souhaitons représenter une alternative aux grands groupes. Car souvent, les entrepreneurs généraux ont une position trop dure avec les clients. C’est là que notre approche se distingue de celle des autres entreprises. Nous voulons faire de la qualité, ce qui implique forcément de lâcher un peu. Il ne s’agit pas de compter chaque centime. Ce message, nous le passons à l’interne.
Plus encore que le turnover, le principal problème des entreprises générales reste le recours aux mandataires qui, eux-mêmes, sous-traitent à d’autres structures.
La question de la sous-traitance est capitale dans le secteur de la construction aujourd’hui. C’est un virage à 180 degrés qui est pris par Edifea dans le choix des fournisseurs. En tant qu’acteur responsable, nous devons choisir des entreprises locales qui remplissent leurs obligations car c’est un gage de qualité. Nous avons une charte éthique que nous faisons signer à tous nos mandataires. Si des abus sont constatés, nous suspendons notre relation contractuelle de manière immédiate et définitive. Je veux combattre cette problématique qui représente le virus des chantiers et que toute la branche doit éradiquer. Nous sommes intransigeants quant au choix de prestataires de qualité.
L'entreprise se repositionne sur ses valeurs cardinales qui sont la transparence, l'efficacité, l'agilité et la performance
Il a été reproché à Edifea d’avoir grandi trop vite. Est-ce que cet aspect représente un risque pour sa survie?
La croissance n’est jamais un problème, c’est sa gestion qui peut l’être. Nous comptons aujourd’hui 160 personnes, et cela, depuis maintenant plusieurs années. Quant à la santé financière d’Edifea, je souhaite à toute entreprise d’être aussi bien capitalisée. Nous avons plus de 5 millions de francs de capital-actions et 10 millions de bénéfice rapporté. De plus, Edifea appartient désormais entièrement au groupe que je préside qui représente le plus grand acteur immobilier de Suisse romande avec les marques Gerofinance | Régie du Rhône et Barnes Suisse. Edifea est une entreprise pour laquelle nous avons de grandes ambitions!
Quelles sont vos ambitions alors?
Nous venons d’être adjudicataires de 150 logements à Genève, 80 à Bulle (FR) et 22 à Chardonne (VD). Nous avons également le chantier de Small City avec 240’000 m2 de surface commerciale sur la route du Pont-Buttin. Nous voulons poursuivre avec les grands chantiers tout en continuant à offrir des villas individuelles ou jumelles et des petits immeubles de qualité. Nous avons connu des moments difficiles, mais nous travaillons pour retrouver l’ADN d’Edifea, basé sur la qualité des prestations et des relations avec les clients.