Protéger son bien des nuisibles
Insectes, rongeurs et autres parasites envahissent parfois nos habitations, provoquant au passage quelques dégâts ou désagréments… Stéphane Aeschlimann, fondateur de l’entreprise A+A Désinfection et ancien président de la Fédération suisse des désinfestateurs (FSD), répond à 5 questions fréquentes sur la façon de gérer chez soi ces invités non désirés.

Quels sont les nuisibles qu’il faudrait traiter?
Frelons, guêpes, rats, punaises de lit, cafards, pigeons, taupes, araignées, fourmis, moustiques… la liste des «nuisibles» potentiels est longue comme le bras. Tout dépend de son degré de tolérance et de son lieu d’habitation (plus ou moins favorable à certaines espèces invasives, à l’image des maisons au bord du lac ou en lisière de forêt). Typiquement, la blatte forestière qui était plus présente à la campagne auparavant, se remarque désormais de plus en plus en ville. Visible sur les façades où elle cherche de la chaleur, elle rentre dans les appartements mais ne va pas pour autant proliférer. Non nuisible à proprement dite, cette blatte qui vole maladroitement, va se cogner partout et faire du bruit, ce qui, la plupart du temps, dérangera l’habitant qui voudra alors s’en débarrasser (même si cela n’est pas une nécessité).
Bien souvent, nul besoin de traitement, une action mécanique (type moustiquaire) suffit. Les désinfestateurs ne sont donc pas là pour tout tuer mais pour trouver des solutions adéquates à des situations diverses et variées. Toutefois, si le client souhaite malgré tout agir contre un insecte type araignées, des traitements de façades existent.

Quel est le nuisible le plus préoccupant aujourd’hui en Suisse?
Avec le retour des beaux jours, les moustiques tigres redeviennent plus actifs. Cet insecte originaire d’Asie, qui entraîne une forte gêne et un risque lié à des maladies exotiques (zika, dengue, chikungunya), voit sa colonisation s’accélérer en Suisse romande depuis peu. Notamment à Genève, où il a été signalé pour la première fois en 2019 et a déjà été observé sur 8 km2 en 2022, puis 46 km2 l’an dernier. Tout indique donc que cette espèce envahissante poursuivra cette année encore son expansion, ce qui inquiète les autorités et les communes.
Autre nuisible vraiment dommageable qu’il faut traiter sans hésitation aujourd’hui: le frelon asiatique. Avec sa présence accrue et exponentielle elle aussi, les professionnels conseillent de s’en débarrasser dès qu’un début de nid est remarqué et ne pas lésiner sur les contrôles. Par rapport aux nids de frelons dits «européens» (tout comme les nids de guêpes), cela ne veut pas pour autant dire qu’il ne faut pas agir. Si un nid est aperçu dans une zone où il y a de l’activité humaine, mieux vaut l’enlever.
Reste qu’aujourd’hui, le nuisible le plus traité chez les clients est la punaise de lit. Pointé du doigt récemment en France à l’approche des Jeux Olympiques, ce fléau serait plus présent qu’on ne le pense sur notre territoire. Finalement plus handicapant au quotidien que réellement dangereux, celui-ci ne transmet pas de maladie (contrairement aux rongeurs) mais entraîne des coûts d’éradication importants. Une présence de la punaise de lit croissante en Suisse qui s’explique d’une part, par l’amplification des comportements à risque (utilisation de répulsifs, tourisme de masse), d’autre part, par les nouvelles méthodes de désinfestation utilisées par les professionnels.
L’entreprise A+A Désinfection, présente sur l’Arc lémanique depuis 1998, a été témoin de cette évolution des pratiques, passant de produits chimiques (type DDT), très efficaces à large spectre, vers des traitements plus ciblés et naturels. En d’autres termes: si à l’époque les produits chimiques tuaient tout sur leur passage, au fil du temps, leur spécialisation a entraîné la recrudescence de certains nuisibles par effet ricochet.

Quand faut-il faire appel aux professionnels?
Bien que majoritairement saisonnière, la désinfestation est le plus souvent utilisée en dernier recours, lorsque le nuisible est déjà bien ancré dans le bien. Or, à l’image du pompier qui vient éteindre le feu quand la maison est déjà en proie aux flammes, l’idéal serait en réalité d’intervenir au tout début de l’incendie, lorsque le nuisible s’installe. Malheureusement, peu d’indicateurs concrets permettent de se rendre compte d’un début d’infestation. D’autant que tout dépend de la perception du client qui parfois peut téléphoner alors qu’il n’y a qu’un seul frelon chez lui (absence de nid) ou, au contraire, n’appeler qu’une fois que tout son logement est infesté de fourmis. Une chose est sûre, et cela vaut pour tout type de nuisibles, mieux vaut traiter l’infestation dès le départ car elle sera ensuite beaucoup plus simple à gérer et demandera un traitement moins lourd/onéreux, avec moins de produits, voire pas du tout.

Peut-on tout de même prévenir plutôt que guérir?
On peut surtout adopter des bons gestes et porter une attention particulière quand on part en vacances. Pour tout ce qui touche aux toiles d’araignées et aux fourmis, un traitement de prévention sur les façades est possible, par exemple, mais le plus efficace reste de nettoyer chez soi. Une personne qui passe régulièrement l’aspirateur chez elle va, par défaut, être préventive. Les infestations de fourmis, en particulier, dépendent de la propreté d’un lieu (la fourmi noire des jardins rentre si elle trouve de la nourriture par terre ou dans la gamelle du chat).
Pour les guêpes et les frelons présents dans les appartements, 9 fois sur 10 les nids se logent dans les caissons de stores si ceux-ci ne sont pas bougés régulièrement. La reine prend ses quartiers et fabrique un nid pouvant atteindre la taille d’un ballon. Pareil pour les armoires de balcons, souvent laissées à l’abandon dans un coin, les insectes volants y trouvent des interstices et ne sont plus dérangés, ce qui favorise les infestations. Tandis que lorsqu’un store est régulièrement actionné, la reine, constamment bousculée, ne s’installera que dans de rares cas. Dans les villas, la situation se complique car il existe davantage d’endroits à risque. La toiture elle-même et ses nombreux points d’eau va alors permettre aux frelons ou guêpes d’élire domicile jusque sous les tuiles, ce qui demandera de traiter ensuite chaque élément avec un produit de contact.
Concernant les rongeurs, comme le rat d’égouts, le problème va se situer dans les sous-sols des immeubles, lorsqu’il y a une faille au niveau des canalisations, ou dans les rez-de-jardin d’où l’on peut voir désormais les rats remonter les façades grâces aux isolations périphériques. On peut dans ces cas-là protéger les caves et bas de façades avec des produits nocifs pour les animaux domestiques mais que l’on conserve dans des boîtes sécurisées. Dans les villas, même combat. Et ce, aussi contre les taupes qui ne sont pas un problème en soi mais qui peuvent finir par abîmer le terrain.
En matière de prévention, le plus compliqué à gérer s’avère la punaise de lit qui, lorsque l’on part en week-end, ne laisse apparaître des piqûres que plusieurs jours après. Il est donc recommandé d’inspecter sa chambre à l’arrivée, lors de n’importe quel séjour (même court), et de laver à 60 degrés ou de congeler ses affaires en rentrant. Pareil pour les moustiques tigres, les bons réflexes sont d’éliminer toutes les petites accumulations d'eau présentes dans l'habitat (soucoupe, fond d’arrosoirs, etc.) afin de supprimer les zones de ponte. Ces petites flaques fluctuantes pouvant offrir à ce moustique le moyen de constituer une nouvelle génération en moins d’une semaine.

À l’heure de l’écologie, faut-il vraiment agir et se débarrasser de cette biodiversité?
Cette réflexion est déjà présente depuis quelques années dans la pratique, d’où les traitements plus ciblés mais aussi plus «naturels» ou mécaniques. Les punaises de lit en l’occurrence, ne se traitent plus avec des insecticides mais simplement au chaud ou au froid ou avec du dyoxide de silicium. Une tendance qui demande en revanche aux collaborateurs d’être mieux formés qu’à l’époque où les traitements se dispersaient partout, pour tout, sans travail préparatoire. Aujourd’hui, les professionnels tentent de réfléchir à l’impact qu’ils vont avoir par rapport aux résidents du bâtiment et à l’environnement.