Carouge

Quand la maison d’un horloger royal devient musée

La Maison Montanrouge possède une architecture typique des origines de la cité sarde. Elle abrite depuis 1984 le Musée de Carouge, qui a récemment rouvert ses portes après rénovation.

La Maison Montanrouge a été bâtie à l'époque où Carouge faisait partie du Royaume de Piémont-Sardaigne.
La Maison Montanrouge a été bâtie à l'époque où Carouge faisait partie du Royaume de Piémont-Sardaigne. - Copyright (c) Samuel Rubio / Musée de Carouge.
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Située à l’angle de la place de Sardaigne et de la rue Jacques-Dalphin, la maison qui accueille aujourd’hui le Musée de Carouge est dénommée «Montanrouge», du nom de son premier propriétaire. Jean Antoine Demontanrouge est horloger royal et entreprend la construction du bâtiment entre 1788 et 1790. «À l’époque, le maître de l'ouvrage respecte scrupuleusement l’ordonnance rédigée en 1787 par le Turinois Lorenzo Giardino, qui est l’architecte officiel de la Ville de Carouge», explique Catherine Courtiau, historienne de l’art et de l’architecture et auteure d’une étude consacrée au bâtiment pour le compte de l’État de Genève. Carouge est alors une ville nouvelle et connaît un important développement, passant de 567 habitants en 1772 à 4672 habitants en 1792.

Les prescriptions de l’architecte officiel carougeois indiquent notamment le type de façades autorisées, ainsi que la hauteur admise, soit un étage sur rez-de-chaussée. Des prescriptions auxquels a cependant pu déroger le voisin de l’horloger: le dénommé Claude François Delafontaine, notaire et procureur royal, fait construire sa propre maison quelques années plus tard avec notamment un étage supplémentaire.

«L’architecture de la Maison Montanrouge, de style néoclassique, est tout à fait typique pour la ville sarde, poursuit Catherine Courtiau. À l’arrière, le premier étage est doté d’une coursive qui donne vue sur le jardin, accessible au rez-de-chaussée.» La demeure était initialement ornée des armoiries du propriétaire, détail dont il ne subsiste plus de traces. À noter qu'à la suite de la Révolution française, son propriétaire abandonne sa particule. L’événement a également eu des répercussions sur la maison elle-même puisque son extension est interrompue: «à côté du portail, on peut remarquer un mur légèrement de biais, soit en attente d'un prolongement.»

Détail amusant: on dénombre 18 occupants dans la maison en 1790. «Un taux d’occupation qui n’a rien d’inhabituel à l’époque mais qui nous effrayerait aujourd’hui», dit l’historien Dominique Zumkeller, qui vient de rédiger l’ouvrage Petite histoire du Musée de Carouge (Slatkine 2021). Un premier changement de propriétaire survient en 1824. La maison est vendue durant une enchère publique, avant d’être rachetée par François Sébastien Demontanrouge, héritier du propriétaire initial. En 1911, l’ouvrage est ensuite acquis par Clément Coppier, un célèbre faïencier carougeois, qui possède déjà la maison Delafontaine voisine, son épouse Adèle étant issue de cette famille. En 1938, leur fils Louis Coppier revend la maison à Henri Oppikofer. Médecin de profession, celui-ci y installe son cabinet et procède à la construction d’un garage ainsi que d’une buanderie. Côté jardin, la coursive du 1er étage et son espace correspondant au rez-de-chaussée sont murés pour former des couloirs et une nouvelle façade dotée d’un balcon, agrandissant ainsi les espaces intérieurs.

La Ville de Carouge acquiert la Maison Delafontaine en 1949. Le bâtiment connaît d’importantes transformations pour accueillir la bibliothèque municipale, une garderie d’enfants, la salle du Conseil municipal ainsi que la Galerie Delafontaine, installée sous les toits. Il faudra attendre 1977 pour que les autorités puissent procéder à l’achat de la Maison Demontanrouge, suite au décès du docteur Oppikofer. «L’acquisition de la demeure est réalisée dans l’idée d’y créer un musée, Carouge ayant toujours accueilli un important vivier d’artistes, sculpteurs et céramistes, explique Catherine Courtiau. Mais le projet nécessite plusieurs années pour se concrétiser, sous l’impulsion de Jean-Marie Marquis, son premier conservateur, et suite à un legs du peintre Émile Chambon.»

Une exposition consacrée à l'illustratrice genevoise Albertine a marqué la réouverture du musée l'an dernier.diaporama
Une exposition consacrée à l'illustratrice genevoise Albertine a marqué la réouverture du musée l'an dernier.

Après des travaux débutés en 2019, le Musée de Carouge a rouvert ses portes à l’automne dernier. Une nouvelle aile, entièrement en verre, sert désormais de lieu d’accueil pour les visiteurs et a permis de libérer plus d’espace pour les expositions. À noter que l’institution organise par ailleurs chaque année un concours international de céramique autour d’un thème imposé. Une exposition consacrée aux créations des prochains lauréats aura lieu du 17 septembre au 11 décembre prochains.