Quand un architecte crée le palimpseste du PAV
C’est un joli « bébé » qui pèse plus de 3 kilos. C’est l’œuvre de Maxime Lécuyer, jeune architecte au sein du bureau FdMP architectes. Plus de 600 pages avec près de 150 calques couvrant environ quatre siècles.

« Il manquait une méthodologie scientifique. L’auteur du présent ouvrage, Maxime Lécuyer, en propose une base remarquable », relève Francesco Della Casa, l’architecte cantonal genevois, dans la préface. De quoi parle-t-on ? « La plaine alluviale de l’Arve fut longtemps occupée par des pâtures, sillonnées de cours d’eau (…). Le plan des zones de construction de 1929 déterminera l’affectation industrielle du secteur, précisée dans le plan directeur régional Braillard-Bodmer de 1935, qui se concrétisera à partir de 1955, sous l’impulsion de Louis Ducor. »
L’élément déclencheur

Comme le rappelle l’architecte cantonal, avec le projet ressuscité de liaison ferroviaire entre la gare de Cornavin et Annemasse (le futur Léman Express, d’abord baptisé CEVA), cela a changé radicalement la donne pour l’ensemble de l’agglomération genevoise, « et plus particulièrement le secteur Praille-Acacias-Vernets », où deux haltes sont planifiées et ont vu le jour. Sur ce, les architectes s’intéressent alors à ce devenir. La section genevoise de la Fédération des Architectes suisses prend l’initiative de lancer un grand concours d’idées international. Son programme propose la reconversion en zone d’affectation mixte et la densification de tout le secteur PAV. « Cette démarche inédite aura des effets inespérés. Elle se traduira par une intention politique forte, inscrite dans le programme de législature du nouveau gouvernement genevois présenté en 2005 par Pierre-François Unger : « En matière de logement, le gouvernement entend promouvoir des projets rapidement réalisables, tout d'abord dans les zones de développement prévues dans le plan d'aménagement et aussi sur le site de La Praille-Acacias. » Il faut dire que l’avantage de ce secteur repose sur le fait que la plupart des parcelles sont en mains publiques, ce qui permet d’assurer une planification qualitative et cohérente. La clé de voûte pour avancer avec intelligence dans ce sens était la création, en 2020, de la fondation de droit public Praille-Acacias-Vernets en tant que véritable opérateur foncier.
La méthodologie proposée

Comme le résume dans son prologue Maxime Lécuyer, il s’agit de transformer la plus vaste ancienne zone industrielle et artisanale genevoise en un quartier urbain mixte où il fera bon vivre et travailler. « Parcourir des centaines d’archives m’a offert un voyage dans le temps aussi riche que surprenant (…). Trop d’architectes dénaturent par négligence, trop d’historiens muséifient le passé (…). Autrefois champs de bataille, puis grands maraîchers avant d’être zone industrielle, aujourd’hui ce qu’on nomme le PAV est chargé d’une mémoire dont les permanences et les réminiscences peuvent orienter nos actes prochains ».
L’auteur commence ce palimpseste en 1589, avec la topographie d’un champ de bataille opposant les Genevois et les Savoyards qui correspond au secteur actuel du PAV, entre l’Arve et la rupture topographique morainique comme limite Sud-Ouest. Dans la deuxième partie de cet ouvrage imposant, Maxime Lécuyer s’intéresse aux projets d’urbanisme en lien direct avec le site. « L’analyse permet de dévoiler une composante négligée dans la planification du PAV, l’axe historique Place du Marché – Avenue Vibert, dont la réactivation attentive permet d’interroger la conception du Plan Directeur de Quartier en vigueur. » Maxime Lécuyer s’est largement inspiré dans sa démarche d’André Corboz, qui a notamment rédigé deux ouvrages majeurs : Le Territoire comme palimpseste et autres essais théoriques ; mais aussi,Invention de Carouge 1772-1792. « Tout l’enjeu de cette étude est de montrer l’importance de considérer les couches historiques qui composent un territoire, aujourd’hui difficile à identifier », résume l’auteur.

Pour faciliter la comparaison entre les centaines de documents reproduits, ces derniers adoptent un graphisme commun et se divisent en couches distinctes. « La manipulation des différentes cartes permet donc d’extraire comme données communes d’étude les six couches suivantes : la structure végétale, le réseau hydrographique, le réseau viaire, le réseau ferroviaire, le bâti et le parcellaire. » Les 142 calques proposés offrent ainsi plus de 10'000 combinaisons de croisements.
Le PAV en résumé :
- 230 hectares de terrains industriels destinés à être transformés en nouveaux quartiers durables et verts ;
- 12'000 nouveaux logements ;
- Plus de 500'000 m2 de rues et d’espaces publics transformés ;
- Plus de 3000 arbres ;
- 5 nouveaux groupes scolaires ;
- 4 places de vélo par logement ;
- 2,5 km de rivières (la Drize et l’Aire) remis à ciel ouvert ;
- Création d’un parc de la taille du Parc des Bastions.