Quartet transforme le visage des Charmilles
Depuis cet été, douze immeubles sont sortis de terre à l’emplacement d’une friche industrielle. Outre l’un des bâtiments du campus de la HEAD, ce nouveau quartier abrite le premier hôtel Meininger de Suisse romande et nombre d’artisans. Récit.

Une importante page se tourne dans le quartier jadis industriel des Charmilles, à Genève. Après avoir accueilli un hippodrome, puis de 1934 à 1985 une des principales usines du constructeur Hispano Suiza (qui a fermé ses portes en 1985 en laissant sur le carreau quelque 450 collaborateurs), c’est une nouvelle vie qui s’offre à ce site de près de deux hectares, situé entre la rue de Lyon, la rue de Bourgogne et la route des Franchises. Le site dispose désormais d’une affectation mixte: 65% industriel (dont 40% plafonné à 200 francs du m2 pour favoriser les artisans) et 35% d’activités tertiaires (bureaux et commerces), côté rue de Lyon.

On parle en tout d’un campus de quelque 47’000 m2, ce qui est énorme. «C’est une vraie vie qui va remplacer une friche industrielle», se réjouit Grégory Grobon, le directeur de SPGI. Construit par HRS pour le compte de Swisscanto Invest (représenté par la Banque cantonale de Zurich), cet ensemble a nécessité la démolition des anciens entrepôts. Seul l’immeuble donnant sur la route des Franchises a été préservé. Il a été rénové et surélevé de deux étages pour y accueillir la Haute école d’art et de design (HEAD).
Vif intérêt
Ouvert en août 2016, soit peu après l’obtention de l’autorisation de construire (juin 2015), le chantier Quartet qui comprend douze immeubles est en voie d’achèvement. La première phase (les immeubles Q1-Q2) ont été livrés en juin 2018. Situé rue de Bourgogne 1, le bâtiment Q1 offre près de 3800 m2 de surfaces réparties sur six niveaux hors-sol et destinées à accueillir des activités artisanales et industrielles. Les étages sont desservis par un monte-charge de 4 tonnes. Seuls les 2e et 3e étages disposent encore de quelques surfaces libres. L’artiste genevois John Armleder y occupe des locaux. «Ce projet suscite beaucoup d’intérêt», remarque Grégory Grobon. «Nous avons signé 13 baux durant le Covid», ajoute sa collègue Anne-Pascale Marchand, responsable du département industriel.
C'est une vraie vie qui va remplacer une friche industrielle
Rappelons que lorsque la demande d’autorisation de construire a été déposée, la loi instaurant les zones de développement d’activités mixtes (ZDAM), comprenant au minimum 60% d’activités artisanales et au maximum 40% d’espace affecté à des entreprises du tertiaire, n’était pas entrée en vigueur (fin 2013).

Livré en même temps, le bâtiment Q2, situé au 120 rue de Lyon, offre près de 4900 m2 de surfaces réparties sur sept niveaux hors-sols. Son affectation est tout autre: du commerce au rez et des surfaces de bureaux dans les étages. Le constructeur HRS, en charge de ce vaste chantier, y a installé une partie de ses équipes sur deux niveaux. L’IMAD (Institution genevoise de maintien à domicile) a pris aussi des surfaces, tout comme l’Agence générale Genève Rive-Droite d’Axa Winterthur. Seuls 400 m2 sont encore disponibles au 4e étage. Au rez se situe notamment le restaurant Refettorio ouvert par le chef Walter El Nagar, que nous vous avions présenté dans notre édition du 17 janvier 2022. Ce restaurant solidaire propose des services de repas payants qui doivent permettre de financer autant de dîners gratuits pour toute personne dans le besoin. A côté se situe un ActivFitness, venu du bâtiment ex-FIAT à une centaine de mètres. «Il bénéficie désormais de 1400 m2, répartis sur deux niveaux, incluant une garderie», se réjouit Anne-Pascale Marchand.
Défi énergétique

La seconde phase s’est achevée en août 2020, soit la livraison du bâtiment de la HEAD. Comme indiqué précédemment, on parle ici d’une rénovation et d’une surélévation de deux niveaux. «L’objectif était de garder l’empreinte d’Hispano-Suiza dans le quartier», relève le bureau Favre et Guth architecture.
Il accueille les arts visuels et des ateliers techniques. Conçu en 1934 par l’architecte Pierre Cahorne pour Hispano-Suiza, il avait été transformé dès 1941, et jusque dans les années1950, sous la direction de l’architecte Jean Erb. La couleur bleue de cet édifice a pour objectif de témoigner de la nouvelle vocation artistique du bâtiment.

Comme l’ensemble du campus, labellisé HPE (haute performance énergétique) et Minergie, ce bâtiment est raccordé à la centrale d’énergie du site. Il comporte des pompes à chaleur sur sondes géothermiques ainsi qu’une chaudière à gaz en appoint. Des panneaux photovoltaïques en toiture complètent le dispositif. Comme le relève Olivier Burkhardt, directeur de la succursale genevoise de HRS: «Le plus gros défi auquel nous avons eu à faire face a été le changement d’énergie en cours de chantier. Au départ, des sondes géothermiques avaient été prévues, mais vu la grande pollution du site, les autorités n’ont pas voulu prendre le moindre risque avec la présence de la nappe phréatique.» Relevons que ce bâtiment est le seul à avoir été vendu. La Fondation Wilsdorf a racheté les murs, ceci pour contribuer à la constitution du campus de la HEAD (avec ses deux autres immeubles situés de l’autre côté de la rue, dans l’ancienne usine Tavaro).
Bureaux transformés en hôtel
Au même moment, les immeubles Q3-Q4-Q5 étaient achevés, sauf qu’à l’origine, le bâtiment Q5 (118 rue de Lyon) était destiné à accueillir des bureaux. Or, en cours de route, il a fallu l’adapter à un usage hôtelier. Ainsi, les locaux de l’hôtel ont pu être mis à disposition en mars 2021. Signalons qu’au rez de l’hôtel se trouve un cabinet de physiothérapie et un commerce de vélos (Cyclable Genève Charmilles, le plus grand magasin de ce groupe présent sur quatre sites en Suisse).

Au bâtiment Q3, donnant rue de Bourgogne, on trouve notamment Sunrise Business Communications, heureux d’occuper le dernier étage sur plus de 600 m2 à un emplacement très bien connecté et très facilement accessible pour ses monteurs. L’immeuble Q4 se trouve entre deux cours intérieures. Il est aussi destiné à des activités artisanales et high-tech. «Nous avons volontairement décidé de favoriser les petites surfaces dans cet immeuble, soit des locaux d’environ 150 m2, destinés par exemple à des PME actives dans la pharma ou l’informatique», précise Anne-Pascale Marchand.
«Une clinique vétérinaire, ainsi qu’un groupe médical sont notamment sur les rangs pour le bloc de six bâtiments qui sera mis à disposition au premier trimestre 2023.» On parle globalement d’environ 20’000 m2, majoritairement affectés à des activités industrielles et artisanales. Comme nous le rappelle la responsable du département industriel chez SPGI, «tous les rez ont entre 460 et 500 cm sous plafond, d’où la possibilité de créer des mezzanines». Le rez du bâtiment Q9, situé côté rue de Lyon, va accueillir une boulangerie tea-room, La Panière. Autre exemple, au bâtiment Q6, un sous-traitant horloger va venir regrouper ses équipes sur deux niveaux. «Jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu à renoncer à un aménagement car le complexe a été bien conçu, notamment au niveau du dimensionnement des gaines techniques, des grandes hauteurs sous plafond et des accès», relate Anne-Pascale Marchand.
Alors que certaines voix s’étaient inquiétées lorsque le propriétaire actuel avait dépensé 61 millions pour acquérir les terrains et le projet, il est à relever que les conditions de location restent attractives dans le contexte actuel avec des prix particulièrement compétitifs (environ 200 francs du m2 pour des locaux Minergie neufs au centre-ville).