Quartiers: une relation à l'eau compliquée
Au fil des siècles, nos villes n’ont eu de cesse de se repenser en fonction de leurs rivières, fleuves et lacs, alternant entre le rapprochement et la distanciation. Mais aujourd’hui, tout semble changer à nouveau.

A l’heure du réchauffement climatique, l’eau est souvent placée sous le feu des projecteurs. En tant que ressource à la fois convoitée pour produire de l’énergie hydraulique mais également redoutée lors de crues indomptables, sa gestion pose une fois de plus question dans nos communes. Alors, lors d’une soirée organisée fin avril, le service de l’urbanisme d’Yverdon-les-Bains a remonté le fil de cette relation si fluctuante dans le temps, dont voici un bref résumé.
Indispensable mais dangereuse
La plupart des villes suisses (comme dans le monde par ailleurs), se sont développées à proximité de l’eau. Agriculture, source d’énergie, commerce, alimentation... l’eau a longtemps été aussi un mécanisme de défense pour Yverdon- les-Bains et d’autres, se servant de digues pour protéger le château et inonder ensuite les alentours. Au 19e siècle par exemple, faute d’eau courante, les fontaines et points de ravitaillement naturels étaient donc l’élément vital de chaque quartier. Malheureusement, comme toute médaille a son revers, l’eau en ville devient ensuite une source de maladies pour la population suisse. Les rivières, véritables tout-à-l’égout et aimants à moustiques, apportent leur lot de paludisme, de typhus ou encore de choléra à la fin du 19e siècle. Le pays commence à se protéger de l’eau en la remblayant, en la mettant sous toit ou sous les routes pour se couper peu à peu de cet or bleu autrefois si précieux. Le Flon deviendra ainsi le premier réseau de tout-à-l’égout de Lausanne. Les grandes corrections fluviales connues en Suisse débutent à ce moment-là. On canalise, on évacue, on abaisse la nappe, on contrôle les flux pour se protéger de tous les dangers liés à l’eau.
Véritable source d’amusement
Au début du 20e siècle, aux environs de 1940, la généralisation des loisirs et des usages récréatifs liés à l’eau ne fait que croître. Piscines publiques, plages au bord du lac et parcs aquatiques sont créés comme lieux de détente, donnant une tout autre importance à cette ressource désormais banalisée. Puis, dans les années 60, l’explosion démographique assortie d’un pic de pollution inégalé débouchent sur une prise de conscience au niveau législatif. Son traitement et son épuration s’enclenchent.
Les premières grandes stations (STEP) de Suisse sont construites, à l’image de celle de Vidy (VD) qui est mise en service en 1964, en même temps que l’Exposition nationale. En parallèle, les protections et lois en tout genre sont mises en place. La protection de l’eau et la préservation de l’environnement gagnent gentiment en importance (mais ce qui nous semble aujourd’hui usuel, ne l’était pas du tout à l’époque). Des baies longeant l’Arve ou le Rhône à Genève typiquement sont en plein essor et de nombreux pays nous envient tour à tour la qualité de nos fleuves et rivières urbaines.
Une menace à contrecarrer
Mais, ces dernières années, les villes ont fini par se rendre compte de l’étendue des dégâts générés par l’urbanisation et l’établissement de toutes ces barrières installées au fil du temps entre l’eau et le milieu bâti. Pour rappel, dans un cycle naturel, l’eau tombe du ciel par la pluie, est interceptée par les arbres et une partie ruissèle en surface puis s’infiltre dans les sols pour rejoindre la nappe phréatique. En ville, le schéma se complexifie. La même pluie tombe, ne sera pas forcément interceptée par manque de végétation et, du fait de l’imperméabilisation des sols (goudron), limite son infiltration dans le sol, ruisselant beaucoup plus fort et provoquant des crues éclairs. La plupart des villes de Suisse romande, à l’instar de Lausanne en juin 2018 sont alors touchées par de violentes inondations. N’étant pas pensées pour absorber ces litrages et supporter ces événements orageux, les infrastructures se retrouvent alors parfois les pieds dans l’eau. L’augmentation de ces épisodes n’augurant rien de bon, les autorités ont donc pris le problème à bras de corps depuis une poignée d’années. Le but étant de transformer les quartiers en «villes éponges», plus vertes, avec plus de rétention, davantage de revitalisation des cours d’eau et une infiltration des sols plus importante. Et pour ce faire, les canopées, îlots de fraîcheur ou encore toitures végétalisées seront leurs alliés.