Logement

Une qualité de l'air trop souvent négligée

Reléguée au dernier rang des travaux de rénovation, la notion d’habitat sain peine à se faire entendre auprès des propriétaires. Ses bienfaits sont pourtant prouvés mais l’absence de normes pousse pour le moment à l’inaction.

Parmi les matériaux qui ne dégagent pas de substances nuisibles et qui demeurent facilement revalorisables, on compte la chaux et le sable pour les façades
Parmi les matériaux qui ne dégagent pas de substances nuisibles et qui demeurent facilement revalorisables, on compte la chaux et le sable pour les façades - Copyright (c) Freepik
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Jour après jour, la même rengaine se perpétue: quitter son logement pour retrouver le bureau, le déserter le temps d’un lunch à midi, pour mieux y retourner dans la foulée, avant de finalement revenir en fin de journée à la case départ: la maison. En clair, nous passons 90% de notre vie en intérieur et la majeure partie... chez nous. Alors quand on sait que l’air ambiant de nos habitations est cinq à dix fois plus pollué que l’air extérieur, le constat fait froid dans le dos.

En cause, trois principales sources de pollution. Tout d’abord, une isolation excessive des bâtiments (par souci d’économie d’énergie) qui rend les lieux totalement étanches et ne permet pas un renouvellement de l’air suffisant. Un manque de ventilation qui concentre alors fortement les polluants, l’humidité et les moisissures au cœur du logement. Ensuite, il y a le comportement des occupants lui-même qui a fortement tendance à user et abuser des bougies parfumées, sent-bon, encens et produits ménagers chimiques dans toutes les pièces de la maison. Pour finir, le choix des matériaux de construction a aussi un rôle à jouer. A savoir qu’après la Seconde Guerre mondiale, de nouveaux matériaux ont vu le jour. Ciment, métal, matières et peintures synthétiques, supplantant ainsi les traditionnels bois et pierre naturelle de l’époque.

Sachant que de nos jours, dans un bâtiment, plusieurs centaines de matériaux se cumulent, il convient de se pencher sur les effets néfastes que ces produits peuvent avoir sur notre santé. Ces composés organiques volatiles, véritables ennemis sournois et invisibles, causent chaque année la mort prématurée de près de 3000 personnes. Dans le meilleur des cas, les conséquences de ces polluants vont des simples maux de tête à l’asthme en passant par de potentielles insomnies.

Sensibiliser à cet enjeu de santé

Les effets néfastes sont connus mais alors pourquoi ne fait-on rien? Tout simplement car il n’y a pas encore de normes ou de législation en la matière en Suisse. Lors d’une table-ronde tenue par la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (HEPIA) début novembre, une série de spécialistes s’est exprimée sur cette lacune dans un contexte pourtant effervescent d’assainissement global. «Tout comme l’alimentation saine, la qualité de l’air doit faire son bonhomme de chemin dans la société. Une sensibilisation est nécessaire, et les labels ou formations seront très utiles pour cela», commente Olivier Krumm, architecte.

L’HEPIA a profité de cette occasion pour rentrer dans les détails de sa nouvelle formation continue consacrée à l’habitat sain, prouvant que le phénomène pouvait enfin se mettre en marche. Et bien que le cadre légal ne force à rien pour l’instant, rien n’indique que ce paramètre ne fera pas partie de la réglementation d’ici quelques années. Intégrer cette dimension dès maintenant permet donc de se montrer proactif et pionnier mais également de se démarquer, comme le démontre Olivier Krumm: «Dans tout projet de rénovation, il y a une forte dimension économique mais entre deux entreprises très similaires, qui auront les mêmes compétences, les propriétaires auront plutôt tendance à choisir celle qui aura anticipé et aura déjà ces compétences novatrices.»

L’État s’y met à son tour

Venu représenter l’autorité genevoise, le chimiste Philippe Favreau a dévoilé un dispositif inédit initié par le canton afin d’accompagner les professionnels dans le choix de matériaux sains, propices à une qualité de l’air ambiant. Nommée THQMAT (Très haute qualité des matériaux de l’air intérieur et des techniques constructives), cette démarche volontaire invite les différents acteurs de l’immobilier à signer une charte afin de suivre plusieurs recommandations pour une bonne qualité de l’air. Des guides, subventions, attestations sont à disposition, de même qu’une ligne téléphonique gratuite de support tenue par des experts du domaine. De quoi anticiper les besoins de demain pour des habitats moins pollués et surtout beaucoup plus sains.

Les matériaux de rénovation à privilégier

Parmi les matériaux qui ne dégagent pas de substances nuisibles et qui demeurent facilement revalorisables, on compte la chaux et le sable pour les façades, les isolants végétaux et/ou à base de matières recyclées telles que la paille, le chanvre, le lin, la fibre de bois, la laine de verre. Le bois comme matériau de construction par excellence et des alternatives émergentes comme la terre crue. Pour les finitions, on opte pour le crépi à l’argile notamment ou pour des peintures, des colles et des mastics sans solvants. Enfin, le sol peut troquer son parquet stratifié pour de la chape finie ou du liège.