Une voie verte sur les rails
Relier les deux grandes villes du canton de Neuchâtel à vélo... en passant par les tunnels d’une ancienne voie ferrée. C’est le projet de voie verte promu par le gouvernement afin de valoriser un tracé ferroviaire que les CFF sont en train de rénover, mais qui sera abandonné en grande partie dans quinze ans. Explications.

Après huit mois de fermeture complète au trafic, la ligne ferroviaire reliant Neuchâtel à La Chaux-de-Fonds vient de rouvrir. Les convois circulent à nouveau sur une voie refaite et au travers de six tunnels assainis. La rénovation se poursuit et s’achèvera l’an prochain pour une facture finale de 150 millions de francs. Les CFF étaient obligés par la Confédération de procéder à ces travaux pour poursuivre l’exploitation de la ligne. Et cela pour quinze ans seulement. En effet, ce tracé ferroviaire va être en grande partie abandonné à l’horizon 2035, remplacé par une nouvelle ligne RER qui reliera les deux pôles du canton par un nouveau trajet rapide. Tant d’efforts et d’investissements pour ça? Qu’on se rassure, une part substantielle des travaux est pérenne pour le futur RER neuchâtelois et le reste ne sera pas perdu. «Effectivement, l’assainissement à minima qui a été réalisé ces derniers mois permettra idéalement de réaliser une voie verte en valorisant les investissements consentis par la Confédération», explique Laurent Favre, conseiller d’Etat en charge du Département du développement territorial et de l'environnement (DDTE).
Des vélos à la place des rails

La voie verte, ce pourrait être à l’avenir un axe important pour la mobilité douce neuchâteloise. Elle emprunterait une grande partie de l’ancien tracé ferroviaire et quatre des six tunnels. Selon une étude préliminaire des CFF, la piste cyclable irait jusqu’à Fontainemelon seulement. Le tunnel des Loges, qui passe sous la vue des Alpes, poserait des questions de gestion de la sécurité des usagers, vu sa longueur. Mais ce ne serait pas techniquement impossible, et permettrait surtout de relier les deux grandes villes du canton. Pour Laurent Favre, cela aurait de sacrés avantages: «L’itinéraire actuel passe par la Vuedes-Alpes sur une route cantonale fréquentée. Le nouveau tracé serait moins pénible et plus direct entre le Val-deRuz et La Chaux-de-Fonds avec par ailleurs un beau potentiel touristique entre le vignoble, Chambrelien, la traversée du Val-de-Ruz, le tunnel des Loges, les Convers et La Chaux-de-Fonds.» Ainsi, cette future voie verte est plutôt destinée au tourisme et aux loisirs qu’à un report de trafic pendulaire. Quoique. «Le potentiel est probablement plus fort au niveau touristique ou pour des parcours d’une localité à l’autre que directement entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, remarque le Conseiller d’Etat. Mais, allez savoir... au moment où la mobilité en vélo électrique se développe toujours aussi bien.»
Encore à négocier avec les CFF

Mais est-ce vraiment la meilleure solution pour valoriser l’ancienne voie ferrée? Pour Laurent Favre, ça ne fait guère de doute: «Nous ne voyons en l’état pas d’autres options techniquement et financièrement réalistes pour la valorisation des tunnels après la réalisation de la ligne directe.»
Ce projet original de réaffectation serait concrétisé par le Canton, qui devra alors aménager voie et infrastructures qui appartiennent aux CFF (une première estimation se montait à 18 millions de francs). «Nous devons encore nous accorder sur l’acquisition des terrains, mais l’attitude des CFF est positive quant au projet. Nos efforts portent toutefois actuellement sur la concrétisation de la ligne directe, le projet ferroviaire stratégique pour le canton et condition pour la réalisation de la voie verte», explique Laurent Favre. Outre le tracé de la ligne proprement dite, des friches ferroviaires pour 60’000m2 (notamment les périmètres de gares) pourront encore être libérées et trouveront de nouvelles affectations. «Une mise en valeur immobilière sera limitée à quelques endroits spécifiques, comme dans les villages», explique le conseiller d’Etat.
Le potentiel est probablement plus fort au niveau touristique ou pour des parcours d’une localité à l’autre que directement entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, mais, allez savoir…
Unique en Europe

Valoriser d’anciennes infrastructures routières ou ferroviaires, ce n’est pas une nouveauté (lire encadré). Reste que la voie verte à la neuchâteloise aurait un petit quelque chose en plus, comme le relève Laurent Favre: «Il existe de bons exemples en France ou en Allemagne, mais avec des longueurs de tunnel plus faibles. Notre infrastructure de mobilité douce serait probablement unique en Europe.»
Des exemples ailleurs
France: le tunnel magique de Comps
Cet ancien tunnel ferroviaire de 210m de la ligne de chemin de fer Le Martinet-Beaucaire (Gard), a été réaffecté pour la mobilité douce en 2015. Il est désormais intégré au tronçon Beaucaire-Montfrin de la voie verte du Pont du Gard. Particularité: la galerie est équipée d'un système d'éclairage scénographique très coloré qui s’éclaire au passage de visiteurs.
Tunnel du Bois-Clair
Le tunnel du Bois Clair, à l’ouest de Mâcon, est aussi un ancien tunnel ferroviaire. C'est le plus long tunnel de France désormais ouvert à une voie verte (1,6 km). Entièrement éclairé, il faut quatre à six minutes pour le franchir à vélo. La température y avoisine les 11° C en toute saison. Ce tunnel a la particularité d'abriter des espèces protégées de chauves-souris, il est donc fermé pendant la période d'hibernation d'octobre à avril.
Allemagne: tunnel de Milseburg
Galerie ferroviaire datant de 1889, le tunnel de Milseburg a été réaffecté en 2003 pour la mobilité douce et intégré à la voie verte de Milseburg, dans le massif de la Rhön, dans le centre de l’Allemagne. D’une longueur de 1172m, il est équipé d’éclairages à détection de mouvement et de surveillance vidéo.