Le quartier de Plainpalais

Plainpalais assume son trop plein de tout, et c’est aussi pour ça qu’on y retourne, pour se sentir vivant

C’est sans doute le quartier le plus composite de la ville, un grand espace parfois mal représenté et pourtant si convoité autour duquel gravitent autant d’influences que de tendances divergentes. Du cirque Knie au marché aux puces, en passant par le skate park à l’ombre des jeunes arbres replantés, la plaine regorge de propositions. C’est bruyant, c’est vivant, jour et nuit et on aime ça.

Christophe Berger, avenue Henri Dunant, est LA confiserie à fréquenter absolument. Chez lui, la décoration comme le goût nous transporte ailleurs, peut-être à Paris au début du XXème siècle. Pourtant, l’homme est bien suisse, fribourgeois même.

En face, avenue du Mail, Sounds défend la musique grâce à deux activistes passionnés. Il n’est pas impossible, en poussant la porte du magasin de disques, de tomber sur le show case de pointures du rock romand. La fête se prolonge toujours tard, rue de l’Ecole de médecine, pour les étudiants sortis des bibliothèques de l’université voisine.

Les plus jeunes, eux, dorment déjà, car il faut prendre des forces pour profiter des rives de l’Arve du Quai Charles Page. Un escalier permet même de descendre sur la plage de galets bordant l’eau grise de la rivière. L’été, on y bronze entre les ponts des Acacias et de Carouge.

Plainpalais assume son trop plein de tout, et c’est aussi pour ça qu’on y retourne, pour se sentir vivant.

Rédactrice : Zelda Chauvet

Moments de vie

Plainpalais, un quartier pétri d’histoire et de traditions

Constituée officiellement en 1800 sous la domination française, la commune de Plainpalais a été rattachée à celle de Genève en 1930, en même temps que les Eaux-Vives et le Petit-Saconnex. D’abord très rurale et surtout occupée par des terres maraîchères où poussaient essentiellement les fameux cardons argentés ramenés de la région de la Drôme et des Cévennes par les Huguenots français fuyant la persécution, des artichauts, des haricots et des choux, ce vaste territoire s’étendant dans un triangle formé entre le lit du Rhône et celui de l’Arve s’est ensuite fortement industrialisé. Les fabriques pouvaient y tirer la force motrice du courant hydraulique de ces deux cours d’eau.

La destruction des remparts de la ville engendra une profonde mutation dans le tissu de ce quartier très vivant. Aujourd’hui, les traces de cette époque glorieuse se sont estompées et la plaine de Plainpalais, où s’installent régulièrement les cirques et les marchés, reste le symbole tangible d’une histoire riche en hauts faits. L’ancienne commune comportait les hameaux de la Coulouvrenière, de Champel, de Florissant, de la Queue d’Arve, des Philosophes et du Mail, mais aussi le Bois de la Bâtie, qui abrite les anciens réservoirs d’eau de la ville, les quartiers de Florissant, Cluse-Roseraie, la Jonction et le Bout-du-Monde.

La rue du Mail rappelle que c’est à l’ombre de ses arbres que se jouait un jeu de raquettes ancêtre du tennis ; la place du cirque porte ce nom non parce que des cirques ambulants s’installent sous tente sur la plaine du même nom, mais parce que l’on y trouvait déjà en cet endroit, depuis belle lurette, un bâtiment abritant à l’année un tel lieu de divertissement, le Cirque Rancy, démoli depuis. A ses côtés, on trouvait le cinéma Alpineum ouvert en 1896, dans l’ancien diorama, où l’on projeta les premiers films de Suisse. Il fut plus tard remplacé par le Paris, également disparu. Un sort identique a été réservé en 1955 au célèbre Moulin Rouge, érigé à côté du cirque. Même s’il a rouvert sous une autre forme depuis sa démolition, le caractère d’antan n’y est plus.

Un quartier vivant et animé

Coté divertissements, le quartier est extrêmement vivant le long de la rue de Carouge, avec le théâtre Pitoeff, le Casino-théâtre (anciennement Casino de l’Espérance) et La Taverne, sans oublier la Comédie, située à deux pas du Rondeau de Carouge, le théâtre Les Salons, rue Bartholoni, et le Grand Théâtre. La morale est cependant sauve, les églises étant nombreuses dans le quartier. Située à l’angle de la rue du Mail et du boulevard Carl-Vogt, celle de la communauté protestante a été construite en 1847. La catholique romaine du Sacré-Cœur (construite pour des loges maçonniques en 1858-59 puis rachetée en 1873 par l’Eglise catholique romaine) trône toute proche de la place du Cirque alors que celle de Saint-François de Sales (reconstruite en 1904 sur l’emplacement d’une ancienne chapelle datant de 1847) est située à la rue des Voisins. Quant au temple de la Roseraie, inauguré en 1961, il a été démoli en 2008, suite à la fusion de la paroisse avec celles de La Jonction et de Plainpalais-Acacias.

Pour compléter ce bref rappel historique, on ne saurait oublier que c’est sur le trajet qu’il suit toujours dans la rue de Carouge que le premier tram d’Europe – à l’époque tracté par des chevaux – a été inauguré en 1862 entre la ville de Genève et l’ancienne capitale sarde. Ajoutons encore que la plaine de Plainpalais a été le théâtre de fêtes de gymnastiques mythiques ainsi que d’exercices et de tirs militaires d’envergure et qu’elle a accueilli l’Exposition nationale suisse de 1896. C’est d’ailleurs dans ce cadre que furent projetées les premières représentations de cinématographie, plus précisément dans le Palais des fées, sorte de parc d’attraction géant érigé sur la plaine, comme on l’appelle communément.

Il faut aussi rappeler que de son ancien passé industriel, le quartier a conservé longtemps encore quelques témoins vivaces, dont celui de la Société Genevoise des Instruments de Physique (SIP) avant qu’elle ne déménage, à la fin des années 1980, dans la zone industrielle de Meyrin-Satigny. Pour en savoir plus sur la période glorieuse du quartier, il suffit de se rendre au boulevard du Pont-d’Arve, dans le bâtiment de l’ancienne mairie de la commune, qui abrite le Musée du Vieux-Plainpalais.

Rendre la plaine aux habitants de la ville

Aujourd’hui, la plaine forme une vaste esplanade de 78 135 m2 au revêtement minéral qui a conservé son rôle de lieu de délassement pour toute la population de la ville. Les jeunes y sont attirés par le Skate Parc, les familles déambulant entre les allées d’arbres, les marchands ou les maraîchers qui écoulent leurs marchandises ou leurs fruits et légumes en alternances lors des marchés traditionnels ou aux puces. Le marché aux puces y a pris ses pénates après avoir déménagé de la place Isaac-Mercier, en contrebas de la rue de Saint-Jean, où il n’avait plus de place pour s’étendre. Le vaste espace qui accueille aussi de nombreuses manifestations grand public, telles que la retransmission de manifestations sportives ou festives, a été éradiqué des petits trafics louches et des chiens du quartier qui y avaient pris leurs habitudes.

Le site de l’ancien Palais des expositions, situé le long du boulevard Carl-Vogt, a été démoli depuis qu’il a émigré au Grand-Saconnex. Il a été remplacé par le bâtiment de l’Uni Mail, qui grouille d’une population jeune et multiculturelle. C’est le long de cette artère que l’on trouve la tour de la télévision ainsi que le musée d’ethnographie, dont l’agrandissement et la rénovation ont été achevés en 2014, après 20 ans de tergiversations et de controverses.

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Rédacteur : Pierre-Henri Badel
Photographe : Magali Girardin
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Le théâtre Pitoëff : un renouvellement mariant tradition et modernité

Nommé directeur artistique ar la Ville de Genève à l’été 2015 pour un mandat de trois ans, Eric Devanthéry a pris ses fonctions sur place en novembre de l’année dernière.

Sa première saison de spectacles a commencé au début de 2016 avec, au menu, six œuvres de grands auteurs classiques et contemporains déroulant comme fil rouge une folle envie de vivre. « Nous voulons offrir une nouvelle ligne dans le déroulement de nos spectacles en replaçant la modernité des classiques sur l’avant de la scène », explique Eric Devanthéry. « Pour moi, le théâtre invite à poser des questions, à être sérieux sans se prendre au sérieux. »

Abritant à la fois une salle communale, une bibliothèque et une salle de spectacle, le bâtiment de la rue de Carouge est un phare dans l’histoire du quartier. A sa construction au début du siècle dernier, l’architecte Joseph Marshall avait fait preuve d’audace en imaginant un écrin qui apparaît aujourd’hui comme hors du temps et immortel. Son architecture de type Heimatstyle (ou Art Nouveau) impressionne par la beauté et l’harmonie de ses lignes ainsi que par son décor, qui a été parfaitement remis en valeur lors de sa récente rénovation. Une majestueuse fresque du peintre Edouard Ravel, oncle du célèbre compositeur Maurice Ravel, orne la montée des escaliers qui mène à la scène.

Le théâtre véhicule toute une histoire. Son nom lui a été donné en 1949 en l’honneur de Georges et Ludmilla Pitoëff, qui y montèrent 82 spectacles entre 1917 et 1922. Il a aussi été hanté par la fidèle présence de l’acteur François Simon – si cher dans le cœur des Genevois – pendant de très longues années.

« Je désire redonner une identité à ce lieu », souligne Eric Devanthéry, qui entend le marquer fortement de son empreinte. Pour lui, l’important est de replacer la modernité des auteurs dans leur contexte actuel. « Les classiques répondent aux interrogations du XXe siècle. On peut les poser sans être ennuyeux, pédagogue ou moralisateur », précise-t-il. « A l’heure du zapping, le théâtre replace les choses dans la durée. » Il fait appel à des géants tels que Tchekhov et Shakespeare pour véhiculer son message. Faire revivre les lieux n’est pas une sinécure. « Diriger son propre théâtre constitue un autre rapport de médiation », souligne-t-il.

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Casa Mozzarella : une vraie senteur du sud en plein Genève

Arrivé à Genève en 2003 en provenance de la péninsule italienne dans le cadre de ses études de philosophie et d’histoire de la médecine, Angelo Albrizio est tombé dans le chaudron de la pâte filante un peu par hasard. C’est un congénère de retour du Brésil qui a planté le premier ferment qui l’a poussé à s’intéresser à la fabrication de mozzarella à Genève. Cet intellectuel sans aucune expérience dans le domaine a laissé mijoter son idée pendant une année et demie. Il a trouvé une arcade à la rue Dizerens où y installer un local de fabrication, et c’est ainsi que la production a commencé en novembre 2010 avec un volume de 80 litres de lait par jour. Originaire des Pouilles, Angelo Albrizio a opté pour une filière faisant appel à du lait de vache, comme c’est la tradition dans son pays d’enfance, et n’a donc pas fait le choix de la mozzarella au lait de bufflonne, une tradition plutôt établie dans la région de Naples.

Le succès de cette aventure hors du commun est au rendez-vous. De 80 litres de lait par jour la première année, la production est passée à 1000 litres de lait par jour. Il a fallu pour cela faire appel à trois fromagers et ouvrir un deuxième point de vente aux Halles de Rive, et finalement déménager la production à Plan-les-Ouates en août dernier, dans un local aménagé au sein de l’usine des Laiteries Réunies, qui fournit du lait bien de chez nous pour la fabrication de la mozzarella.

La boutique de Plainpalais est quant à elle restée intacte et a conservé son âme d’antan. L’étal abonde de produits typiquement italiens, tels que l’huile d’olive et bien d’autres spécialités méditerranéennes. On y trouve aussi de la mozzarella produite avec du lait de chèvre de Gimel. « La mozzarella de brebis est très recherchée par les grands cuisiniers », explique Angelo Albrizio, qui a déjà caressé l’idée d’y aménager l’ancien laboratoire pour y fabriquer des produits plus élaborés composés de son fromage phare, tels que des sandwichs ou des gâteaux à la ricotta sentant bon le sud de l’Italie. Il vend directement aux consommateurs, mais livre aussi sa production aux chefs cuisiniers dans les hôtels et restaurants de Genève.

La mozzarella peut s’apprêter de différentes façons, mais aussi avec d’autres ingrédients, nous souffle encore Angelo Albizio. « Les gens ne réalisent pas qu’on peut l’utiliser pour confectionner des omelettes, des pâtes au four, des pizzas et toutes sortes d’autres mets succulents. »

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L’Atelier du Relieur : une histoire de passion

Cela fait sept ans qu’Emmanuel Carrat a repris l’atelier de reliure situé à la rue Musy afin de préserver et perpétuer un métier et un savoir-faire local qui tend à disparaître. La profession est menacée depuis que la Ville entend confier les travaux de restauration et de reliure des livres de ses bibliothèques à une seule entreprise et non plus à des petits artisans locaux. Seule resterait à ces derniers la reliure des mémoires des étudiants, des minutes des notaires et d’ouvrages que possèdent des privés, ce qui devrait représenter une chute du chiffre d’affaires estimée à 30 %. Beaucoup vont en souffrir et devoir mettre la clé sous la porte. Emmanuel Carrat va transmettre son atelier à son fils Benjamin et retourner à son métier précédent, celui de tailleur de pierres.


Il lâche le ba
teau avec beaucoup de nostalgie, même s’il ne laisse pas celle-ci transparaître. Ce métier qu’Emmanuel Carrat a appris sur le tas est varié, passionnant et permet d’apprendre constamment. La profession a bien évolué et l’automatisation des procédés a relégué les gestes ancestraux aux oubliettes. Il reste heureusement les inconditionnels des beaux livres, qui n’hésitent pas à dépenser leur argent dans de beaux tissus et cuirs qui entrent dans la confection d’une reliure à l’ancienne avec des gaufrages et des dorures. C’est pour assouvir l’appétit des amoureux des belles pages que l’atelier regorge d’une imposante collection de matières de toutes sortes et dimensions.

« Au total, il faut quatre jours pour relier un livre », indique Emmanuel Carrat. Ce travail ne prend pas toute la journée ; il faut tenir compte des durées de séchage des colles. Il faut être à la fois spécialiste de la découpe et du traitement des tissus, toiles et cuirs parfois rares, mais aussi être passé maître dans l’art de l’aiguille, de la colle, des enduits et de l’or. De son passage dans l’univers du livre, Emmanuel Carrat retire une expérience enrichissante. « On rencontre des gens qui ont des idées débordantes. Cela nous sort de la routine », explique-t-il. Le métier est complexe. Au total, ce ne sont pas moins de 50 opérations qui sont nécessaires pour terminer une reliure.

La recette du succès du métier passe par une maîtrise de chaque geste. C’est de ce savoir-faire dont raffolent les collectionneurs qui succombent au toucher sensuel des reliures. Certains viennent de loin pour rencontrer ceux qui savent apporter la touche finale à un manuscrit ou redonner vie à un livre.

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Voisins Coworking : le partage communautaire d’un lieu de travail

C’est dans un espace occupé précédemment par une imprimerie qu’un groupe de connaissances a décidé de créer un espace de travail commun ouvert à tous, mitoyen à un café où l’on peut se sustenter, se désaltérer et poursuivre des discussions professionnelles ou personnelles dans un lieu convivial. Situé au rez-de-chaussée, dans la rue des Voisins, l’espace illustre bien la volonté de mettre à la disposition des gens un endroit favorisant le déploiement d’activités intellectuelles qui se déroulent dans un environnement favorable à la communication.

Comprenant une vingtaine de postes répartis entre une dizaine de tables de différentes tailles ainsi qu’une salle de conférence d’une dizaine de places isolée du reste, l’espace de coworking de 100 mètres carrés a ouvert en novembre 2014 et le café, qui occupe une surface identique, à la fin mai 2015.

« Pour 2015, nous avons dépassé nos objectifs en termes d’adhérents au centre. Il atteint près de 150 personnes. Nous avons par contre atteint un chiffre d’affaires par personne un peu inférieur aux prévisions, » indique Kaspar Danzeisen, maître des lieux de coworking qui sont accessibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept.

Cet espace n’est pas unique et il n’est pas non plus le premier à s’être ouvert à Genève, mais son ouverture vers l’extérieur et ses locaux qui comportent de larges baies vitrées lui donnent une pointe d’originalité.

« Ce lieu de travail est ouvert à toutes les professions. Cela va de l’avocat au médecin en passant par le journaliste et le développeur informatique », précise Kaspar Danzeisen. L’ambiance de travail est studieuse et le silence est impressionnant quand on pénètre dans les lieux, règle indispensable pour que l’espace fonctionne en bonne entente entre les usagers. On pourrait penser que les coworkeurs sont dérangés par les passants qui déambulent sous les fenêtres de la rue des Voisins, mais il semble que cela contribue à l’animation qui apporte un peu de vie dans les lieux.

Expérience faite, la plus importante population d’usagers du centre travaille dans la communication et les médias. A eux seuls, ils représentent la moitié des coworkeurs. « Les indépendants et patrons de micro-entreprises représentent 20 % à un tiers des usagers », relève Kaspar Danzeisen. Un plus petit groupe est formé de salariés travaillant de manière délocalisée pour de grandes entreprises et ne disposant pas de bureaux sur place. Les coworkeurs peuvent demander à adhérer au club d’usagers et bénéficier ainsi d’un tarif forfaitaire avantageux. Ceux qui l’utilisent de manière épisodique choisissent l’option à l’heure. La formule plaît et fait tache d’huile : un deuxième espace a été ouvert à la place Grenus par l’équipe des sept compères qui se sont lancés dans l’aventure.

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