Vaud

La symphonie du Valrose

Cela fait déjà un an que Benoît Carcenat a repris les cuisines de l’hôtel Valrose au cœur du village de Rougemont. Bilan? Douze premiers mois brillants, sept menus d’anthologie et une équipe de haut niveau.

Le Valrose à Rougemont.
Le Valrose à Rougemont. - Copyright (c) DR
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Nul besoin de tergiverser, il se passe quelque chose à Rougemont! Quelque chose de grand, quelque chose de fort, quelque chose d’unique. Une prouesse gastronomique que l’on n’avait pas vue depuis longtemps sur le sol romand. Cette audace culinaire est le résultat d’un travail acharné, d’une recherche de tous les instants du bon et du beau, d’une créativité quotidienne poussée à son paroxysme et d’une osmose exceptionnelle entre la salle et la cuisine. Car cette quête vers l’excellence ne peut se faire en solitaire. Derrière le chef Benoît Carcenat se cache une équipe à toute épreuve, intégralement dévouée à la cause du Meilleur ouvrier de France. Cette bande de poètes des fourneaux et de troubadours de la salle parviennent à déboussoler nos sens avec autant de technicité et de jovialité que d’humilité et de simplicité.

Septième menu

Une avalanche d’émotions.diaporama
Une avalanche d’émotions.

Avec le dernier menu, une septième symphonie gastronomique attend les convives venus s’attabler à l’hôtel Valrose, à Rougemont (VD). Une valse trépidante où un Rubik’s Cube de lamelles de tomate encoffrant un cœur de tartare de crevettes et caviar se déguste avec douceur et délectation. Et pour escorter cette première séquence, le responsable du bar Giorgio Pariciani propose un concentré de tomates, aromatisé dans l’esprit d’un Bloody Mary, passé au blender, fermenté pendant trois jours puis distillé afin d’obtenir une eau de tomate transparente sans alcool. Renversant! L’opus se poursuit avec un hymne à la betterave associée à des fraises préalablement préservées dans du sirop et du vinaigre, le tout servi avec un granité de betterave et de raifort. L’onctuosité et la douceur s’accordent harmonieusement avec la vivacité et la fraîcheur du plat!

Le prochain mouvement s’ouvre sur des chanterelles en plusieurs textures et ses galettes croquantes aux céréales. Mathieu Quetglas, directeur et sommelier des lieux, prend le devant de la scène et propose de filtrer un bouillon de girolles à la saveur intense dans une dose de café pur arabica. Le liquide foncé s’écoule ainsi délicatement et vient s’ajouter à une sauce au porto et aux girolles légèrement crémeuse dans un tourbillon de saveurs végétales. Divin! S’ensuit un hommage à la mer avec une sole de ligne escortée d’olives, pistaches, concombres et plancton, suivie d’un homard bleu de Bretagne – chirurgicalement découpé sur guéridon par le maître de salle – magnifiquement accompagné de pêches de vigne et d’un bouillon relevé à la sauge.

Le ris de veau fumé au citron et le filet de veau aux mirabelles annoncent en deux services la fin de la partition salée. Le pâtissier Josselin Jacquet entre en jeu avec une mélodie sucrée qui restera longtemps dans les mémoires. Le melon atteint son apothéose, courtisé par du fenouil confit, quelques graines de melon torréfiées, une glace au beurre noisette et un crémeux au miel de Rougemont. Difficile de trouver des mots. Chaque cuillère rend la dégustation encore plus belle. Chaque juxtaposition de saveurs et de textures amplifie la beauté de ce dessert. Déconcertant!

Avalanche d’émotions

Alors que le rêve touche à sa fin autour d’une verveine, les contours du récit prennent forme. Les mots se bousculent et s’affinent au détour de souvenirs et de sensations multiples qui doivent pourtant être mis sur papier. Autant par la prouesse du service de salle que par la maîtrise de la brigade de cuisine, difficile de ne pas être sensible à une telle avalanche d’émotions. Oui la cuisine s’élève au rang d’art à part entière au même titre que les acteurs d’un service de salle exceptionnel. C’est cette composition orchestrale – si difficile à atteindre – qui transforme l’expérience en un moment magique! La partition s’achève en douceur, au calme et avec l’étrange impression d’avoir vécu l’extraordinaire. Il est pourtant temps de redescendre sur terre...