Modèle durable

Ces start-up qui pensent l'habitat de demain

Se chauffer et construire autrement, cohabiter selon un modèle nouveau ou avoir des poissons pour nourrir votre potager. Comment sera l’habitat de demain ? De nombreuses start-up y travaillent.

Espace commun du pavillon aménagé par Enoki. La structure a remporté Solar Decathlon de Denver en 2017.
Espace commun du pavillon aménagé par Enoki. La structure a remporté Solar Decathlon de Denver en 2017.

Un pavillon lumineux, aux espaces modulables en bois, abrité d’un toit et de parois mobiles regorgeant de technologie et récupérant l’eau pour la machine à laver, telle est peut-être la maison de demain. Vous y ajouter un parc avec des roseaux filtrants et un aménagement intérieur intégrant de l’aquaponie, à savoir un «aquarium» où poussent vos salades et haricots grâce aux rejets de vos poissons. Avec ce concept visible à la BlueFactory de Fribourg, la start-up Enoki a remporté le Solar Decathlon en 2017 à Denver, une compétition internationale consacrée aux habitats écologiques. Le projet invite également à la mutualisation des services et à la vie de quartier. Partage d’installations électriques solaires, de denrées ou d’activités ; leur vision est celle du vivre chez soi, mais dans un environnement en interaction. Le prix récompense d’ailleurs un travail de groupe puisque des équipes de l’EPFL, de la HEIA-FR, de la HEAD de Genève et de l’Université de Fribourg, ainsi que 50 entreprises, ont participé à ce challenge.

Cinq ans plus tard, Enoki a réussi son pari. «Aujourd’hui, nos mandataires sont les gérances immobilières et les propriétaires qui souhaitent mettre en place des services durables et de proximité, explique Axelle Marchon, cofondatrice d’Enoki. Il s’agit de lieux de vie communs à un quartier, comme un café, une salle, un jardin potager ou un partage de vélos.»

Parking source d'énergie

Le parking avec les installations de récupération de chaleur de Enerdrape.
Le parking avec les installations de récupération de chaleur de Enerdrape.

Lauréate du Prix Sud 2022 de la start-up durable, Enerdrape travaille à la création d’énergie dans l’espace urbain. La structure lausannoise développe des parois intelligentes qui récupèrent la chaleur de bâtiments tels que des parkings souterrains ou des tunnels. Cette technologie proche de la géothermie permet d’éviter le forage. «Nos panneaux fonctionnent comme une sonde géothermique, résume Margaux Peltier, fondatrice d’Enerdrape. Ils emmagasinent la chaleur de l’air ou du béton. Celle-ci chauffe ensuite l’eau d’un circuit de tuyaux qui alimente une pompe à chaleur.»

Le parking souterrain de Sébeillon à Lausanne a servi aux tests. Une dizaine de panneaux bleu et blanc ressemblant à des espaces publicitaires y captent la chaleur des sous-sols. « Ces panneaux contribuent à chauffer ou refroidir entre 20% et 60% de l’immeuble», précise-t-elle. En Europe, on estime que 50 millions de m2 de parkings souterrains peuvent servir de chauffage. Enerdrape ambitionne d’installer 1’000 panneaux en 2023, puis 8’000 en 2024. Deux projets dans des parkings de centres commerciaux de Lausanne vont démarrer à la fin de l’année, notamment.

Briques écologiques

Le choix des matériaux est lui aussi au cœur des attentions. On crée du béton captant le CO2 dans la start-up bernoise Neustark, répondant ainsi aux exigences de certains cantons de construire à base de béton recyclé. A Genève, Terrabloc a elle aussi repensé les matériaux pour construire des briques de terre compressée valorisant les déchets de chantier. Celles-ci sont fabriquées sur place de manière artisanale ou par l’entreprise Cornaz à Allaman de façon industrielle. Elles servent principalement à la construction de murs intérieurs.

Les briques écologiques de Terrabloc ont été utilisées dans la maisonnette au Rondeau de Carouge, Genève. Architecte: LDW
Les briques écologiques de Terrabloc ont été utilisées dans la maisonnette au Rondeau de Carouge, Genève. Architecte: LDW

Les pays nordiques ont déjà cette culture de la brique visible. La Suisse romande s’y met. Immeuble à La Tour-de-Peilz, serres à Bernex, logements à Jussy ou écoles à Riaz et Marly, TerraBloc aligne les récompenses. «Les constructions de demain vont vers une réflexion sur la provenance des matériaux et leur empreinte environnementale. Par ailleurs, avoir un mur de terre crue visible façonné par un maçon, sur place, valorise la terre et le travail de la main-d’œuvre. La prise de conscience qu’il y a d’autres manières de construire pourrait cependant aller plus vite encore», souligne Rodrigo Fernandez, co-fondateur de Terrabloc.

Réflexion globale

La maison de demain sera donc plus autonome et plus écologique. C’est en tout cas la conviction de Marc Müller, fondateur d’Impact Living. Il accompagne propriétaires immobiliers de toutes tailles et investisseurs dans leur transition énergétique. L’ingénieur en énergie n’est pas tendre avec le parc immobilier suisse qui accuse un retard dans son assainissement, en particulier pour les immeubles antérieurs à 2010 pour lesquels l’isolation est mauvaise. «Un rapport du canton de Genève signale que 60% des bâtiments sont considérés comme des passoires énergétiques, quasiment impossibles à alimenter avec des énergies renouvelables», mentionne-t-il, déplorant le manque de main-d'œuvre dans le secteur de la rénovation et le solaire. «Lorsqu’une caisse de pension achète un immeuble, il faut quelques personnes pour suivre le dossier, mais pour mettre aux normes le bâtiment, des dizaines de plein-temps doivent être prévus, poursuit-il. L’immobilier et les entreprises, stimulés par l’augmentation du prix de l’énergie, commencent à prendre conscience de la complexité du défi.»