Une maison de maître bientôt dédiée à la bande dessinée

La plus ancienne maison du Grand-Saconnex

Le domaine de la Villa Sarasin a appartenu pendant plus de 400 ans à la famille qui porte son nom. Le bâtiment s’apprête désormais à accueillir un musée international de la bande dessinée.

La villa côté parc au début du XXe siècle.
La villa côté parc au début du XXe siècle. - La Mémoire du Grand-Saconnex

Le Grand-Saconnex témoigne de l’évolution du canton de Genève. Commune rurale jusqu’au début du XXe siècle, c’est aujourd’hui une ville de plus de 12’000 habitants qui accueille l’aéroport de Cointrin, de nombreuses organisations internationales et le palais des expositions et des congrès de Genève, Palexpo. C’est à proximité de ce dernier complexe que l’on trouve la Villa Sarasin. Elle porte le nom d’une famille dont sont issus plusieurs pasteurs, médecins et chercheurs illustres. «Un de ses premiers membres notables est Philibert Sarasin, né vers 1500 en Bourgogne», raconte Jacky Cretton, président de l’association «La Mémoire du Grand-Saconnex» et ancien maire de la commune genevoise.

Au chevet de Jean Calvin

Médecin de profession, Philibert Sarasin arrive à Genève vers 1551, est fait bourgeois en 1555 et rejoint, quelques années plus tard, le Conseil des Deux-Cents, l’assemblée législative de l’époque. «Il est surtout connu pour avoir été le médecin de Jean Calvin jusqu’à la mort de ce dernier.»

C’est le fils de Philibert, Jean-Antoine, qui érige une première maison sur le domaine familial vers la fin du XVIe siècle. Les travaux de l’actuelle villa débutent en 1830, sous l’impulsion de François-Paul Sarasin (1779-1850), militaire et homme politique. Il a notamment été le premier maire suisse du Grand-Saconnex. La construction de l'édifice s’achève deux ans plus tard. «La maison a été réalisée par l’entreprise Vaucher Ferrier pour un coût de 185’000 florins, selon les archives qui nous sont parvenues. Il est intéressant de noter que son coût de construction est identique à celui de l’Hôtel des Bergues, à Genève, érigé par la même entreprise à cette époque.»

Au rez-de-chaussée de la Villa Sarasin, on trouve entre autres une monumentale salle à manger, réaménagée depuis en salle de réception, tandis que l’étage compte plus d’une demi-douzaine de chambres. À l’entrée du bâtiment de 300 m2, on remarque une pièce présentant un carrelage distinct du reste de l’ensemble. «Le constructeur de la villa, François-Paul, sachant qu’il allait officier en tant que maire, a fait aménager à cet endroit son bureau communal, de manière à pouvoir s’occuper des affaires courantes depuis chez lui», sourit Jacky Cretton. Les prémices du télétravail, en quelque sorte.

L’entrée de la Villa Sarasin de nos jours.
L’entrée de la Villa Sarasin de nos jours.

L’état actuel de la villa présente quelques modifications par rapport au projet initial des années 1830. La véranda vitrée, côté ouest, est ajoutée en 1852. La façade du bâtiment connaît d’autres changements d’inspiration néoclassique au début du XXe siècle, avec l’ajout d’un porche à colonnes toscanes. À l’époque, la famille Sarasin vit en ville et vient profiter de sa maison de maître comme lieu de villégiature durant les beaux mois. «Une activité économique considérable se déroulait cependant toute l’année, avec l’exploitation de champs et de bétail. La famille disposait également de chevaux dans la ferme toute proche.»

En 1968, l’État fait l’acquisition de la villa, qui est alors mise à disposition d’une fondation, de manière à y établir un foyer accueillant des jeunes en difficulté. Dans les années 1990, le bâtiment est revendu aux organisateurs du Salon international de l’automobile de Genève, qui réalisent divers aménagements, dont la construction d’une cuisine en sous-sol, pour en faire un lieu de réception. Le parc attenant, d’une surface de plus de 9000 m2 est, pour sa part, équipé de diverses infrastructures sportives, de bancs et de jeux pour enfants, et est devenu un lieu apprécié des habitants des alentours.

En 2021, la commune du Grand-Saconnex conclut le rachat de la villa. Le projet qui s’y dessine désormais: un musée consacré à la bande dessinée devrait y ouvrir ses portes d’ici à 2025. Quoi de plus logique pour une région qui a vu naître cet art avec le talent de Rodolph Töpffer? Le bureau d’architecte YKRA vient de remporter l’appel d’offres lancé pour concevoir cette nouvelle transformation de la Villa Sarasin parmi 250 candidatures et 16 dossiers étudiés. Le comité d’évaluation souligne que les architectes retenus «ont parfaitement compris la nature de l’opération d’insertion du programme du futur musée dans un bâtiment à forte valeur patrimoniale.»